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Comment assister à une cérémonie vaudou en Haïti

un groupe de personnes rassemblées autour d'une bougie et d'un cosmogramme dessiné au sol
Une cérémonie vaudou
Photo: Pierre Michel Jean

Comment participer à une cérémonie vaudou en Haïti

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Il ne fait aucun doute que le vaudou est une tradition spirituelle puissante. La première république noire libre au monde a vu le jour, en partie grâce à l’esprit unificateur du vaudou. Le vaudou a servi de fil conducteur, unissant les leaders de la révolution haïtienne, malgré l’absence de langue commune, de liens tribaux ou de pays d’origine partagé. En l’espace de quelques années seulement, dans un exploit apparemment miraculeux et contre toute attente, une armée d’esclaves s’est libérée de ses chaînes, a renversé le gouvernement colonial français, vaincu la marine de Napoléon, aboli l’esclavage et fondé Haïti telle que nous la connaissons aujourd’hui.

Aujourd’hui, peut-être pas en dépit, mais grâce à ces racines puissantes, le vaudou est sans doute la tradition spirituelle la plus calomniée, redoutée et mal comprise dans le monde occidental. Il est temps de rétablir la vérité. La meilleure façon de rendre hommage aux combattants de la liberté et de dissiper les mythes est peut-être d’assister à une cérémonie vaudou en Haïti et de voir par vous-même.

Voici comment faire.

un tambourineur à la chemise ouverte et à la poitrine en sueur
Un tambourineur lors d’une cérémonie vaudou
Photo: Franck Fontain

Découvrez la danse vaudou

Les rassemblements sacrés vaudous peuvent porter de nombreux noms, souvent appelés cérémonie, rituel ou danse. En créole haïtien, les pratiquants du vaudou désignent souvent l’événement par le terme danse (dans). Dans ce guide, les termes danse et cérémonie seront utilisés de manière interchangeable.

Renseignez-vous à l’avance sur qui et quoi la danse sera dédiée

Il peut être utile de demander à qui la danse sera dédiée et dans quel but, le cas échéant. Par exemple, un lwa (esprit) spécifique est-il invoqué ? Si la cérémonie se déroule au début du mois de novembre, elle sera probablement organisée en l’honneur des lwa Gede et du Jour des Morts. Rappelez-vous que les divinités Petwo sont la contrepartie fougueuse et offensive des divinités Rada, plus douces et protectrices. Cette distinction peut vous aider à anticiper le ton du rituel.

Si c’est votre première fois à une cérémonie vaudou, il est recommandé d’assister à une danse Rada, notamment parce que vous aurez moins de chances d’y voir un sacrifice animal. Par exemple, vous pourriez participer à une danse printanière organisée pour accueillir une saison de récoltes abondantes, de chance et de bonne santé. Vous pourriez commencer par une danse Rada dédiée à Erzulie Freda, la déesse de l’amour et de la sensualité, ou à La Sirène, la déesse sirène de la chance, de la fertilité et de l’abondance matérielle.

Les rites, les dévotions et le style général des cérémonies varient considérablement selon la région d’Haïti où vous assistez à la danse. Par exemple, Papa Legba et les esprits jumeaux appelés Marassa sont honorés à travers des rites spécifiques incluant certains rituels, danses, rythmes de tambour, offrandes, prières et cosmogrammes tracés au sol. Cependant, les interprétations d’une danse pour Legba ou Marassa à Cap-Haïtien seront différentes de celles organisées à Jacmel. Cela s’applique à tous les rites et rituels dans les divers temples vaudous à travers Haïti.

Découvrez-en plus sur les différents dieux et déesses du vaudou ici !

une femme haïtienne âgée vêtue d'une robe rouge ornée de paillettes bleues
Une femme lors d’une cérémonie vaudou
Photo: Pierre Michel Jean

Préparez-vous à y passer un bon moment

Une danse vaudou peut durer très longtemps. À Jacmel, par exemple, les tambourineurs, alimentés par le rhum, qui lancent une cérémonie au crépuscule, peuvent encore être en train de jouer à l’aube — bien que leurs mains soient gonflées et meurtries. Comme pour toute danse dans une ville étrangère, apportez beaucoup d’eau et ne vous attendez pas à une heure précise pour la fin. Si vous souhaitez partir au milieu de la danse, prévoyez une stratégie de sortie : venez avec quelqu’un de confiance qui sera flexible pour partir quand vous serez prêt, adressez vos respects à l’hôte qui vous a invité si possible, puis partez simplement quand vous le souhaitez.

extérieur d’un temple vaudou avec un mur peint à la main représentant des esprits
Péristyle vaudou dans l’Artibonite
Photo: Emily Bauman / Amanacer

À quoi ressemble un temple vaudou

Les danses vaudou ont lieu dans un péristyle : un temple, généralement de forme ronde, toujours doté d’un poteau central appelé poto mitan, représentant le nombril de l’univers. En Haïti, de nombreux temples vaudous sont à la fois intérieurs et extérieurs, tandis que d’autres sont entièrement fermés ou complètement ouverts au ciel. Certains rituels sacrés se déroulent près de cascades, comme celle de Sodo, ou à proximité d’un arbre sacré mapou. Cependant, pour les besoins de ce guide, nous supposerons que vous assisterez à une cérémonie dans un péristyle.

Au centre de l’espace cérémoniel, vous verrez un autel. Les bouteilles représentent des cadeaux et des offrandes. Les machettes symbolisent l’honneur et le respect envers les entités du monde des esprits.

Laissez vos bagages culturels à la porte

Sur l’autel, vous pourriez également voir des crânes et d’autres restes humains. Alors que le monde occidental associe les os à la mort, à la nécromancie et à une imagerie kitsch d’Halloween, il est important de comprendre que, dans le vaudou, les crânes ont une signification presque opposée. Essayez de voir dans le crâne la présence réconfortante d’un ancêtre ou l’équilibre entre la vie et la mort.

Tandis que les cultures occidentales tendent à éviter la mort et à la reléguer hors du foyer familial, garder les défunts proches est une pratique essentielle dans des cultures allant de la Roumanie à l’Indonésie en passant par Haïti. Dans le vaudou, la mort n’est pas dissimulée au quotidien, mais plutôt intégrée dans les cérémonies comme un moyen d’apprécier et de célébrer pleinement la vie.

Les ancêtres et les membres de la famille décédés peuvent être invités à se joindre à la danse. Ceux qui sont partis reviennent parmi la communauté pour offrir des conseils et participer aux rituels. Plutôt que de voir cela comme une hantise, envisagez-le comme une magnifique réunion de famille.

Lorsque vous assistez à une cérémonie vaudou, il est judicieux d’aborder l’expérience avec un esprit vierge, détendu et ouvert, prêt à apprendre. Laissez vos bagages culturels à la porte et profitez pleinement de cette expérience totalement nouvelle !

un groupe de pratiquants vaudou vêtus de blanc
Danse lors d’une cérémonie vaudou
Photo: Franck Fontain

Portez une tenue élégante, mais évitez le blanc !

Ce que vous portez est important ! Une tenue de style business casual est appropriée. Évitez les T-shirts voyants ou les vêtements abîmés ou usés. Les hommes peuvent opter pour un jean et une chemise à manches courtes, et les femmes pour un jean et un chemisier. L’objectif est de choisir une tenue élégante mais respectueuse, sans bijoux extravagants. Les danses en milieu rural seront généralement plus décontractées.

La couleur est un élément clé à prendre en compte. La pureté du blanc revêt une grande importance lors des danses et est réservée aux pratiquants vaudous, il est donc préférable d’éviter de porter du blanc à tout rituel vaudou. Les motifs et les couleurs sont acceptables, mais attention aux foulards colorés ! Continuez à lire pour découvrir pourquoi.

Il est utile de se rappeler qu’Haïti peut être remarquablement chaud à presque toutes les périodes de l’année, et parfois même la nuit. Le lin et le coton seront vos meilleurs alliés, que vous prévoyiez d’assister à une cérémonie en ville ou en milieu rural.

Apportez une offrande

Bien qu’une danse vaudou ne soit pas un dîner mondain, il est approprié d’apporter une offrande d’alcool. Le vin ne sera pas le choix préféré de l’hôte dans ce cas. Demandez si vous pouvez offrir un litre ou un demi-gallon de rhum non raffiné, appelé kleren. Vous pouvez l’acheter localement et à bas prix presque partout en Haïti, mais le geste est important et sera apprécié, en particulier dans les milieux ruraux. Le kleren est le carburant de nombreuses danses vaudou, offert tant aux esprits qu’aux sèvitè (serviteurs des esprits). Les tambourineurs, qui jouent souvent toute la nuit jusqu’à l’aube, seront particulièrement reconnaissants.

un prêtre vaudou et un praticien effectuant une danse
Un ougan lors d’une cérémonie vaudou
Photo: Pierre Michel Jean

Le début de la danse

Une série de prières, parfois d’origine catholique romaine, marque le début de la cérémonie. Les esprits vaudous qui servent de gardiens sont salués avec les honneurs, offrandes et invocations appropriés. Lorsqu’il s’agit d’invoquer les fougueux lwa Petwo, les voudiwizans peuvent utiliser des coups de fouet, des sifflets, de l’essence, et même de la poudre à canon enflammée pour attirer leur attention.

Qui dirige la danse ?

Vous pourrez identifier les initiés vaudou (les hommes et les femmes qui orchestreront la cérémonie) par leurs vêtements cérémoniels entièrement blancs. La plupart des initiés portent des jupes haïtiennes traditionnelles blanches, des chemises blanches amidonnées et un mouchoir blanc sur la tête. Certains peuvent porter des foulards colorés en satin. La couleur du foulard est associée au lwa servi ce jour-là, mais elle indique également le rang dans la hiérarchie du temple.

Mambo ou manbo est le terme désignant une prêtresse vaudou. Ougan est le terme pour un prêtre vaudou masculin. Les mambo et ougan sont des figures d’une grande autorité et respect au sein de la communauté, responsables d’intervenir dans une large gamme de difficultés sociales, allant de la maladie aux conflits familiaux, aux problèmes financiers, ou même simplement une série de malchances. En tant qu’intermédiaires entre les lwa et les humains, ils agissent comme des serviteurs qui restaurent la santé, l’harmonie et l’équilibre.

On croit que les tambours créent un passage vers le monde des esprits. C’est une invitation rythmique pour les lwa à assister à la danse qui est tenue en leur honneur. Un peu comme une station de radio, lorsque les tambourineurs s’accordent sur la fréquence FM spécifique du lwa, ce dernier commence à diffuser sur cette fréquence. Chaque lwa possède son propre rythme de tambour et des danses associées, et il peut aussi y avoir des variations entre les traditions : un rythme de tambour d’origine Dahoméenne est différent d’un rythme d’origine Congo. Les initiés peuvent passer toute une vie à perfectionner leur répertoire.

un cosmogramme tracé au sol avec une main tenant une bougie
Un vèvè tracé au sol d’un hounfour
Photo : Pierre Michel Jean

Les vèvè cosmogrammes

Vers le début de la danse, les pratiquants vaudou initiés traceront un cosmogramme vèvè sur le sol avec de la poudre blanche. Cela demande une grande maîtrise, précision et entraînement. Ces vèvè symétriques sont anciens et uniques à chaque lwa.

Une fois tracé avec une parfaite symétrie sur le sol du temple, un élément essentiel est en place permettant au lwa de descendre. Tout comme les rythmes de tambour uniques, les cosmogrammes uniques sont des signes d’appel, attirant un lwa particulier. En plus du vèvè tracé avec précision sur le sol, un drapeau orné de paillettes représentant le cosmogramme est suspendu dans un endroit d’honneur pour que tout le monde puisse le voir.

Découvrez l’art complexe des symboles vaudous avec notre guide visuel des vèvè du vaudou haïtien.

Les transes de possession

Si la danse est un succès, attendez-vous à voir une transe de possession. En créole, la personne possédée est appelée le chwal (cheval), qui sera « monté » par le lwa. Voici comment identifier un chwal:

Vous pourrez voir des personnes avec les pupilles dilatées, des comportements spasmodiques, apparemment hors de contrôle de leur corps, accomplissant l’impossible, comme marcher sur des charbons ardents. Il n’y a pas lieu de s’alarmer lorsque des individus se donnent entièrement à un lwa pour être dirigés de cette manière. Cela signifie que la cérémonie est un succès et représente l’accomplissement de rites et de pratiques complexes qui ont survécu à des centaines d’années de répression.

La transe est une opportunité pour l’esprit d’accomplir des guérisons à travers le chwal possédé. Des bénédictions peuvent avoir lieu, et c’est également l’occasion pour le lwa de réprimander ceux de la communauté qui ont besoin de se ressaisir et de changer leur comportement.

La transe de possession peut durer seulement quelques minutes ou plusieurs heures. Le chwal qui a donné son corps en service au lwa se réveillera probablement épuisé, sans se souvenir de ce qui s’est passé.

des personnes vêtues de blanc dansant et frappant des tambours lors d'un rituel vaudou
Tambours et danse lors d’une cérémonie vaudou
Photo: Pierre Michel Jean

Si vous avez peur du diable ou de la possession…

Mettez de côté les images issues de films d’horreur comme L’Exorciste ou les associations de possession avec des démons. Rappelez-vous plutôt que les personnes entrent volontairement dans la transe de possession. Peu importe ce qui se passe, souvenez-vous que le vaudou est pratiqué pour restaurer l’ordre, l’équilibre, la santé et l’harmonie dans la vie de ses pratiquants.

De nombreux non-pratiquants, tant en Haïti qu’à l’étranger, ont été amenés à associer le vaudou haïtien au mal, à la possession démoniaque et même au satanisme. Cela est assez ridicule et diffamatoire, car il n’existe même pas de figure de Satan dans le panthéon vaudou des esprits qui pourrait être adorée.

Les pratiquants du vaudou croient en un dieu suprême nommé Bondye ou Gran Met, qui est tout-puissant mais demeure distant. Il n’y a pas de contrepartie maléfique à Bondye, et comme le concept de « source » ou de « divinité », il n’est pas directement impliqué dans les affaires humaines. La multitude de lwa – esprits des ancêtres – servent d’intermédiaires, bien plus comparables aux saints de l’Église catholique qu’aux démons.

Vous avez toujours peur de vous faire posséder spontanément ? Lisez notre article Le Vodou haïtien dévoilé pour comprendre pourquoi cela ne se produira pas.

Le sacrifice d’animaux

Pour demander de la chance, les serviteurs des esprits peuvent faire un sacrifice sanglant. Des animaux tels que des coqs, des poules, des colombes, des cochons et des chèvres peuvent être abattus pendant la cérémonie. L’offrande peut être plus ou moins sanglante selon qu’il s’agit d’une offrande pour un esprit Petwo bosu (buffle) fougueux, par exemple, ou d’une cérémonie en l’honneur des doux jumeaux Marassa du rite Rada.

Pour les voyageurs occidentaux qui ont grandi en étant conscients des campagnes de PETA et du travail des activistes pour les droits des animaux, il peut être difficile d’imaginer que des rituels anciens vieux de 5 000 ans soient pratiqués en grande partie sans changement aujourd’hui. Si vous êtes préoccupé par votre réaction face à cette pratique ancienne, demandez des détails à l’avance afin de pouvoir décider si vous souhaitez y assister ou non.

des femmes haïtiennes âgées vêtues de rose avec une chaise sur la tête
Des femmes lors d’une cérémonie vaudou
Photo: Pierre Michel Jean

Faites vos recherches

Le Musée National d’Haïti à Port-au-Prince est un excellent endroit pour voir certains des tambours vaudous les plus anciens et historiques – certains datant des années 1500 ! Le Musée du Panthéon National Haïtien (MUPANAH), situé sur le Boulevard des Champs de Mars, présente une collection mettant en valeur les héros de la révolution de l’indépendance, ainsi que les outils qu’ils ont utilisés pour fonder la culture haïtienne moderne.

Juste au coin de la rue du Musée National se trouve le Bureau d’Ethnologie, un musée entièrement dédié au vaudou haïtien ! Si possible, visitez au moins l’un de ces musées avant de vivre votre expérience de cérémonie vaudou.

LGBTQ+ et Espaces Sûrs

Le travestissement, les identités trans et toutes les expressions de genre sont les bienvenues dans les communautés vaudou. Les relations et comportements homosexuels sont souvent acceptés sans question. Personne ne s’étonne – dans cet espace, du moins, ces identités minoritaires sont respectées en tant que serviteurs de la déesse de l’amour, Erzulie. Attendez-vous à ce que la danse soit un espace sûr. Vous pourriez voir des hommes en robes de femmes et bien d’autres choses encore.

pratiquants vaudous haïtiens lors d'une cérémonie
Un rituel Chire Aiyzan réalisé lors d’une cérémonie vaudou
Photo: Pierre Michel Jean

100 % Vaudou

La vérité est que même certains Haïtiens qui suivent les traditions protestantes ou catholiques et assistent à la messe le dimanche peuvent chercher des conseils auprès d’un mambo ou d’un ougan au cours de la semaine. En fait, un autocollant populaire à Port-au-Prince porte la phrase suivante : « Haïti, 80% protestant, 100% vaudouisant. » Pour les étrangers, cette pratique largement acceptée peut être difficile à comprendre. Pourtant, lorsqu’un membre de la famille tombe malade ou que les situations de vie deviennent critiques, cette flexibilité religieuse est courante. Elle fait partie du syncrétisme complexe de la culture haïtienne, où les choses sont multicouches et bien plus riches en significations qu’elles n’en ont l’air en surface. Certains pourraient même aller jusqu’à affirmer qu’on ne peut véritablement comprendre la culture haïtienne tant qu’on n’a pas pris part à une cérémonie vaudou.

À la fin de la journée, peu importe votre race, religion, orientation sexuelle ou pays d’origine, vous serez accueilli avec grâce et chaleur lors d’une cérémonie vaudou. Chacun est respecté, et la protection, la chance et les vœux de bonne santé sont offerts à tous ceux qui y assistent.

Qu’en dites-vous ? Peut-être qu’il est temps de danser…


Écrit par Emily Bauman.

Publié en janvier 2021.


Essayez le rhum Barbancourt

un cocktail de Rum Sour mélangé avec ses ingrédients
Cocktail Rum Sour préparé avec du rhum Barbancourt à l’Hôtel Florita, Jacmel
Photo: Mikkel Ulriksen

Essayez le rhum Barbancourt

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Bien que la culture haïtienne puisse être résumée par l’expression créole pa gen pwoblem – traduite par « pas de problème » –, il y a beaucoup de choses que la culture haïtienne possède en abondance : des plages, des carnavals, des groupes de rara, des échanges animés dans les transports en commun et, bien sûr, du rhum !

La production de rhum remonte à plusieurs siècles en Haïti, et l’une des marques les plus anciennes est également la plus grande : vous verrez la marque « Barbancourt » partout où vous irez.

Mais comment ce rhum est-il devenu un élément incontournable de la culture haïtienne ?

Distillé en Haïti depuis 1862

La distillerie de rhum la plus populaire d’Haïti a vu le jour en 1862, lorsque le Français Dupré Barbancourt a posé le pied en Haïti. Fort de son expérience dans la production de cognac dans le sud-ouest de la France, le fondateur Barbancourt s’est installé en Haïti pour tirer parti de la renommée de l’île dans la production de sucre.

Cette même année, après avoir appris les bases de la fabrication du rhum plutôt que du cognac, Barbancourt a lancé son entreprise. En intégrant son expertise en production de cognac, il a distillé son rhum deux fois, augmentant ainsi la teneur en alcool du produit final.

À ses débuts, un gallon de rhum Barbancourt se vendait pour seulement trente cents !

Après le décès de Barbancourt, son épouse Nathalie Gardère a pris les rênes de l’entreprise. Depuis, l’affaire est restée dans la famille et en est aujourd’hui à sa cinquième génération.

une bouteille de rhum haïtien
Rhum Barbancourt Estate Reserve avec une œuvre du célèbre peintre haïtien Félix Jean
Photo: Franck Fontain

Une icône culturelle

L’entreprise est devenue le rhum le plus connu et le plus célébré en Haïti. En s’invitant à tous les grands événements culturels – carnaval, saison du rara, fêtes patronales –, Barbancourt a solidifié son statut d’icône dans la culture haïtienne.

Aujourd’hui, Barbancourt se targue d’être une entreprise haïtienne, employant des Haïtiens pour produire un rhum destiné aux Haïtiens. Depuis sa fondation, la marque s’est imposée comme l’un des plus fervents soutiens de la scène artistique et culturelle haïtienne (regardez de près l’emballage du rhum Estate Reserve, et vous y trouverez une œuvre du célèbre peintre haïtien Félix Jean).

Un article sur le rhum en Haïti ne serait pas complet sans mentionner l’importance du rhum dans le folklore et le Vodou haïtiens. Lors de la plupart des cérémonies vodou, carnavals et fêtes patronales, le rhum est l’élément clé : il lance les festivités, unit les participants et permet de célébrer ensemble l’identité et la cohésion haïtiennes.

un barman haïtien dans un intérieur de bar, présentant un Rum Sour
Barman préparant un Rum Sour avec du rhum Barbancourt à l’Hôtel Florita, Jacmel
Photo: Mikkel Ulriksen

Quel Barbancourt devriez-vous essayer ?

Le plus jeune des rhums proposés par Barbancourt est un rhum blanc puissamment doux mais robuste. Grâce à sa pureté et à sa force, il est très prisé dans les cocktails, mais se déguste également pur.

Il y a le rhum trois étoiles, âgé de quatre ans, qui est plus corsé et plus doux. Un cran au-dessus, le rhum cinq étoiles de huit ans est un incontournable dans tous les bars d’Haïti. Ici, les notes de saveur sont plus prononcées et invitent à une pause pour les savourer pleinement.

Vient ensuite le rhum Estate Reserve de quinze ans, souvent réservé comme digestif en raison de la complexité de ses arômes, du nez à la finale.

Où le déguster

Passez par votre supermarché local ou une boutique de quartier – les supermarchés proposent généralement les deux formats de bouteilles (750 mL et 175 mL), tandis que les boutiques de quartier ont plus souvent le format plus petit (175 mL).

Sur glace, sec avec une touche de citron ou mélangé dans un cocktail, Barbancourt est une expérience incontournable pour quiconque souhaite vraiment pouvoir dire qu’il a découvert Haïti !

Un entrepôt rempli de fûts de rhum en bois
Distillerie de rhum Barbancourt, Port-au-Prince
Photo: Franck Fontain

Visitez la distillerie Barbancourt

À seulement quelques kilomètres au nord de l’aéroport de Port-au-Prince, la distillerie Barbancourt propose des visites guidées tous les vendredis, de novembre à mai. Ces visites, d’une durée d’environ deux heures, sont menées en français ou en anglais. Les visiteurs découvrent tout le processus, depuis le déchargement des cannes à sucre jusqu’à la mise en bouteille et le vieillissement, avec à la clé une dégustation de tous les rhums, jusqu’au 15 ans d’âge.

Vous pouvez acheter du rhum directement à la distillerie, à partir de 17 USD pour le rhum 8 ans d’âge et 45 USD pour le 15 ans d’âge. Assurez-vous d’apporter des dollars américains si possible – la distillerie préfère cette devise au gourde haïtien (HTG). Quoi que vous fassiez, nous vous recommandons de réserver votre place à l’avance.


Écrit par Kelly Paulemon.

Publié en novembre 2020


Visitez le Katherine Dunham Cultural Center

bâtiment avec un toit au design futuriste dans un parc public
Katherine Dunham Centre Culturel, Port-au-Prince
Photo: FOKAL

Visitez le Katherine Dunham Cultural Center

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Situé sur la côte en croissant de la baie de Port-au-Prince, le quartier de Martissant était autrefois bordé de boulevards et de villas où la haute société haïtienne vivait et prospérait. Aujourd’hui, Martissant est un quartier à forte densité, loin d’être une destination touristique. Cependant, quelques lieux méritent le détour, et le Katherine Dunham Cultural Center en fait partie.

Niché au cœur du Parc de Martissant, le Katherine Dunham Cultural Center est un havre de paix, de sérénité et de vie communautaire. Il porte le nom de Katherine Dunham, danseuse et chorégraphe afro-américaine qui s’est installée en Haïti dans les années 1930 pour étudier l’héritage africain des formes de danse caribéennes. Aujourd’hui connue comme la « matriarche de la danse noire », Dunham est reconnue pour avoir introduit le rythme et la technique africains et caribéens dans le répertoire de la danse professionnelle.

La maison privée et le studio de Katherine Dunham

Lors de son séjour en Haïti, Katherine Dunham s’est liée d’amitié avec plusieurs officiels haïtiens et est devenue une importante ambassadrice culturelle du pays. Au cœur de Martissant, elle a acquis une propriété verdoyante de sept acres, qu’elle a utilisée à la fois pour elle-même et pour sa compagnie de danse basée aux États-Unis. Un hôtel y fut construit, et pendant plusieurs années, Dunham y a accueilli et diverti l’élite haïtienne ainsi que quelques invités privilégiés.

Le faste à l’intérieur de ces murs et le luxe de pouvoir se consacrer entièrement à l’art offraient un contraste saisissant avec la pauvreté qui frappait le quartier de Martissant. Aujourd’hui, ce lieu rend quelque chose en retour.

Désormais ouvert au public

Après le décès de Katherine Dunham en 2006, sa propriété a été transformée en centre culturel. Elle abrite aujourd’hui une bibliothèque emblématique, composée de cinq bâtiments conçus pour évoquer les mouvements de la danse. Cette œuvre architecturale a été réalisée par les architectes mexicains Raúl Galvan Yañez et Winifred Jean Galvan.

C’est pourquoi, vue de loin, la silhouette géométrique et fluide du centre se distingue aisément. Sur le côté droit du centre actuel se trouve la relique d’un imposant péristyle, autrefois propriété de Katherine Dunham. Elle l’utilisait durant son séjour en Haïti comme un espace dédié aux cérémonies vaudou, inspirées de ses recherches sur les cultures africaines et caribéennes.

La plupart du temps, le Katherine Dunham Cultural Center est ouvert au public. Il abrite une bibliothèque soigneusement conçue, adaptée aux jeunes enfants, aux adolescents et aux adultes. Il est possible d’y emprunter des livres moyennant une modeste cotisation. Son intérieur lumineux, accueillant et conçu de manière intuitive invite naturellement à s’installer à une table ou à parcourir les étagères. Tout y est pensé avec soin pour favoriser l’échange, la communauté et la communication.

Événements

Comme le Parc de Martissant est placé sous le parrainage de la Fondasyon Konesans Ak Libète (Foundation for Knowledge and Liberty), le Katherine Dunham Cultural Center accueille de nombreuses tables rondes, forums et panels. Tout au long de la semaine, des activités variées sont proposées aux enfants, allant des ateliers de contes aux lectures animées par des auteurs haïtiens renommés. Le centre organise également des séances de dédicaces et des conférences avec de jeunes auteurs émergents, contribuant ainsi à dynamiser la scène littéraire haïtienne.

Il y a toujours une effervescence d’activités au Katherine Dunham Cultural Center. Ce lieu d’exception, rendu possible par une femme tout aussi exceptionnelle, rend hommage à sa vie de militante passionnée, profondément immergée dans la culture haïtienne.


Rédigé par Kelly Paulemon.

Publié en octobre 2020


Journal photo: Pétion-Ville

Homme marchant dans la zone hôtelière avec des parasols et des chaises longues
Passant à l’Hôtel NH Haiti El Rancho, Pétion-Ville
Photo: Alain David Lescouflair

Journal photo: Pétion-Ville

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Pétion-Ville bénéficie de sa position entre le quartier résidentiel de Pèlerin et les grandes zones commerciales du centre-ville de Port-au-Prince et de Delmas. C’est un lieu intermédiaire, mais doté d’une vie qui lui est propre.

voiture vintage rouge à Port-au-Prince
La vie de rue à Pétion-Ville
Photo: Alain David Lescouflair

Le matin, après l’heure de pointe, la zone est un véritable plaisir à observer. Délivrée du trafic des parents et enfants pressés d’aller au travail et à l’école, Pétion-Ville se dévoile sous un autre jour, et des places publiques comme la Place Saint-Pierre ou la Place Boyer prennent vie.

bâtiment d'église blanche à Pétion-Ville
Église Saint-Pierre
Photo : Alain Lescouflair

Juste en face de l’église du même nom, la Place Saint-Pierre est un lieu où de nombreuses personnes s’installent pour déjeuner, discuter ou simplement se promener tranquillement en fin de matinée et en début d’après-midi.

homme assis à côté d'un vélo BMX garé sur une place publique
Un cycliste fait une pause à l’ombre à la Place Saint-Pierre
Photo: Alain Lescouflair

Lorsque l’école est en session, les élèves du Lycée Pétion-Ville sortent parfois de la cour de récréation pour jouer dans le parc. Certains font du vélo, d’autres jouent à chat, tandis que d’autres profitent de leur déjeuner avant de retourner en classe.

garçons haïtiens en uniformes scolaires sur des vélos BMX
Élèves faisant du vélo à la Place Saint-Pierre
Photo : Alain Lescouflair

Pétion-Ville est une ville de couleurs, parfois dissimulées entre les arbres, et d’autres fois s’affichant fièrement en toile de fond des marchands de rue proposant nourriture, appareils électroniques et articles ménagers du quotidien.

sandales exposées sur un mur carrelé
Sandales exposées à la vente devant des mosaïques colorées
Photo: Alain Lescouflair

Si vous êtes dans la région, vous devriez absolument essayer un fresko, ou glace pilée, lors de votre exploration de la ville. Une gourmandise très abordable, elle est particulièrement délicieuse avec des cacahuètes grillées par-dessus !

vendeur versant du sirop sur de la glace pilée
Un vendeur de fresko versant du sirop de fruit de la passion sur de la glace pilée
Photo: Alain Lescouflair

Lorsque vous traversez Pétion-Ville pour la première fois, l’idée qu’elle puisse être une ville paisible peut sembler un peu étrange — mais lorsque vous prenez le temps de la découvrir, peut-être à pied, vous commencez à comprendre que les villes ne deviennent pas paisibles par hasard, elles sont façonnées ainsi.

trois Haïtiens assis sur une pelouse en train de discuter
Un petit groupe est assis à l’ombre pour discuter à la Place Saint-Pierre
Photo: Alain Lescouflair

Pétion-Ville dégage une énergie différente la nuit. Une halte incontournable pour les amateurs de fête, avant ou après un événement, elle abandonne son éclat diurne pour révéler une lueur nocturne douce mais animée.

circulation nocturne près d'une station-service
Vue aérienne depuis le sommet de l’Hôtel Royal Oasis
Photo : Alain Lescouflair