Célébrations

Krik-krak ! – La tradition haïtienne de la narration

groupe d'Haïtiens assis sur des chaises et sur un porche dans une cour
Krik-krak à Cayes Jacmel
Photo: Anton Lau

Krik-krak ! (et tim-tim !)

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« Dans ma famille, nous sommes quatre, mais quand un de mes frères et sœurs n’est pas là, nous ne pouvons rien faire… » Connaissez-vous la réponse ?

Ce que vous venez de lire est un exemple d’une captivante tradition culturelle haïtienne connue sous le nom de kont, ou « contes ». La scène dans laquelle vous entendrez ces récits commence généralement au crépuscule, lorsque les enfants quittent la chaleur de leurs foyers familiaux pour se réunir dehors et faire ce que les Haïtiens appellent tire kont — « raconter des contes ». Ces contes ne sont pas vraiment des histoires, mais plutôt de petites charades, chacune plus amusante que la précédente, basées sur les détails et les petits objets de la vie quotidienne, et racontées dans un langage très coloré. La pratique du tire kont est souvent désignée sous les termes krik-krak! ou tim-tim! en raison de la formule d’appel et de réponse propre aux charades.

des garçons haïtiens assis à Port-au-Prince
Des garçons réunis pour la narration Krik-krak à Bois Moquette
Photo: Franck Fontain

Comment fonctionne le krik-krak

Le conteur, celui qui connaît généralement la réponse à la charade, signale le début de celle-ci en criant « Krik ! » À cela, tout le monde répond : « Krak ! »

Lorsque le conteur dit « Krik« , il annonce : « Préparez-vous, j’ai quelque chose à vous faire deviner. » Après que les gens aient répondu « Krak ! », le conteur poursuit : « Tim tim ? » et l’assemblée répond : « Bwa chèch. »

« Je suis peut-être petit, mais j’ai honoré les plus grands hommes. »

À ce moment-là, c’est à la personne la plus rapide de répondre. Les suggestions fusent de tous les coins : bougie ? Stylo ? Carnet ? Et si personne ne connaît la réponse, tout le monde avoue sa défaite en disant : « Mwen bwè pwa. » Alors, et seulement alors, le conteur révèle la réponse à l’énigme. Le krik-krak est une pratique communautaire qui en dit long sur le mode de vie des Haïtiens. Le conte, tout comme la musique et la littérature, contribue à maintenir la langue créole vivante et dynamique.

La pratique du krik-krak / tim-tim est héritée des ancêtres des Haïtiens en Afrique. Dans So Spoke the Uncle, Jean Price-Mars explique que des pratiques similaires apparaissent dans d’autres pays où la majorité de la population descend d’Afrique, comme la Guadeloupe, et que la même formule krik-krak est encore en usage dans certaines régions d’Afrique.

Aux côtés des devinettes, il existe également des histoires racontées aux enfants et aux adultes qui suivent la même formule, et qui participent à la transmission des valeurs collectives et morales de la communauté haïtienne. Certaines histoires, comme Tezin et Ti Soufri, sont largement répandues à travers Haïti. Tout comme les fables et les contes de fées, ces récits portent des leçons morales et reflètent les mœurs sociales.

groupe d'Haïtiens assis sur des chaises et sur un porche dans une cour
Krik-krak à Cayes Jacmel
Photo: Anton Lau

La narration haïtienne : en pleine croissance ou en train de disparaître ?

L’oralité occupe une place extrêmement importante en Haïti, au point que même le Vodou, la religion la plus populaire, se préserve principalement à travers des traditions orales, y compris une forme strictement orale de littérature appelée odyans. Le conte haïtien met en perspective les modes de vie de la classe inférieure et des habitants des campagnes, où des thèmes tels que la propriété, la mort, l’héritage et la famille refont souvent surface — des thèmes familiers dans les contes de fées européens, qui eux aussi se centrent souvent sur la classe ouvrière rurale. Bien que le rite social de raconter des histoires autour des feux de camp soit plus vieux que l’histoire elle-même, et que le jeu de devinettes haïtien en appel et réponse soit ancré dans les modes anciens de narration africaine, le krik-krak! se distingue comme un trésor unique de la culture haïtienne, et l’un qui reflète et co-crée la société haïtienne.

Cependant, puisque les kont se transmettent de génération en génération oralement, certaines histoires racontées rarement risquent de disparaître…

des garçons haïtiens assis ensemble en train de rire
Des garçons réunis pour la narration krik-krak à Bois Moquette
Photo: Franck Fontain

Il y a un festival Krik-krak! en mars, et vous êtes invité(e) !

Depuis 2009, un festival annuel de narration appelé Kont Anba Tonèl – le Festival Interculturel des Contes – est organisé à Port-au-Prince ainsi qu’à Jérémie et dans d’autres villes provinciales. Tenu chaque mois de mars, à partir de la Journée mondiale du conte (le 20 mars), ce festival vise principalement à mettre en valeur les modes de narration haïtiens, en maintenant la pratique du krik-krak! vivante. Et cela semble porter ses fruits – de plus en plus de comédiens se tournent vers une carrière de conteur professionnel, et certaines stations de radio récupèrent des fichiers audio de contes, les archivant pour les conserver et les transmettre aux générations futures que nous espérons voir continuer cette pratique.

Si vous visitez Haïti pendant les deux dernières semaines du mois de mars, vous pourrez assister au festival Kont Anba Tonèl et vous immerger dans une pratique ancestrale. Attendez-vous à entendre une multitude de contes, à assister à des conférences de collecteurs de contes professionnels, et à participer à des ateliers enseignant de nombreux modes de narration, y compris le krik-krak!. Sur ce sujet…

« Krik ? S’habille de pied en cap pour rester à la maison ? » « Krak ! Le lit, bien sûr… »


Rédigé par Melissa Beralus et traduit par Kelly Paulemon.

Publié en mai 2020.


Les grottes de Dondon

vue depuis l'intérieur d'une grotte avec des vignes à l'entrée
Vue de Dondon depuis l’intérieur d’une grotte
Photo: Franck Fontain

Les grottes de Dondon

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Situé dans les montagnes du nord d’Haïti, Dondon est habité depuis l’époque pré-coloniale, lorsque les peuples indigènes Taïnos y résidaient. Ce petit coin d’Haïti attire de nombreux touristes, et l’attraction principale pour les visiteurs est la possibilité d’explorer le magnifique système de grottes à proximité.

symbole de Vodou peint sur le sol d'une grotte
Vèvè de Vodou à l’intérieur d’une grotte à Dondon
Photo: Franck Fontain

Les grottes

Le spectaculaire système de grottes de Dondon comprend dix grottes distinctes. Certaines sont faciles d’accès et portent des noms spécifiques : Vault des Dames, grotte de Marc-Antoine, Vault de Fumée, Vault de Cadelia, Vault de Saint Martin, Vault de Minguet et grotte de Michel, toutes nommées en raison de leur histoire particulière.

Certaines de ces grottes étaient des lieux de culte taïnos pendant la période précolombienne, où les Taïnos venaient prier leurs dieux. L’un des dieux invoqués en période de sécheresse est encore visible sur les murs de la grotte, et, à l’époque post-coloniale, il est vénéré par les vodouwizan comme une figure importante du vodou. Les autres grottes restent sans nom, leurs histoires plongées dans le mystère.

Visites guidées

De nombreux habitants de la région de Dondon, jeunes et vieux, sont ravis de se mettre dans le rôle de guide pour les grottes. Certains ont appris par cœur des formules en français et en anglais, ce qui peut donner lieu à des conversations charmantes, mais parfois confuses.

Les guides expérimentés ou improvisés seront plus qu’heureux de vous aider à découvrir les meilleurs endroits, les pétroglyphes cachés et l’histoire qui imprègne ces grottes. Une partie de cette histoire survit uniquement à travers des récits transmis de génération en génération, vous ne la trouverez donc nulle part ailleurs.

un homme haïtien assis sur un âne en train de boire dans la rivière
Un homme sur un âne près de la rivière Bouyaja à Dondon
Photo: Anton Lau

Festivals à Dondon

Chaque ville en Haïti a son propre festival dédié à son saint patron. À Dondon, des pèlerins viennent de loin pour célébrer Saint Martin de Tours. Certains viennent ici pour faire la fête, d’autres en tant que touristes pour observer, mais la plupart sont là pour honorer les divinités du Vodou, les lwa censées résider ici. Le festival du saint patron Saint Martin de Tours a lieu à Dondon du 9 au 11 novembre, mais les préparatifs de la fête commencent dès le 7 novembre. Pendant cinq jours, les foules affluent à Dondon pour savourer du kleren, déguster du délicieux griot, et danser sur de la musique troubadour du matin jusqu’au soir.

Il y a aussi le Festival de Dondon, qui se tient du 18 au 23 juillet. Ce festival est consacré à Dondon lui-même plutôt qu’aux lwa, et attire des vacanciers qui viennent profiter des excellents spots de baignade dans les rivières avoisinantes, faire des excursions et participer aux conférences organisées à cette occasion.

Quoi d’autre se trouve à proximité ?

Dondon est proche du Palais de Sans-Souci et de la Citadelle Laferrière, classés au patrimoine mondial de l’UNESCO, que les habitants appellent la huitième merveille du monde. Une visite des deux sites est considérée comme essentielle pour tout séjour en Haïti, et le trajet jusqu’à ces lieux vaut vraiment l’effort.

Le Fort Moïse, situé au sommet du Vault de Saint Martin, est également tout près. Parmi les autres attractions figurent la cascade de Kota et la résidence historique de Vincent Ogé. La coopérative de café sur place, à la résidence, est un excellent endroit pour goûter à la saveur particulière du café haïtien.

entrée de cave avec des vignes et des arbres
Entrée envahie par la végétation d’une grotte à Dondon
Photo: Franck Fontain

Comment se rendre aux grottes de Dondon

Dondon est situé dans le nord d’Haïti, à environ deux heures de route au sud de Cap-Haïtien. Le trajet jusqu’à Dondon vous fera emprunter des routes sinueuses qui peuvent être assez cahoteuses par endroits. Sur le papier (ou sur GPS), l’itinéraire passant par la ville de Saint-Michel peut sembler intéressant, mais cette route offre plus d’aventure que ce que la plupart des voyageurs recherchent, et nous ne la recommandons pas. La meilleure façon de se rendre à Dondon que nous avons trouvée est la suivante :

Depuis Port-au-Prince, prenez la route en direction de Cap-Haïtien via la Route Nationale #1. La route vers Cap-Haïtien constitue la plus grande partie du trajet, mais son achèvement récent en fait un voyage confortable, sans compter qu’il est très pittoresque, avec de nombreuses villes où vous pourrez vous arrêter en chemin, chacune ayant son propre caractère. Une fois à Cap-Haïtien, continuez en direction de la ville de Milot. Tournez à gauche après avoir traversé la Rivière du Nord, et en une heure environ, vous arriverez à Dondon.

Il n’y a pas de frais officiels pour visiter les grottes, mais vous devrez engager un guide (formel ou informel). N’oubliez pas d’apporter de la nourriture et des boissons pour le trajet, car il n’y a aucune garantie que vous trouverez quelque chose sur place, bien que Lakou Lakay soit un excellent endroit pour faire une pause déjeuner si vous voyagez via Milot.


Rédigé par Jean Fils et traduit par Kelly Paulemon.

Publié en avril 2020


Explorez Jérémie

homme et femme haïtiens posant derrière un fauteuil à bascule
Nansky & Gina dans leur maison d’hôtes à Jérémie
Photo: Franck Fontain

Explorez Jérémie

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Au terme d’un voyage de 180 miles vers l’ouest le long de la péninsule sud d’Haïti, Jérémie se dévoile comme une ville côtière animée, adossée à des montagnes majestueuses. Riche en histoire et en caractère, elle mérite que vous lui consacriez quelques jours pour l’explorer pleinement.

Si vous avez déjà voyagé dans le nord d’Haïti (notamment en voiture de Port-au-Prince à Cap-Haïtien en passant par Mirebalais), la route vers Jérémie vous rappellera ces moments où le lac de Péligre apparaît entre les courbes de la route. La rivière Grand’Anse, qui donne son nom à cette région d’Haïti, prend sa source dans le Parc national Pic Macaya et descend à travers les montagnes avant de se jeter dans la mer, juste au sud de la ville de Jérémie.

La Grand’Anse est la raison même de la fondation de Jérémie et joue un rôle essentiel en tant que source directe d’irrigation pour les champs et le bétail. Les communautés qui vivent et travaillent le long de la rivière sont diverses, mais elles sont toutes reliées par ce cours d’eau, formant un long et étroit voisinage soudé.

Tout à l’ouest, Jérémie affiche un charme rural assumé, une certaine indépendance vis-à-vis du reste de l’île et une forme de défiance face au temps. Ici, des traditions séculaires perdurent encore aujourd’hui, coexistant avec la modernité d’un Haïti du XXIe siècle.

intérieur d’une église pendant un service
À l’intérieur de la cathédrale Saint-Louis Roi de France, Jérémie
Photo: Franck Fontain

Incontournables à Jérémie

Anse d’Azur – Une baie spectaculaire de sable fin abritant un sous-marin allemand coulé et un magnifique réseau de grottes. Anse d’Azur rivalise avec les plus belles plages des Caraïbes – sans la foule.

Cathédrale Saint-Louis-Roi-de-France – Le même romantisme qui imprègne la littérature de Jérémie se retrouve dans son architecture. Si la lecture des écrivains de Jérémie vous a inspiré, ou si vous êtes passionné d’architecture et de design, la cathédrale Saint-Louis-Roi-de-France est un incontournable. Construite sur le site d’un ancien temple incendié en 1874, cette imposante cathédrale arbore un rouge profond rehaussé de détails blancs. Son architecture rappelle des éléments familiers du patrimoine haïtien, évoquant les maisons Gingerbread de Port-au-Prince, le Marché de Fer ou encore la cathédrale de Hinche.

Fête du saint patron Saint-Louis – La cathédrale brille de tout son éclat au mois d’août, lorsque Jérémie se prépare à célébrer la fête de Saint-Louis-Roi-de-France le 25. La ville et les paroisses environnantes s’animent alors de prières, de festivités et d’une ambiance chaleureuse.

Kay Gina & Nansky – Être à Jérémie en été est une excellente occasion de découvrir Kay Gina & Nansky ! Amoureux d’art, Gina et Nansky ont réussi à créer un espace à la fois autel et galerie, où sont exposées des œuvres d’artistes haïtiens venus de Jérémie, Jacmel, Port-au-Prince et d’autres villes du pays. Ils proposent également un hébergement dans leur maison d’hôtes pour 30 $ la nuit. Les chambres, propres et confortables, sont situées à seulement dix minutes du cœur vibrant de la ville, offrant une immersion locale inoubliable. Le petit-déjeuner peut être ajouté pour un petit supplément. Kay Gina & Nansky est aussi une excellente adresse pour goûter aux spécialités traditionnelles du carnaval, comme les beignets haïtiens, de savoureuses fritures de banane sucrée. Un incontournable si vous êtes en ville lors d’une fête patronale ou du kanaval !

homme haïtien âgé en chemise blanche et pantalon noir
Vieil homme à Jérémie
Photo: Mikkel Ulriksen

Ville des Poètes

Jérémie a vu naître certaines des figures les plus marquantes de la littérature haïtienne, lui valant le surnom de « Ville des Poètes ». Des poètes comme Émile Roumer et Jean-Fernand Brierre, ainsi que le père d’Alexandre Dumas, sont originaires de cette ville et ont porté la littérature haïtienne bien au-delà de ses frontières, à travers leurs œuvres et leurs voyages. Jérémie est ainsi devenue un véritable foyer intellectuel, dépassant même la capitale à une époque et inspirant les écrivains de la jeune nation haïtienne. En vous promenant dans la ville, vous croiserez de nombreux monuments rendant hommage aux poètes et à la poésie.

maison haïtienne avec piscine et balcon
Makay Villa à Jérémie
Photo: Mikkel Ulriksen

Où dormir

Aussi loin au sud-ouest, vous ne trouverez pas de resorts tout inclus, mais Jérémie regorge d’options sur Airbnb. Parmi elles, Place Charmant est de loin la meilleure. Située à quelques minutes en voiture du centre-ville, cette maison d’hôtes perchée sur une colline offre une vue imprenable sur la baie. Vous pourrez vous détendre dans sa grande piscine tout en profitant de la connexion WiFi la plus fiable de la ville. Les chambres de Place Charmant sont proposées à partir de 80 $ par nuit, avec petit-déjeuner et dîner inclus.

Si vous voyagez en groupe, Makay Villa est l’option idéale. Dotée d’une piscine surplombant une petite baie et offrant un accès à une plage semi-privée, cette villa est un excellent pied-à-terre pour votre séjour à Jérémie.

gâteaux konparèt haïtiens en train de cuire au four
Boulangerie de konparèt à Jérémie
Photo: Mikkel Ulriksen

Saveurs à découvrir absolument

Impossible de faire six heures de route jusqu’à Jérémie sans goûter à sa spécialité locale : le konparèt. Ce biscuit sucré riche et dense, proche d’un gâteau de type quatre-quarts, marie à la perfection les saveurs classiques des Caraïbes : noix de coco, bananes mûres et une touche chaleureuse d’épices antillaises comme la cannelle et la vanille. Le konparèt est omniprésent à Jérémie, mais lorsqu’il voyage jusqu’à Port-au-Prince avec les visiteurs, il devient une denrée précieuse – aucune boulangerie ailleurs sur l’île d’Hispaniola ne parvient à reproduire le goût authentique de Jérémie.

Rencontrez les habitants

Accompagnez-nous aux côtés de Wilmar Belizaire, originaire de Jérémie, alors qu’elle nous fait découvrir ses endroits préférés pour voir, dormir et savourer dans la ville.

À savoir

Jérémie est une ville située à l’extrémité ouest de la péninsule sud d’Haïti, célèbre pour avoir vu naître de nombreux poètes et pour sa remarquable cathédrale datant du début du XXe siècle.

Anse d’Azur – Cette baie spectaculaire de sable fin rivalise avec les plus belles plages des Caraïbes – sans la foule.

Le mois d’août est le meilleur moment pour visiter Jérémie, alors que la ville se prépare à célébrer la fête de son saint patron, Saint-Louis-Roi-de-France.

Kay Gina & Nansky est un excellent endroit pour découvrir de l’art et déguster rapidement des spécialités traditionnelles du carnaval.

Makay Villa est le meilleur endroit où séjourner lors de votre passage en ville.

Konparèt – L’essence même des Caraïbes, concentrée dans un biscuit façon gâteau. Gagnez des amis et des faveurs en rapportant cette délicatesse très convoitée à Port-au-Prince.


Rédigé par Kelly Paulemon.

Publié en février 2020


Fèt Gede – la Journée Haïtienne des Morts

homme haïtien vêtu d'une chemise violette avec des os humains célébrant le Fèt Gede
Fèt Gede à Port-au-Prince
Photo : Franck Fontain

Fèt Gede – la Journée haïtienne des Morts

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Chaque année, les 1er et 2 novembre, Haïti devient la scène d’une célébration unique : Fèt Gede, le « Festival des Morts ». Tout comme le Jour des Morts pratiqué au Mexique et par les communautés latino-américaines aux États-Unis, Fèt Gede est une façon de rendre hommage aux êtres chers disparus.

En Haïti, chaque religion célèbre cela différemment : les catholiques se réunissent à l’église pour une messe dédiée aux défunts, et les protestants se rassemblent également — mais les adeptes de l’une des religions d’État du pays — le vodou — célèbrent leurs défunts d’une manière beaucoup plus festive. Bien qu’il chevauche le concept et l’espace calendaire de la fête chrétienne des âmes, la Fête Gede tire ses origines des traditions ancestrales africaines, préservées à travers les océans et les siècles dans l’Haïti moderne.

Les spectacles de Gede sont bruyants et extravagants. Ils peuvent être vus presque partout en Haïti, avec des vodouisants habillés de manière élaborée pour représenter le sous-ensemble de lwa ou loa — « esprits » — appelés gede — « les morts ». Les gede peuvent être invisibles pendant le reste de l’année, mais pendant la Fête Gede, les morts ne passent définitivement pas inaperçus !

Découvrez plus de photos d’une célébration de Fèt Gede aux Gonaïves ici !

Vodou, lwa et gede

Le vodou est un élément prédominant de la culture haïtienne, et en tant que religion, il compte de nombreux pratiquants — appelés vodouwizan — répartis à travers le pays. Le syncrétisme religieux entre le vodou et le christianisme a historiquement rendu difficile l’estimation officielle du nombre de pratiquants, puisque la plupart des personnes qui pratiquent le vodou haïtien s’identifient également comme chrétiens. Cependant, des estimations non officielles suggèrent qu’environ 50 % des Haïtiens pratiquent le vodou. Pour ces vodouwizan, la Fèt Gede est une occasion importante d’honorer les morts.

Mais que sont exactement les gede ?

Chaque vodouwizan a son propre gede. Il s’agit soit d’un ami proche, soit d’un parent – le gede est la réincarnation d’un être cher qui est venu de l’au-delà pour vivre dans le corps du vodouwizan qui l’a appelé. Mais tous les ancêtres ne sont pas vénérés en tant que gede. Pour que les morts deviennent un gede, le vodouwizan doit, à travers une cérémonie de Vodou, entrer en contact avec le défunt et le transformer en gede, qu’il peut ensuite invoquer à sa guise.

Dans le vodou, en devenant un gede, les défunts sont transformés d’une simple âme humaine en un lwa, et ce lwa a généralement un nom qui commence par gede, par exemple, gede loray, où loray signifie « tonnerre ». Parfois, un parent qui a servi un gede meurt, et un autre vodouwizan décide de prendre le service de ce même gede.

Fête dans le cimetière

Lors des célébrations Gédé, les rues de chaque ville sont pleines de vodouwizan. Les 1er et 2 novembre, ils se rassemblent autour des cimetières pour faire des dévotions, effectuer des rituels précis et honorer les défunts.

Chaque cimetière de l’île est envahi par des vodouwizan, certains possédés par les gédé, d’autres non. Ceux qui sont possédés sont facilement reconnaissables par leur tenue : habillés de blanc, de noir et de violet, leurs visages recouverts de poudre blanche et de lunettes de soleil noires, une canne à la main et la bouteille indispensable remplie d’alcool et de piments forts (en particulier le kleren et un type d’habanero appelé piment chèvre). Les gédé adorent les piments forts, et de temps en temps, au milieu de la rue, ils versent l’alcool infusé au piment sur leurs corps, et particulièrement sur leurs organes génitaux, se tortillant et imitant des postures et des scènes érotiques, au grand plaisir des spectateurs.

Possédés par les lwa gédé, ces hommes et femmes parcourent plusieurs km à pied en dansant, leurs hanches guidant chacun de leurs mouvements. Suivant une instruction tacite, ils partagent tous une seule destination finale : le cimetière. Une fois au cimetière, le spectacle bruyant se poursuit avec des chants forts, des danses érotiques et des corps trempés de substances épicées. D’autres vodouwizan venus rendre visite à leurs proches décédés prennent le temps de verser du café et du maïs grillé sur leurs tombes, et de parler avec le parent ou l’ami proche.

Mais d’abord, les participants au défilé doivent obtenir la permission d’entrer dans le cimetière auprès de la tombe cérémonielle du « premier homme », Bawon Samdi, et de la première femme, Manman Brijit. Les gédé forment une très grande famille ; Bawon Samdi représente le père, Grann Brijit la mère, et ils sont suivis par Bawon Kriminèl, Gede Nibo, Gede Loray, Brav Gede et Gede Zanrenyen, qui forment ensemble une escorte pour tous les gédé.

Bawon Samdi (/Samedi), également connu sous le nom de Papa Gede, préside les festivités. Les couleurs de Papa Gede sont le noir, le blanc et le violet, et il est souvent représenté en train de fumer des cigares, portant un chapeau haut de forme et des lunettes de soleil – souvent avec un seul verre. Certains disent que cela est dû au fait que Bawon Samdi voit les deux mondes, ce qui lui confère une étrange ressemblance avec le dieu à un œil Odin de la mythologie nordique, qui arpente également le chemin entre les morts et les vivants.

Filles haïtiennes en robes violettes et blanches avec des visages peints qui célèbrent la Fèt Gede
Célébration Fèt Gede
Photo : Kolektif 2 Dimansyon

Comment s’engager

Chaque novembre annonce la célébration sacrée et spectaculaire de la Fèt Gede – un festival bruyant, osé et flamboyant qui incarne de nombreux éléments essentiels de la culture haïtienne, le tout agrémenté de couleurs vives, de plats épicés, de boissons fortes et du rythme des pieds des gens sur le pavé.

Les rituels de la Fèt Gede ont lieu tout au long du mois de novembre, mais sont concentrés les 1er et 2 novembre. Le plus grand et le plus bruyant des défilés a lieu à Port-au-Prince, au Grand Cimetière. Si vous voyagez en voiture, préparez-vous à des foules énormes qui rendent impossible l’accès au cimetière – vous ne trouverez pas de place pour vous garer, mais un chauffeur devrait pouvoir s’approcher suffisamment pour vous laisser descendre. L’entrée se fait par les portes principales, où est inscrit : « Souviens-Toi Que Tu Es Poussière ».


Rédigé par Jean Fils et traduit par Kelly Paulemon.

Publié en octobre 2019


Explorez Pestel

lever de soleil sur les montagnes entourant un petit village de pêche haïtien
Lever de soleil sur Pestel
Photo: Mikkel Ulriksen

Explorez Pestel

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À environ 40 miles à l’est de la ville de Jérémie, dans le département de la Grand’Anse en Haïti, Pestel est une petite ville portuaire riche en culture, offrant des levers et couchers de soleil spectaculaires ainsi qu’un charme décontracté.

De ses marchés côtiers rustiques à ses sites uniques et inattendus, comme les grottes et îles voisines, Pestel est une destination incontournable pour quiconque explore le sud-est d’Haïti.

L’extrême sud d’Haïti (à l’ouest de Jacmel et des Cayes) est moins fréquenté par les voyageurs que le reste du pays, mais il mérite tout autant d’être découvert. Voici les incontournables à voir à Pestel.

Lever de soleil sur le village côtier de Pestel, Haïti
Lever de soleil sur Pestel
Photo: Mikkel Ulriksen

Réveillez-vous au rythme des brises marines

À Pestel, la vie suit le rythme des jours de marché – le mercredi et le samedi. Tôt le matin, on peut observer les voiliers glisser jusqu’au port de la ville, chargés de marchandises en provenance de Miragoâne. Tandis que les dockers aident les bateaux à accoster et à décharger, la brise marine réveille la ville, appelant les agriculteurs des montagnes qui descendent avec leurs ânes, leurs paniers de paille tressée remplis de fruits et légumes frais. Peu à peu, tout Pestel converge vers le port : domestiques, matriarches, enfants envoyés faire des courses… Le flux de la ville oscille entre les poissonniers et les cultivateurs, chacun se préparant pour le week-end ou la nouvelle semaine à venir.

Si vous visitez Pestel un jour de marché, assurez-vous d’avoir suffisamment de monnaie sur vous et d’emporter un sac réutilisable pour transporter vos emplettes jusqu’à chez vous.

Si vous souhaitez passer la nuit à Pestel pour vous réveiller tôt et voir cette magnifique ville portuaire s’animer, on a ce qu’il vous faut. Bien loin des circuits touristiques traditionnels, Pestel ne regorge pas d’options d’hébergement, mais la maison d’hôtes de Madame Jacques offre un lieu confortable où dormir, avec tout le charme rustique du coin.

Madame Jacques tient une petite maison d’hôtes simple, loin d’un grand hôtel luxueux, mais son hospitalité, sa bienveillance (et sa cuisine !) sont légendaires dans la région. Haïtienne jusqu’au bout des ongles, elle met un point d’honneur à choyer ses invités, veillant à ce que vous repartiez de chez elle avec une expérience de Pestel encore plus belle que vous ne l’imaginiez.

Fête de la Mer – the Festival of the Sea

Pestel est aussi le berceau de la seule et unique Fête de la Mer d’Haïti – le Festival de la Mer. Chaque année, pendant un long week-end en avril, généralement du jeudi au dimanche, la ville de Pestel s’anime avec une série de festivités : une foire gastronomique mettant à l’honneur les richesses de la mer, des excursions vers les grottes voisines, des courses de voiliers… Le tout ponctué de performances d’artistes haïtiens populaires.

La Fête de la Mer est une excellente occasion de découvrir Haïti et sa culture tout en sortant de votre zone de confort urbain. L’événement coïncide généralement avec Pâques, et les organisateurs annoncent les dates officielles bien à l’avance.

intérieur d'une grotte avec d'imposantes stalactites et stalagmites
Intérieur des grottes de Bellony
Photo: Franck Fontain

Grottes et îles

 Les grottes mentionnées plus tôt ont attiré votre attention ? Si c’est le cas, vous savez déjà qu’elles font partie des attractions de la Fête de la Mer. Mais si vous prévoyez de visiter Pestel en dehors du mois d’avril, rassurez-vous : elles restent accessibles aux visiteurs. Parcourez ces cavernes fraîches, isolées et empreintes de mystère, tandis que des guides vous plongent dans leur histoire fascinante. Un peu hésitant à explorer les grottes seul ? L’agence de voyage Haïti Roots propose des excursions, notamment vers la plus célèbre d’entre elles : la grotte de Bellony.

Pestel est aussi un excellent point de départ pour une excursion vers les Cayemites, un ensemble de petites îles offrant une expérience unique. Situées à environ six miles de Pestel, les îles Cayemites promettent une aventure intime et préservée. Imaginez des plages de sable fin se fondant parfaitement dans des eaux cristallines, baignées par le soleil des Caraïbes, avec en prime l’ombre rafraîchissante des forêts qui s’inclinent doucement vers le rivage.

Île haïtienne isolée avec forêt et plage
La plage isolée d’Anse Blanche sur l’île de Petite Cayemite Photo: Anton Lau

Drapeau des combattants de la liberté

Au cours de la dernière décennie, Pestel a été le théâtre d’un réveil politique progressif, amorcé autour de l’arrestation de l’ancien chef de escadron de la mort et homme politique Guy Philippe dans la ville. Cet événement a soufflé un vent de changement, d’indépendance et d’intolérance envers la mauvaise gouvernance. Dans ce même esprit, le drapeau noir et rouge de la libération d’Haïti en 1804 flotte librement sur un mât dans le port, rappelant calmement à tous qu’il n’y a pas de liberté sans unité dans la lutte pour ce qui est juste pour tous.

À savoir

Pestel est une ville portuaire animée, connue pour son marché dynamique, ses levers et couchers de soleil spectaculaires, ainsi que son charme décontracté.

La maison d’hôtes de Madame Jacques est l’endroit idéal pour passer la nuit et se réveiller au rythme du marché (les mercredis et samedis matin).

Excursions aux grottes et aux îlesHaïti Roots organise des visites guidées vers des grottes mystiques, notamment la grotte de Bellony. Pour une expérience de plage exclusive et inégalée, louez un bateau pour explorer les îles Cayemites.

Fête de la Mer – Le Festival de la Mer est célébré chaque année en avril à Pestel.

pêcheur haïtien avec une petite pirogue en bois remplie de poissons
Pêcheur à Pestel Photo: Franck Fontain

Rédigé par Kelly Paulemon.

Publié en janvier 2020


Festival de cerfs-volants Festikap

trois garçons haïtiens faisant voler un cerf-volant
Festival Festikap, La Vallée de Jacmel
Photo: Franck Fontain

Festival de cerfs-volants Festikap

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Imaginez ceci : Après une semaine d’aventure à travers Haïti – entre randonnées, road-trips, plages et cascades cachées – il est temps de célébrer la nouvelle année. Vous choisissez de vous rendre à Jacmel pour admirer les feux d’artifice sur la plage. Le lendemain, vous glissez une nappe de pique-nique dans la voiture, prenez la route vers La Vallée, et contemplez un ciel rempli de cerfs-volants en savourant un bon repas et quelques boissons. Vous pouvez même tenter l’expérience en faisant voler votre propre cerf-volant, avec l’aide des autres participants ou des organisateurs du festival.Il vous faudra un peu moins de 300 gourdes (environ 3 USD) pour acheter un beau cerf-volant et participer à cette fête colorée.

Comme vous pouvez acheter un cerf-volant sur place, il est facile de se laisser tenter, ce qui fait du Festikap une aventure spontanée parfaite ! Le festival a lieu chaque 2 janvier, ce qui en fait l’activité idéale pour tous ceux qui prévoient de passer le réveillon à Jacmel (ou même à Port-au-Prince).

L’ambiance du Festikap est comparable à celle du Champ-de-Mars en février pendant le carnaval. Des cerfs-volants aux couleurs éclatantes et à la créativité débordante envahissent le ciel pendant des heures : une véritable exposition d’art en plein vol. Avec les enfants qui courent partout, les aînés qui observent et les plus jeunes qui s’adonnent au plaisir de faire voler leurs cerfs-volants, l’atmosphère à La Vallée ressemble à une grande excursion en plein air.

Dans les coulisses de la magie

Le célèbre festival de cerfs-volants de La Vallée de Jacmel – ou simplement « La Vallée » comme l’appellent les habitants – célébrera son 10ᵉ anniversaire l’année prochaine. Le Festikap est un événement organisé par l’Organisation Universitaire de Jeunes Valléens pour le Progrès avec pour objectif de préserver une tradition profondément ancrée dans la culture haïtienne, mais menacée par l’oubli et l’abandon. Ce festival annuel offre une porte d’entrée unique vers la belle communauté de La Vallée de Jacmel. Les festivités ont lieu chaque 2 janvier, une date idéale puisque c’est un jour férié en Haïti : la Journée des Aïeux.

Faire voler des cerfs-volants est une tradition essentielle de la culture haïtienne. Dès le mois d’avril, sur les toits des maisons à travers tout le pays, on peut apercevoir des enfants, leurs parents et parfois même leurs grands-parents, tirant sur de fines ficelles presque invisibles, attachées à des cerfs-volants fabriqués avec les moyens du bord. La plupart sont faits de plastique, souvent du même type que celui utilisé pour vendre des papita ou des cacahuètes grillées – certains transparents, d’autres bleus, roses ou colorés. D’autres modèles, plus élaborés, sont fabriqués en papier brun avec des touches de rouge et de vert, des queues et des ornements soigneusement ajoutés. Ensemble, ils parsèment le ciel d’un bleu éclatant du début de l’été, formant des essaims tourbillonnants aux couleurs vives.

En préparation du Festikap, les organisateurs mettent en place des ateliers pour fabriquer un certain nombre de cerfs-volants qui seront exposés le jour du festival. Mais cet événement ne se limite pas à un simple loisir : tout le processus de préparation stimule la créativité et favorise l’engagement communautaire en rassemblant des publics variés. Le festival a pour ambition de raviver l’intérêt pour une tradition en voie de disparition : la fabrication et le vol des cerfs-volants. Les efforts déployés pour organiser le Festikap s’apparentent ainsi à un véritable mouvement visant à transmettre un savoir-faire et à préserver un patrimoine culturel fragile.

garçon haïtien en jean bleu avec un cerf-volant
Garçon avec un cerf-volant au Festival Festikap, La Vallée de Jacmel
Photo: Franck Fontain

Comment s’y rendre

La Vallée se situe à une heure de route au nord-ouest de Jacmel et à environ trois heures de route au sud-ouest de Port-au-Prince. Bien que son nom évoque une vallée encaissée et ombragée, la ville se dresse en réalité à une altitude d’environ 800 mètres (soit un demi-mile au-dessus du niveau de la mer) et offre une vue panoramique sur le sud d’Haïti. Une escapade à La Vallée est l’expérience idéale pour ceux qui recherchent plus qu’un simple week-end à la plage.

Le Festikap est une excellente façon de découvrir Haïti autrement et authentiquement. Si vous aimez les couleurs, la musique et l’esprit de communauté, c’est un événement incontournable à ajouter à votre itinéraire !


Rédigé par Kira Paulemon.

Publié en octobre 2019