Quoi faire

La Maison Dufort: Définir l’architecture haïtienne à Port-au-Prince

Une Maison Dufort à Bois-Verna, Port-au-Prince
Photo: Franck Fontain

La Maison Dufort: Définir l’architecture haïtienne à Port-au-Prince

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Dans le quartier résidentiel calme de Bois-Verna à Port-au-Prince, vous trouverez la Maison Dufort, l’un des joyaux du style architectural emblématique des maisons en pain d’épice en Haïti. Elle est un vestige de ce style architectural qui était particulièrement populaire autour du tournant du siècle en Haïti, dans des villes comme Port-au-Prince, Jacmel, Cap-Haïtien ou Jérémie.

Avec leur charme particulier, ces maisons ont su résister remarquablement au climat tropical chaud et humide d’Haïti, sans compter les nombreux désastres naturels au fil des années. De nos jours, elles constituent une part intégrante du patrimoine architectural d’Haïti, et la Maison Dufort est sans aucun doute l’un des exemples les plus curieux de cette architecture classique et raffinée.

La Maison Dufort: Plus d’un siècle d’histoire

La maison se trouve également dans un quartier calme de Port-au-Prince, où les amateurs d’art de tous horizons peuvent se retrouver pour exposer leurs œuvres, discuter d’art lors d’une inauguration de galerie et admirer les expositions qui couvrent les murs de cette charmante maison. Ou vous pouvez simplement savourer une bière bien fraîche pendant un spectacle ou un concert.

Si vous prenez un détour entre la 2ᵉ et la 3ᵉ Avenue du Travail, il est peu probable que vous résistiez à la façade fleurie, aux anciennes portes en bois, aux toits pointus et aux magnifiques balcons de la Maison Dufort. L’agencement de ces éléments architecturaux donne à la structure un aspect éclectique qui contraste avec le quartier paisible de Bois-Verna. La Maison Dufort est un véritable chef-d’œuvre architectural et l’un des exemples les plus remarquables de ce style haïtien typiquement du XXᵉ siècle.

L’architecte haïtien Léon Mathon, l’un des trois principaux architectes qui popularisera ce style architectural en Haïti, a conçu la maison en 1910. Comme la plupart des autres maisons en pain d’épice construites pendant cette période, elle a d’abord été utilisée comme résidence familiale, appartenant à – nul autre que – la puissante famille Dufort. La structure a ensuite été utilisée comme bureau jusqu’en 2010, lorsque le tremblement de terre du 12 janvier l’a gravement endommagée.

Véranda de la Maison Dufort
Photo: Franck Fontain

Une promenade à travers la Maison Dufort

La Maison Dufort offre à ses visiteurs un agréable mélange d’opulence, d’élégance, de classe et de confort. Le bâtiment est niché dans un cadre rustique, composé d’une cour pavée de 1 200 mètres carrés, d’un jardin de bougainvilliers et de parterres de fleurs tout autour de la maison. L’ensemble forme un cadre serein où l’on peut rapidement oublier la sensation quelque peu chaotique du centre-ville de Port-au-Prince.

L’entrée principale mène à un vestibule qui donne accès à trois autres pièces. En face du vestibule se trouve un magnifique escalier en bois en colimaçon qui mène au deuxième étage. Le toit élevé du deuxième étage, ses belles fenêtres à guillotine, son sol en bois et son balcon sont tous typiques de l’architecture Gingerbread. Ces éléments permettent aux pièces du niveau supérieur de maintenir une température ambiante agréable, grâce à la brise constante.

La Maison Dufort présente un intérêt architectural particulier, car elle combine les deux caractéristiques les plus distinctives de l’architecture Gingerbread haïtienne. Alors que certains bâtiments de ce type sont entièrement en briques ou entièrement en bois, la Maison Dufort combine élégamment ces deux matériaux. Le premier niveau est constitué d’un cadre en béton et en briques, tandis que le deuxième niveau est entièrement en bois, sans oublier son balcon en bois, qui est une caractéristique incontournable de ces maisons historiques.

Exposition d’art à la Maison Dufort
Photo: Franck Fontain

Le Musée Dufort

Le musée de la Maison Dufort est actuellement géré par la Fondasyon Konesans ak Libète (la Fondation FOKAL), qui l’utilise comme musée pour les diverses expositions qu’elle organise avec d’autres partenaires, tels que le Centre d’Art. La Maison Dufort accueille de grands événements artistiques et culturels, notamment l’exposition Vives en janvier et février 2022, et continue de présenter d’autres expositions saisonnières ou activités culturelles.

En 2016, la maison et le musée ont été rénovés avec le soutien de FOKAL et du WMF dans le cadre d’un chantier dédié à la préservation du patrimoine architectural des maisons en pain d’épice en Haïti. Depuis lors, ils sont opérationnels et ouverts au public.

Aujourd’hui, la Maison et le Musée sont le véritable refuge des passionnés d’art à Port-au-Prince. Rien que le fait de se retrouver à l’intérieur de son cadre intemporel rend le voyage totalement digne d’intérêt. La structure elle-même est une œuvre d’art, et les expositions vous donneront envie de revenir encore et encore.

Une Maison Dufort à Bois-Verna, Port-au-Prince
Photo: Franck Fontain

Comment visiter

La Maison Dufort et le musée sont situés au numéro 9 de la 2ᵉ Rue du Travail, à Port-au-Prince, juste en bas de la rue de l’Institut médical Saint Adres, entre la 1ʳᵉ Rue du Travail et la Rue Vilmenay. L’itinéraire le plus rapide part de Champs-de-Mars via l’Avenue Charles Sumner, qui se divise ensuite en la 2ᵉ Avenue du Travail. Louer un taxi serait l’option idéale.


Rédigé par Costaguinov Baptiste.

Publié en novembre 2020


Cuisine haïtienne : Carte culinaire d’Haïti

jeune fille haïtienne écrasant un fruit à pain avec un grand mortier dans la cour
Jeune fille écrasant un fruit à pain avec un pilon pour préparer du tonmtonm
Photo: Jean Oscar Augustin

Cuisine haïtienne : Carte gastronomique d’Haïti

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Une carte gastronomique de la cuisine haïtienne

Accompagnez-nous dans un voyage gourmand à travers l’un des plus charmants petits pays des Caraïbes, alors que nous traçons les repères les plus emblématiques du manje peyi – la « cuisine du pays », ou cuisine haïtienne.

Réputé pour son climat caribéen, sa scène artistique florissante et sa vision positive, ce petit pays ne se laisse certainement pas distancer par sa culture culinaire. Fruit de siècles de syncrétisme culturel, la cuisine créole haïtienne est un mélange de styles culinaires caribéens autochtones, africains et coloniaux français, agrémenté d’une touche épicée d’influence espagnole venue de l’est de l’île (et renforcée par la superbe croissance des piments habanero ici !).

De nombreuses recettes haïtiennes « classiques » se sont cristallisées dès les débuts de l’histoire républicaine d’Haïti et ont traversé les époques, mais les Haïtiens sont fiers de leur esprit d’innovation, et la cuisine haïtienne ne fait pas exception.

table avec un bol d'akasan haïtien, du pain, des noix de cajou, de l'anis étoilé et un verre d'eau
Un bol d’akasan
Photo: Jean Oscar Augustin

Commençons par le commencement

Le petit-déjeuner en Haïti commence avec l’akasan, une bouillie épaisse à base de maïs, servie avec du sucre, de la cannelle et du lait de coco. Au fil des ans, des ingrédients comme le lait de vache ainsi que des extraits de vanille et d’amande y ont également été ajoutés. Le nom akasan fait partie de l’héritage linguistique laissé par les habitants indigènes d’Hispaniola – en particulier une tribu appelée les Arawaks, majoritaires sur l’île au moment de sa colonisation.

Les Arawaks nous ont également laissé la recette du kasav. Comparable à une galette, le kasav est préparé à base de manioc et se déguste généralement avec du beurre de cacahuète ou de l’avocat. Certains innovent et savourent leur kasav avec une omelette ou du fromage.

table avec du café haïtien, du manioc, des fruits et du beurre de cacahuète
Petit-déjeuner haïtien avec kasav
Photo: Jean Oscar Augustin

Aujourd’hui, chaque département a sa propre spécialité culinaire. Les villes côtières comme Jacmel, Les Cayes et Port-Salut sont réputées pour leurs plats à base de poisson frais – frit, bouilli, grillé ou en sauce – accompagné de riz, de bananes plantains ou d’autres tubercules comme l’igname, le taro ou les patates douces.

Grand’Anse

Le département de la Grand’Anse, dont le chef lieu est Jérémie, est célèbre pour son tonmtonm ; un plat d’origine africaine, importé dans les Caraïbes par le commerce des esclaves. Le tonmtonm est une préparation de fruit à pain pilé, servie avec une sauce gonbo — à base de gonbo — et se mange généralement avec les mains. La tradition veut que le tonmtonm soit avalé sans être mâché, pour vraiment en apprécier toutes les saveurs.

La Grand’Anse est également le berceau du konparèt : des biscuits épais, nourrissants et sucrés, préparés avec de la farine, du sucre et du lait, et aux saveurs délicieuses. Ils peuvent être consommés en apéritif, mais attention à ne pas en abuser ; ils sont assez rassasiants.

deux assiettes de fruit à pain écrasé et de tonmtonm haïtien
Tonmtonm haïtien
Photo: Jean Oscar Augustin

Ouest

La ville de Petit-Goâve est réputée pour son dous makòs : une douce friandise à base de lait qui fond lentement sur la langue. Si vous faites un arrêt à Petit-Goâve, un bon morceau de dous makòs fera un excellent dessert après une assiette de fruits de mer fraîchement cuisinés.

Nord

De l’autre côté de l’île, au nord, tout le monde s’accorde à dire que la ville de Cap-Haïtien regorge de cuisiniers talentueux. Espérant tirer parti de cette réputation, de nouveaux restaurants émergent régulièrement dans la ville, offrant ainsi toujours quelque chose de nouveau à découvrir (et de nouveaux entrepreneurs à soutenir) pour les visiteurs fidèles.

La cuisine de Cap-Haïtien est particulièrement réputée pour ses recettes à base de noix de cajou, alors ne manquez pas d’essayer quelques plats locaux aux noix de cajou pendant votre séjour ! Originaire du Brésil, le cajou est aujourd’hui une culture importante dans toute la Caraïbe, et la majorité de ceux d’Haïti sont cultivés ici même, dans le département du Nord.

Artibonite

L’Artibonite, juste au sud-ouest du département du Nord, est le centre de la production de riz et de lalo en Haïti, un ragoût d’origine africaine. Aussi appelé épinard égyptien ou oseille de l’Afrique de l’Ouest, le lalo est le nom local du jute. Aux États-Unis et en Europe, le jute est peut-être mieux connu comme source de fibre pour les cordages, mais ici en Haïti (et dans la plupart des régions d’Afrique et d’Asie), cette plante aux multiples talents est largement utilisée en cuisine.

Pour préparer le lalo, on cueille de fraîches feuilles de jute bien vertes, puis on les fait mijoter avec des épinards, des oignons, des poivrons et de l’ail, ainsi que des morceaux de poisson ou de viande assaisonnés à la créole. Ce qui distingue le lalo de Montrouis des plats de lalo que l’on trouve ailleurs dans la province de l’Artibonite – et qui en fait une spécialité à goûter absolument – c’est qu’il est préparé avec des crabes de mer fraîchement pêchés.

deux assiettes de lalo haïtien avec du riz
Lalo haïtien avec du riz
Photo: Jean Oscar Augustin

Et où que vous alliez, vous trouverez…

Des patates douces et du maïs.

Les patates douces sont présentes dans plusieurs recettes classiques haïtiennes, comme le patat ak lèt (patate au lait), préparé en faisant d’abord bouillir la patate, puis en la pelant et en la nappant de lait sucré, avec juste une pincée de sel pour en rehausser les saveurs naturelles.

Le maïs est consommé partout dans le pays et fait partie de nombreux repas. Dans sa forme la plus simple, cet aliment de base se présente sous forme de polenta chaude et crémeuse – appelée mayi moulen en Haïti. Le maïs peut également être bouilli (quel plaisir de croquer dans un épi juteux, imprégné de la sauce dans laquelle il a cuit !). Il est l’ingrédient principal du konsonmen, un ragoût composé de maïs, riz, haricots et d’autres délicieux ingrédients. Le maïs est aussi à l’honneur dans le tchaka, un ragoût épais et riche, composé de maïs, de viande (beaucoup de viande), de légumes et de purée de haricots. Vous trouverez également le maïs fumé, et dans le pèt-pèt. Le pèt-pèt n’est en fait que du popcorn, mais nous devons le mentionner, car son nom haïtien est un vrai plaisir à prononcer !

Partez pour un voyage culinaire à travers Haïti !

On ne peut pas dessiner une carte d’Haïti avec seulement des collines, des vallées, des montagnes et des plages. Plutôt que de se fier uniquement à un itinéraire physique, pourquoi ne pas utiliser votre voyage actuel — ou le prochain — pour découvrir Haïti à travers ses saveurs variées ? Audacieuse, mais toujours équilibrée, la cuisine haïtienne est aussi diversifiée et nuancée que le peuple de l’île.


Rédigé par Melissa Beralus et traduit par Kelly Paulemon.

Publié en janvier 2022


Meilleurs sites d’observation des oiseaux en Haïti

deux oiseaux noirs sur l'herbe éclaboussant de l'eau

Mèl Dyab / Quiscale des Grandes Antilles à Pic la Selle (Quiscalus niger) Photo: René Durocher

Meilleurs sites d’observation des oiseaux en Haïti

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Le territoire de l’Hispaniola (Haïti et République Dominicaine) abrite plus de 300 espèces d’oiseaux, dont 28 sont endémiques. Le territoire haïtien à lui seul abrite plus de 245 oiseaux non migrateurs, dont 36 sont exclusivement trouvés en Haïti. À cela s’ajoutent les sous-espèces spécifiques aux îles haïtiennes telles que La Gonâve, La Tortue, Les Cayemittes et l’Île-à-Vache. Une variété d’oiseaux migrateurs venant d’Amérique du Nord hivernent en Haïti, ce qui fait des mois d’hiver une excellente échappée au froid tant pour les oiseaux que pour les passionnés d’ornithologie.

Birdlife International reconnaît dix zones importantes pour les oiseaux et la biodiversité en Haïti, ainsi qu’une zone endémique pour les oiseaux, faisant d’Haïti un lieu incontournable pour l’observation des oiseaux.

Voici une liste non exhaustive des endroits, périodes et conseils pour profiter d’une sélection variée de magnifiques oiseaux lors de votre prochain voyage en Haïti.

Petit oiseau jaune sur une branche d'arbre

Ti Tchit Dèyè Jon / Paruline à croupion jaune à Wynne Farm Photo: René Durocher

1. Wynne Farm

Wynne Farm est une magnifique réserve écologique située dans la ville montagneuse de Kenscoff. Wynne Farm est dédiée à la protection de l’environnement par l’éducation. Elle a été fondée en 1956 par l’ingénieur civil Victor Ainsley Wynne dans le but de conserver la riche biodiversité d’Haïti et de bâtir un Haïti plus durable.

L’observation des oiseaux est l’une des expériences proposées par la ferme, aux côtés d’une liste étendue d’activités telles que le yoga, le camping ou l’apiculture. À une altitude de 6000 pieds, la réserve écologique Wynne Farm s’étend sur 30 acres de terrain et est idéale pour l’observation des oiseaux, en particulier ceux d’Haïti qui préfèrent les forêts denses.

oiseau gris et jaune sur une branche d'arbre

Zwazo palmis / Oiseau-palmiste Photo: René Durocher

2. Parc National la Visite

Plus loin de Kenscoff, vous trouverez le Parc National La Visite, un endroit idéal pour découvrir la vie verte d’Haïti tout en faisant de la randonnée près de certaines des espèces les plus protégées du pays. En partant de Furcy, vous pouvez randonner à travers le parc et rejoindre Seguin par un chemin escarpé mais gratifiant. Une fois arrivé, vous avez la possibilité de revenir à Furcy ou de descendre jusqu’à Jacmel, ce qui constitue une belle journée de randonnée se terminant dans l’une des plus belles villes d’Haïti.

Ce parc a été décrit comme un refuge, souvent le refuge ultime pour les oiseaux des montagnes du pays. Des espèces telles que le Merle de La Selle ou le Merle à pattes rouges peuvent être observées lors de cette randonnée. Il y a plus de 74 espèces d’oiseaux vivant dans le parc, ce qui en fait une destination de premier choix pour l’observation des oiseaux.

Forêt brumeuse avec des fougères et des arbres anciens

Parc National de Macaya Photo: Claudio Contreras / Haiti National Trust

3. Parc National de Macaya

Établi en 1983, le Parc National de Macaya est l’un des espaces naturels protégés d’Haïti. Décrit comme un point chaud de biodiversité mondial, Macaya abrite de nombreuses espèces de plantes, d’oiseaux et d’autres animaux sauvages haïtiens en danger ou endémiques. Il se trouve dans le Massif de la Hotte, dans le département du Sud, à la frontière du département de la Grand’Anse.

Cette réserve nationale est le foyer de 220 espèces d’oiseaux, y compris le Mangouste antillais et le Trogon d’Hispaniola. Le Parc National de Macaya est également connu pour certains des plus beaux paysages d’Haïti et pour ses chutes d’eau époustouflantes (et non loin de la plus grande chute d’eau d’Haïti, Saut-Mathurine).

corbeau noir sur une grande pierre

Ti kaw / Corbeau palmiste au Pic la Selle Photo: René Durocher

4. Forêt des Pins

Ce site de randonnée incontournable se trouve dans le département du Sud-Est d’Haïti et s’étend entre la frontière d’Haïti et de la République Dominicaine. Il offre l’accès à une grande variété d’oiseaux vivant dans les forêts et préférant les pins.

Randonnée à travers cette forêt permet de profiter d’une vue sur les deux pays et d’un paysage caractéristique de l’île d’Hispaniola. Consultez notre guide pour randonner en toute sécurité dans la Forêt des Pins protégée.

Les efforts d’Haïti pour étendre et renforcer la protection de ses espaces verts sont un mouvement en cours. L’observation des oiseaux continue d’envoyer le message que ces espèces sont précieuses et que leur habitat doit être protégé.

Pour une ressource complète sur l’observation des oiseaux dans les Caraïbes, y compris une liste à jour des guides professionnels d’observation des oiseaux basés en Hispaniola, consultez le site web de The Caribbean Birding Trail.


Rédigé par Kira Paulemon.

Publié en mars 2021


Comment assister à une cérémonie vaudou en Haïti

un groupe de personnes rassemblées autour d'une bougie et d'un cosmogramme dessiné au sol
Une cérémonie vaudou
Photo: Pierre Michel Jean

Comment participer à une cérémonie vaudou en Haïti

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Il ne fait aucun doute que le vaudou est une tradition spirituelle puissante. La première république noire libre au monde a vu le jour, en partie grâce à l’esprit unificateur du vaudou. Le vaudou a servi de fil conducteur, unissant les leaders de la révolution haïtienne, malgré l’absence de langue commune, de liens tribaux ou de pays d’origine partagé. En l’espace de quelques années seulement, dans un exploit apparemment miraculeux et contre toute attente, une armée d’esclaves s’est libérée de ses chaînes, a renversé le gouvernement colonial français, vaincu la marine de Napoléon, aboli l’esclavage et fondé Haïti telle que nous la connaissons aujourd’hui.

Aujourd’hui, peut-être pas en dépit, mais grâce à ces racines puissantes, le vaudou est sans doute la tradition spirituelle la plus calomniée, redoutée et mal comprise dans le monde occidental. Il est temps de rétablir la vérité. La meilleure façon de rendre hommage aux combattants de la liberté et de dissiper les mythes est peut-être d’assister à une cérémonie vaudou en Haïti et de voir par vous-même.

Voici comment faire.

un tambourineur à la chemise ouverte et à la poitrine en sueur
Un tambourineur lors d’une cérémonie vaudou
Photo: Franck Fontain

Découvrez la danse vaudou

Les rassemblements sacrés vaudous peuvent porter de nombreux noms, souvent appelés cérémonie, rituel ou danse. En créole haïtien, les pratiquants du vaudou désignent souvent l’événement par le terme danse (dans). Dans ce guide, les termes danse et cérémonie seront utilisés de manière interchangeable.

Renseignez-vous à l’avance sur qui et quoi la danse sera dédiée

Il peut être utile de demander à qui la danse sera dédiée et dans quel but, le cas échéant. Par exemple, un lwa (esprit) spécifique est-il invoqué ? Si la cérémonie se déroule au début du mois de novembre, elle sera probablement organisée en l’honneur des lwa Gede et du Jour des Morts. Rappelez-vous que les divinités Petwo sont la contrepartie fougueuse et offensive des divinités Rada, plus douces et protectrices. Cette distinction peut vous aider à anticiper le ton du rituel.

Si c’est votre première fois à une cérémonie vaudou, il est recommandé d’assister à une danse Rada, notamment parce que vous aurez moins de chances d’y voir un sacrifice animal. Par exemple, vous pourriez participer à une danse printanière organisée pour accueillir une saison de récoltes abondantes, de chance et de bonne santé. Vous pourriez commencer par une danse Rada dédiée à Erzulie Freda, la déesse de l’amour et de la sensualité, ou à La Sirène, la déesse sirène de la chance, de la fertilité et de l’abondance matérielle.

Les rites, les dévotions et le style général des cérémonies varient considérablement selon la région d’Haïti où vous assistez à la danse. Par exemple, Papa Legba et les esprits jumeaux appelés Marassa sont honorés à travers des rites spécifiques incluant certains rituels, danses, rythmes de tambour, offrandes, prières et cosmogrammes tracés au sol. Cependant, les interprétations d’une danse pour Legba ou Marassa à Cap-Haïtien seront différentes de celles organisées à Jacmel. Cela s’applique à tous les rites et rituels dans les divers temples vaudous à travers Haïti.

Découvrez-en plus sur les différents dieux et déesses du vaudou ici !

une femme haïtienne âgée vêtue d'une robe rouge ornée de paillettes bleues
Une femme lors d’une cérémonie vaudou
Photo: Pierre Michel Jean

Préparez-vous à y passer un bon moment

Une danse vaudou peut durer très longtemps. À Jacmel, par exemple, les tambourineurs, alimentés par le rhum, qui lancent une cérémonie au crépuscule, peuvent encore être en train de jouer à l’aube — bien que leurs mains soient gonflées et meurtries. Comme pour toute danse dans une ville étrangère, apportez beaucoup d’eau et ne vous attendez pas à une heure précise pour la fin. Si vous souhaitez partir au milieu de la danse, prévoyez une stratégie de sortie : venez avec quelqu’un de confiance qui sera flexible pour partir quand vous serez prêt, adressez vos respects à l’hôte qui vous a invité si possible, puis partez simplement quand vous le souhaitez.

extérieur d’un temple vaudou avec un mur peint à la main représentant des esprits
Péristyle vaudou dans l’Artibonite
Photo: Emily Bauman / Amanacer

À quoi ressemble un temple vaudou

Les danses vaudou ont lieu dans un péristyle : un temple, généralement de forme ronde, toujours doté d’un poteau central appelé poto mitan, représentant le nombril de l’univers. En Haïti, de nombreux temples vaudous sont à la fois intérieurs et extérieurs, tandis que d’autres sont entièrement fermés ou complètement ouverts au ciel. Certains rituels sacrés se déroulent près de cascades, comme celle de Sodo, ou à proximité d’un arbre sacré mapou. Cependant, pour les besoins de ce guide, nous supposerons que vous assisterez à une cérémonie dans un péristyle.

Au centre de l’espace cérémoniel, vous verrez un autel. Les bouteilles représentent des cadeaux et des offrandes. Les machettes symbolisent l’honneur et le respect envers les entités du monde des esprits.

Laissez vos bagages culturels à la porte

Sur l’autel, vous pourriez également voir des crânes et d’autres restes humains. Alors que le monde occidental associe les os à la mort, à la nécromancie et à une imagerie kitsch d’Halloween, il est important de comprendre que, dans le vaudou, les crânes ont une signification presque opposée. Essayez de voir dans le crâne la présence réconfortante d’un ancêtre ou l’équilibre entre la vie et la mort.

Tandis que les cultures occidentales tendent à éviter la mort et à la reléguer hors du foyer familial, garder les défunts proches est une pratique essentielle dans des cultures allant de la Roumanie à l’Indonésie en passant par Haïti. Dans le vaudou, la mort n’est pas dissimulée au quotidien, mais plutôt intégrée dans les cérémonies comme un moyen d’apprécier et de célébrer pleinement la vie.

Les ancêtres et les membres de la famille décédés peuvent être invités à se joindre à la danse. Ceux qui sont partis reviennent parmi la communauté pour offrir des conseils et participer aux rituels. Plutôt que de voir cela comme une hantise, envisagez-le comme une magnifique réunion de famille.

Lorsque vous assistez à une cérémonie vaudou, il est judicieux d’aborder l’expérience avec un esprit vierge, détendu et ouvert, prêt à apprendre. Laissez vos bagages culturels à la porte et profitez pleinement de cette expérience totalement nouvelle !

un groupe de pratiquants vaudou vêtus de blanc
Danse lors d’une cérémonie vaudou
Photo: Franck Fontain

Portez une tenue élégante, mais évitez le blanc !

Ce que vous portez est important ! Une tenue de style business casual est appropriée. Évitez les T-shirts voyants ou les vêtements abîmés ou usés. Les hommes peuvent opter pour un jean et une chemise à manches courtes, et les femmes pour un jean et un chemisier. L’objectif est de choisir une tenue élégante mais respectueuse, sans bijoux extravagants. Les danses en milieu rural seront généralement plus décontractées.

La couleur est un élément clé à prendre en compte. La pureté du blanc revêt une grande importance lors des danses et est réservée aux pratiquants vaudous, il est donc préférable d’éviter de porter du blanc à tout rituel vaudou. Les motifs et les couleurs sont acceptables, mais attention aux foulards colorés ! Continuez à lire pour découvrir pourquoi.

Il est utile de se rappeler qu’Haïti peut être remarquablement chaud à presque toutes les périodes de l’année, et parfois même la nuit. Le lin et le coton seront vos meilleurs alliés, que vous prévoyiez d’assister à une cérémonie en ville ou en milieu rural.

Apportez une offrande

Bien qu’une danse vaudou ne soit pas un dîner mondain, il est approprié d’apporter une offrande d’alcool. Le vin ne sera pas le choix préféré de l’hôte dans ce cas. Demandez si vous pouvez offrir un litre ou un demi-gallon de rhum non raffiné, appelé kleren. Vous pouvez l’acheter localement et à bas prix presque partout en Haïti, mais le geste est important et sera apprécié, en particulier dans les milieux ruraux. Le kleren est le carburant de nombreuses danses vaudou, offert tant aux esprits qu’aux sèvitè (serviteurs des esprits). Les tambourineurs, qui jouent souvent toute la nuit jusqu’à l’aube, seront particulièrement reconnaissants.

un prêtre vaudou et un praticien effectuant une danse
Un ougan lors d’une cérémonie vaudou
Photo: Pierre Michel Jean

Le début de la danse

Une série de prières, parfois d’origine catholique romaine, marque le début de la cérémonie. Les esprits vaudous qui servent de gardiens sont salués avec les honneurs, offrandes et invocations appropriés. Lorsqu’il s’agit d’invoquer les fougueux lwa Petwo, les voudiwizans peuvent utiliser des coups de fouet, des sifflets, de l’essence, et même de la poudre à canon enflammée pour attirer leur attention.

Qui dirige la danse ?

Vous pourrez identifier les initiés vaudou (les hommes et les femmes qui orchestreront la cérémonie) par leurs vêtements cérémoniels entièrement blancs. La plupart des initiés portent des jupes haïtiennes traditionnelles blanches, des chemises blanches amidonnées et un mouchoir blanc sur la tête. Certains peuvent porter des foulards colorés en satin. La couleur du foulard est associée au lwa servi ce jour-là, mais elle indique également le rang dans la hiérarchie du temple.

Mambo ou manbo est le terme désignant une prêtresse vaudou. Ougan est le terme pour un prêtre vaudou masculin. Les mambo et ougan sont des figures d’une grande autorité et respect au sein de la communauté, responsables d’intervenir dans une large gamme de difficultés sociales, allant de la maladie aux conflits familiaux, aux problèmes financiers, ou même simplement une série de malchances. En tant qu’intermédiaires entre les lwa et les humains, ils agissent comme des serviteurs qui restaurent la santé, l’harmonie et l’équilibre.

On croit que les tambours créent un passage vers le monde des esprits. C’est une invitation rythmique pour les lwa à assister à la danse qui est tenue en leur honneur. Un peu comme une station de radio, lorsque les tambourineurs s’accordent sur la fréquence FM spécifique du lwa, ce dernier commence à diffuser sur cette fréquence. Chaque lwa possède son propre rythme de tambour et des danses associées, et il peut aussi y avoir des variations entre les traditions : un rythme de tambour d’origine Dahoméenne est différent d’un rythme d’origine Congo. Les initiés peuvent passer toute une vie à perfectionner leur répertoire.

un cosmogramme tracé au sol avec une main tenant une bougie
Un vèvè tracé au sol d’un hounfour
Photo : Pierre Michel Jean

Les vèvè cosmogrammes

Vers le début de la danse, les pratiquants vaudou initiés traceront un cosmogramme vèvè sur le sol avec de la poudre blanche. Cela demande une grande maîtrise, précision et entraînement. Ces vèvè symétriques sont anciens et uniques à chaque lwa.

Une fois tracé avec une parfaite symétrie sur le sol du temple, un élément essentiel est en place permettant au lwa de descendre. Tout comme les rythmes de tambour uniques, les cosmogrammes uniques sont des signes d’appel, attirant un lwa particulier. En plus du vèvè tracé avec précision sur le sol, un drapeau orné de paillettes représentant le cosmogramme est suspendu dans un endroit d’honneur pour que tout le monde puisse le voir.

Découvrez l’art complexe des symboles vaudous avec notre guide visuel des vèvè du vaudou haïtien.

Les transes de possession

Si la danse est un succès, attendez-vous à voir une transe de possession. En créole, la personne possédée est appelée le chwal (cheval), qui sera « monté » par le lwa. Voici comment identifier un chwal:

Vous pourrez voir des personnes avec les pupilles dilatées, des comportements spasmodiques, apparemment hors de contrôle de leur corps, accomplissant l’impossible, comme marcher sur des charbons ardents. Il n’y a pas lieu de s’alarmer lorsque des individus se donnent entièrement à un lwa pour être dirigés de cette manière. Cela signifie que la cérémonie est un succès et représente l’accomplissement de rites et de pratiques complexes qui ont survécu à des centaines d’années de répression.

La transe est une opportunité pour l’esprit d’accomplir des guérisons à travers le chwal possédé. Des bénédictions peuvent avoir lieu, et c’est également l’occasion pour le lwa de réprimander ceux de la communauté qui ont besoin de se ressaisir et de changer leur comportement.

La transe de possession peut durer seulement quelques minutes ou plusieurs heures. Le chwal qui a donné son corps en service au lwa se réveillera probablement épuisé, sans se souvenir de ce qui s’est passé.

des personnes vêtues de blanc dansant et frappant des tambours lors d'un rituel vaudou
Tambours et danse lors d’une cérémonie vaudou
Photo: Pierre Michel Jean

Si vous avez peur du diable ou de la possession…

Mettez de côté les images issues de films d’horreur comme L’Exorciste ou les associations de possession avec des démons. Rappelez-vous plutôt que les personnes entrent volontairement dans la transe de possession. Peu importe ce qui se passe, souvenez-vous que le vaudou est pratiqué pour restaurer l’ordre, l’équilibre, la santé et l’harmonie dans la vie de ses pratiquants.

De nombreux non-pratiquants, tant en Haïti qu’à l’étranger, ont été amenés à associer le vaudou haïtien au mal, à la possession démoniaque et même au satanisme. Cela est assez ridicule et diffamatoire, car il n’existe même pas de figure de Satan dans le panthéon vaudou des esprits qui pourrait être adorée.

Les pratiquants du vaudou croient en un dieu suprême nommé Bondye ou Gran Met, qui est tout-puissant mais demeure distant. Il n’y a pas de contrepartie maléfique à Bondye, et comme le concept de « source » ou de « divinité », il n’est pas directement impliqué dans les affaires humaines. La multitude de lwa – esprits des ancêtres – servent d’intermédiaires, bien plus comparables aux saints de l’Église catholique qu’aux démons.

Vous avez toujours peur de vous faire posséder spontanément ? Lisez notre article Le Vodou haïtien dévoilé pour comprendre pourquoi cela ne se produira pas.

Le sacrifice d’animaux

Pour demander de la chance, les serviteurs des esprits peuvent faire un sacrifice sanglant. Des animaux tels que des coqs, des poules, des colombes, des cochons et des chèvres peuvent être abattus pendant la cérémonie. L’offrande peut être plus ou moins sanglante selon qu’il s’agit d’une offrande pour un esprit Petwo bosu (buffle) fougueux, par exemple, ou d’une cérémonie en l’honneur des doux jumeaux Marassa du rite Rada.

Pour les voyageurs occidentaux qui ont grandi en étant conscients des campagnes de PETA et du travail des activistes pour les droits des animaux, il peut être difficile d’imaginer que des rituels anciens vieux de 5 000 ans soient pratiqués en grande partie sans changement aujourd’hui. Si vous êtes préoccupé par votre réaction face à cette pratique ancienne, demandez des détails à l’avance afin de pouvoir décider si vous souhaitez y assister ou non.

des femmes haïtiennes âgées vêtues de rose avec une chaise sur la tête
Des femmes lors d’une cérémonie vaudou
Photo: Pierre Michel Jean

Faites vos recherches

Le Musée National d’Haïti à Port-au-Prince est un excellent endroit pour voir certains des tambours vaudous les plus anciens et historiques – certains datant des années 1500 ! Le Musée du Panthéon National Haïtien (MUPANAH), situé sur le Boulevard des Champs de Mars, présente une collection mettant en valeur les héros de la révolution de l’indépendance, ainsi que les outils qu’ils ont utilisés pour fonder la culture haïtienne moderne.

Juste au coin de la rue du Musée National se trouve le Bureau d’Ethnologie, un musée entièrement dédié au vaudou haïtien ! Si possible, visitez au moins l’un de ces musées avant de vivre votre expérience de cérémonie vaudou.

LGBTQ+ et Espaces Sûrs

Le travestissement, les identités trans et toutes les expressions de genre sont les bienvenues dans les communautés vaudou. Les relations et comportements homosexuels sont souvent acceptés sans question. Personne ne s’étonne – dans cet espace, du moins, ces identités minoritaires sont respectées en tant que serviteurs de la déesse de l’amour, Erzulie. Attendez-vous à ce que la danse soit un espace sûr. Vous pourriez voir des hommes en robes de femmes et bien d’autres choses encore.

pratiquants vaudous haïtiens lors d'une cérémonie
Un rituel Chire Aiyzan réalisé lors d’une cérémonie vaudou
Photo: Pierre Michel Jean

100 % Vaudou

La vérité est que même certains Haïtiens qui suivent les traditions protestantes ou catholiques et assistent à la messe le dimanche peuvent chercher des conseils auprès d’un mambo ou d’un ougan au cours de la semaine. En fait, un autocollant populaire à Port-au-Prince porte la phrase suivante : « Haïti, 80% protestant, 100% vaudouisant. » Pour les étrangers, cette pratique largement acceptée peut être difficile à comprendre. Pourtant, lorsqu’un membre de la famille tombe malade ou que les situations de vie deviennent critiques, cette flexibilité religieuse est courante. Elle fait partie du syncrétisme complexe de la culture haïtienne, où les choses sont multicouches et bien plus riches en significations qu’elles n’en ont l’air en surface. Certains pourraient même aller jusqu’à affirmer qu’on ne peut véritablement comprendre la culture haïtienne tant qu’on n’a pas pris part à une cérémonie vaudou.

À la fin de la journée, peu importe votre race, religion, orientation sexuelle ou pays d’origine, vous serez accueilli avec grâce et chaleur lors d’une cérémonie vaudou. Chacun est respecté, et la protection, la chance et les vœux de bonne santé sont offerts à tous ceux qui y assistent.

Qu’en dites-vous ? Peut-être qu’il est temps de danser…


Écrit par Emily Bauman.

Publié en janvier 2021.


Essayez le rhum Barbancourt

un cocktail de Rum Sour mélangé avec ses ingrédients
Cocktail Rum Sour préparé avec du rhum Barbancourt à l’Hôtel Florita, Jacmel
Photo: Mikkel Ulriksen

Essayez le rhum Barbancourt

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Bien que la culture haïtienne puisse être résumée par l’expression créole pa gen pwoblem – traduite par « pas de problème » –, il y a beaucoup de choses que la culture haïtienne possède en abondance : des plages, des carnavals, des groupes de rara, des échanges animés dans les transports en commun et, bien sûr, du rhum !

La production de rhum remonte à plusieurs siècles en Haïti, et l’une des marques les plus anciennes est également la plus grande : vous verrez la marque « Barbancourt » partout où vous irez.

Mais comment ce rhum est-il devenu un élément incontournable de la culture haïtienne ?

Distillé en Haïti depuis 1862

La distillerie de rhum la plus populaire d’Haïti a vu le jour en 1862, lorsque le Français Dupré Barbancourt a posé le pied en Haïti. Fort de son expérience dans la production de cognac dans le sud-ouest de la France, le fondateur Barbancourt s’est installé en Haïti pour tirer parti de la renommée de l’île dans la production de sucre.

Cette même année, après avoir appris les bases de la fabrication du rhum plutôt que du cognac, Barbancourt a lancé son entreprise. En intégrant son expertise en production de cognac, il a distillé son rhum deux fois, augmentant ainsi la teneur en alcool du produit final.

À ses débuts, un gallon de rhum Barbancourt se vendait pour seulement trente cents !

Après le décès de Barbancourt, son épouse Nathalie Gardère a pris les rênes de l’entreprise. Depuis, l’affaire est restée dans la famille et en est aujourd’hui à sa cinquième génération.

une bouteille de rhum haïtien
Rhum Barbancourt Estate Reserve avec une œuvre du célèbre peintre haïtien Félix Jean
Photo: Franck Fontain

Une icône culturelle

L’entreprise est devenue le rhum le plus connu et le plus célébré en Haïti. En s’invitant à tous les grands événements culturels – carnaval, saison du rara, fêtes patronales –, Barbancourt a solidifié son statut d’icône dans la culture haïtienne.

Aujourd’hui, Barbancourt se targue d’être une entreprise haïtienne, employant des Haïtiens pour produire un rhum destiné aux Haïtiens. Depuis sa fondation, la marque s’est imposée comme l’un des plus fervents soutiens de la scène artistique et culturelle haïtienne (regardez de près l’emballage du rhum Estate Reserve, et vous y trouverez une œuvre du célèbre peintre haïtien Félix Jean).

Un article sur le rhum en Haïti ne serait pas complet sans mentionner l’importance du rhum dans le folklore et le Vodou haïtiens. Lors de la plupart des cérémonies vodou, carnavals et fêtes patronales, le rhum est l’élément clé : il lance les festivités, unit les participants et permet de célébrer ensemble l’identité et la cohésion haïtiennes.

un barman haïtien dans un intérieur de bar, présentant un Rum Sour
Barman préparant un Rum Sour avec du rhum Barbancourt à l’Hôtel Florita, Jacmel
Photo: Mikkel Ulriksen

Quel Barbancourt devriez-vous essayer ?

Le plus jeune des rhums proposés par Barbancourt est un rhum blanc puissamment doux mais robuste. Grâce à sa pureté et à sa force, il est très prisé dans les cocktails, mais se déguste également pur.

Il y a le rhum trois étoiles, âgé de quatre ans, qui est plus corsé et plus doux. Un cran au-dessus, le rhum cinq étoiles de huit ans est un incontournable dans tous les bars d’Haïti. Ici, les notes de saveur sont plus prononcées et invitent à une pause pour les savourer pleinement.

Vient ensuite le rhum Estate Reserve de quinze ans, souvent réservé comme digestif en raison de la complexité de ses arômes, du nez à la finale.

Où le déguster

Passez par votre supermarché local ou une boutique de quartier – les supermarchés proposent généralement les deux formats de bouteilles (750 mL et 175 mL), tandis que les boutiques de quartier ont plus souvent le format plus petit (175 mL).

Sur glace, sec avec une touche de citron ou mélangé dans un cocktail, Barbancourt est une expérience incontournable pour quiconque souhaite vraiment pouvoir dire qu’il a découvert Haïti !

Un entrepôt rempli de fûts de rhum en bois
Distillerie de rhum Barbancourt, Port-au-Prince
Photo: Franck Fontain

Visitez la distillerie Barbancourt

À seulement quelques kilomètres au nord de l’aéroport de Port-au-Prince, la distillerie Barbancourt propose des visites guidées tous les vendredis, de novembre à mai. Ces visites, d’une durée d’environ deux heures, sont menées en français ou en anglais. Les visiteurs découvrent tout le processus, depuis le déchargement des cannes à sucre jusqu’à la mise en bouteille et le vieillissement, avec à la clé une dégustation de tous les rhums, jusqu’au 15 ans d’âge.

Vous pouvez acheter du rhum directement à la distillerie, à partir de 17 USD pour le rhum 8 ans d’âge et 45 USD pour le 15 ans d’âge. Assurez-vous d’apporter des dollars américains si possible – la distillerie préfère cette devise au gourde haïtien (HTG). Quoi que vous fassiez, nous vous recommandons de réserver votre place à l’avance.


Écrit par Kelly Paulemon.

Publié en novembre 2020


Visitez le Katherine Dunham Cultural Center

bâtiment avec un toit au design futuriste dans un parc public
Katherine Dunham Centre Culturel, Port-au-Prince
Photo: FOKAL

Visitez le Katherine Dunham Cultural Center

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Situé sur la côte en croissant de la baie de Port-au-Prince, le quartier de Martissant était autrefois bordé de boulevards et de villas où la haute société haïtienne vivait et prospérait. Aujourd’hui, Martissant est un quartier à forte densité, loin d’être une destination touristique. Cependant, quelques lieux méritent le détour, et le Katherine Dunham Cultural Center en fait partie.

Niché au cœur du Parc de Martissant, le Katherine Dunham Cultural Center est un havre de paix, de sérénité et de vie communautaire. Il porte le nom de Katherine Dunham, danseuse et chorégraphe afro-américaine qui s’est installée en Haïti dans les années 1930 pour étudier l’héritage africain des formes de danse caribéennes. Aujourd’hui connue comme la « matriarche de la danse noire », Dunham est reconnue pour avoir introduit le rythme et la technique africains et caribéens dans le répertoire de la danse professionnelle.

La maison privée et le studio de Katherine Dunham

Lors de son séjour en Haïti, Katherine Dunham s’est liée d’amitié avec plusieurs officiels haïtiens et est devenue une importante ambassadrice culturelle du pays. Au cœur de Martissant, elle a acquis une propriété verdoyante de sept acres, qu’elle a utilisée à la fois pour elle-même et pour sa compagnie de danse basée aux États-Unis. Un hôtel y fut construit, et pendant plusieurs années, Dunham y a accueilli et diverti l’élite haïtienne ainsi que quelques invités privilégiés.

Le faste à l’intérieur de ces murs et le luxe de pouvoir se consacrer entièrement à l’art offraient un contraste saisissant avec la pauvreté qui frappait le quartier de Martissant. Aujourd’hui, ce lieu rend quelque chose en retour.

Désormais ouvert au public

Après le décès de Katherine Dunham en 2006, sa propriété a été transformée en centre culturel. Elle abrite aujourd’hui une bibliothèque emblématique, composée de cinq bâtiments conçus pour évoquer les mouvements de la danse. Cette œuvre architecturale a été réalisée par les architectes mexicains Raúl Galvan Yañez et Winifred Jean Galvan.

C’est pourquoi, vue de loin, la silhouette géométrique et fluide du centre se distingue aisément. Sur le côté droit du centre actuel se trouve la relique d’un imposant péristyle, autrefois propriété de Katherine Dunham. Elle l’utilisait durant son séjour en Haïti comme un espace dédié aux cérémonies vaudou, inspirées de ses recherches sur les cultures africaines et caribéennes.

La plupart du temps, le Katherine Dunham Cultural Center est ouvert au public. Il abrite une bibliothèque soigneusement conçue, adaptée aux jeunes enfants, aux adolescents et aux adultes. Il est possible d’y emprunter des livres moyennant une modeste cotisation. Son intérieur lumineux, accueillant et conçu de manière intuitive invite naturellement à s’installer à une table ou à parcourir les étagères. Tout y est pensé avec soin pour favoriser l’échange, la communauté et la communication.

Événements

Comme le Parc de Martissant est placé sous le parrainage de la Fondasyon Konesans Ak Libète (Foundation for Knowledge and Liberty), le Katherine Dunham Cultural Center accueille de nombreuses tables rondes, forums et panels. Tout au long de la semaine, des activités variées sont proposées aux enfants, allant des ateliers de contes aux lectures animées par des auteurs haïtiens renommés. Le centre organise également des séances de dédicaces et des conférences avec de jeunes auteurs émergents, contribuant ainsi à dynamiser la scène littéraire haïtienne.

Il y a toujours une effervescence d’activités au Katherine Dunham Cultural Center. Ce lieu d’exception, rendu possible par une femme tout aussi exceptionnelle, rend hommage à sa vie de militante passionnée, profondément immergée dans la culture haïtienne.


Rédigé par Kelly Paulemon.

Publié en octobre 2020