Port-au-Prince

Votre guide ultime du Carnaval en Haïti

Costumes de carnaval, Jacmel
Photo: Franck Fontain

Votre guide ultime du Carnaval en Haïti

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Le Carnaval en Haïti n’est pas seulement un festival, c’est une véritable institution culturelle qui coule dans les veines de son peuple. Pour les Haïtiens, la musique est un mode de vie, et pendant le Carnaval, c’est comme si tout le pays s’animait dans un arc-en-ciel de couleurs, de sons et de rythmes.

Mais ce n’est pas seulement une fête — le Carnaval est une expérience transformative qui bouscule les choses et inspire le changement.

Alors, continuez à lire pour découvrir ce qui rend le Carnaval en Haïti si unique et, qui sait, peut-être planifier votre propre voyage pour vous joindre à la fête !

Costumes de carnaval à Jacmel
Photo: Franck Fontain

Une brève histoire du Carnaval en Haïti

Commençons par le début : la tradition du Carnaval (ou kanaval en créole haïtien) en Haïti a débuté pendant la période coloniale dans les grandes villes comme Port-au-Prince, Cap-Haïtien et Jacmel. À cette époque, les esclaves n’étaient pas autorisés à participer. Les propriétaires d’esclaves cherchaient à priver le peuple de tout ce qui était possible, notamment des éléments associés au mode de vie de l’élite blanche propriétaire d’esclaves en Haïti.

Mais les esclaves organisaient leurs propres mini-carnavals dans leurs arrière-cours et leurs quartiers. Avec des costumes faits de haillons et leur peau couverte de cendres et de graisse, ils imitaient et ridiculisaient les maîtres esclavagistes. Cette pratique a donné naissance à l’une des plus anciennes traditions du pays, celle des Lansèt Kòd. Découvrez-en plus sur cette figure emblématique de l’imaginaire collectif haïtien.

Au fil des décennies, le Carnaval a évolué pour devenir une fête nationale et l’événement culturel le plus important d’Haïti. Aujourd’hui, l’ambiance peut être décrite comme celle de gigantesques fêtes de rue, mais c’est aussi une vitrine à ciel ouvert pour les créations artistiques et l’artisanat.

Au-delà des célébrations, de la nourriture, de l’alcool et de la musique, le Carnaval haïtien revêt également un aspect politique. Le festival offre aux Haïtiens l’opportunité d’exprimer leurs doléances populaires, à travers les costumes, les paroles des meringues et les chansons diffusées. Les paroles contiennent souvent des revendications et des allégories de la vie sociale, délivrées au rythme de la musique et à plein volume. De nombreux costumes et personnages du carnaval sont également conçus comme des satires et des commentaires sur l’actualité.

Personnages du carnaval, Jacmel
Photo: Jean Oscar Augustin

Costumes colorés et personnages surprenants

Si vous assistez un jour au Carnaval en Haïti (et croyez-nous, vous devriez), la première chose qui attirera votre attention sera les costumes époustouflants portés par les troupes du carnaval. Fabriqués en papier mâché, ces tenues donnent vie à la flore et à la faune du pays avec des couleurs vives et des motifs complexes. Vous verrez tout, des oiseaux exotiques comme les perroquets et les toucans aux costumes inspirés par le passé colonial de l’île.

Mais les costumes ne sont pas la seule chose qui rend le Carnaval haïtien si unique. Le festival est également le lieu d’une large gamme de personnages colorés, à la fois réels et fictifs. Vous pourriez croiser une représentation géante de Barack Obama ou de Vladimir Poutine, ou encore une interprétation fantaisiste du choléra ou du COVID-19. Et n’oubliez pas les figures historiques, comme les héros de l’indépendance haïtienne et les Taïnos, les premiers habitants de l’île.

Chaque costume et personnage du Carnaval haïtien a une histoire unique à raconter, représentant différents aspects de la culture, de l’histoire et du folklore du pays. Vous souhaitez plonger plus profondément dans le monde fascinant du Carnaval haïtien ? Consultez ce guide visuel, où nous dévoilons l’histoire et les significations riches derrière les costumes colorés du Carnaval de Jacmel.

Participants du carnaval dansant, Jacmel
Photo: Franck Fontain

Musique, rythmes et battements du Carnaval

La musique du Carnaval haïtien est un mélange unique d’influences européennes et africaines, créant un son à la fois vivant et expressif, composé de percussions, d’instruments en bambou, de trompettes et d’accordéons. Au cœur du carnaval se trouve le Rara, une bann a pye (littéralement « bandes à pied » ou fanfare) étroitement liée à la pratique du vodou.

En plus du Rara, le carnaval est également influencé par d’autres genres musicaux plus modernes comme le compas bien connu, le rap créole, la musique racine, et le raboday, un genre musical populaire qui a émergé au milieu des années 2000. Ce genre est basé sur un style musical traditionnel appelé Rasin, qui mélange les rythmes vodou avec la musique pop-rock moderne. Le raboday se caractérise souvent par ses rythmes énergiques et son utilisation prononcée des percussions, et c’est un favori pendant la saison du carnaval et lors des soirées dansantes à travers Haïti. Et enfin, n’oublions pas la meringue, l’un des styles de musique haïtienne les plus populaires que vous entendrez pendant le carnaval.

Vendeur de kleren à JérémiePhoto: Franck Fontain

Les saveurs du Carnaval à ne pas manquer

Beignets
Un incontournable de la tradition du kanaval haïtien, les beignets sont une délicatesse à ne pas manquer pendant la saison du carnaval en Haïti. Contrairement aux beignets traditionnels, qui sont généralement une pâte frite gonflée, les beignets haïtiens sont plats et faits à base de bananes.

Ces petites gourmandises délicieuses ressemblent à de mini-crêpes, mais avec une texture croquante, et sont généreusement saupoudrées de sucre. Ne manquez pas l’occasion de goûter à ces douceurs sucrées, car elles sont rarement disponibles en dehors de la saison du carnaval.

Kleren
Une autre saveur locale à essayer pendant le carnaval est le trampe – une variété du moonshine local connu sous le nom de kleren (ou clairin pour les francophones et anglophones). Ce type de rhum artisanal a une tradition séculaire en Haïti et fait partie intégrante de la culture du pays. Le trampe désigne le kleren qui a macéré pendant des semaines, voire des mois, avec des fruits et des épices locaux, créant ainsi des mélanges uniques et savoureux.

Pendant le carnaval, vous trouverez des marchands ambulants proposant de grandes jarres de kleren avec différentes saveurs, ainsi que des promesses de bienfaits pour la santé et de propriétés aphrodisiaques. Il existe de nombreux parfums populaires de trampe locaux parmi lesquels choisir, comme le Kenep, qui offre une douceur subtile grâce au fruit haïtien également connu sous le nom de quenepe ou limoncello.

Bwa kochon est une autre saveur populaire, infusée avec de l’écorce, du bois et des feuilles, offrant un goût extra fort et terreux. Grenadya est une saveur acidulée et sucrée, préparée avec des fruits de la passion, tandis que Lanni est un trampe doux infusé à la cannelle, à l’anis étoilé ou au fenouil.

Carnavaliers à Jacmel
Photo: Franck Fontain

Quand a lieu le Carnaval en Haïti

Le Carnaval en Haïti n’est pas un événement d’un jour, comme vous pourriez le connaître dans d’autres pays. En fait, il s’étend de janvier jusqu’à la grande parade des Trois Jours Gras en février ou mars. Tout au long de la saison, des festivités et des célébrations ont lieu chaque dimanche dans plusieurs grandes villes d’Haïti.

Que vous soyez un amateur d’art ou que vous souhaitiez simplement faire la fête, plusieurs destinations s’offrent à vous pour vivre pleinement l’expérience.

Où vivre l’expérience du Kanaval haïtien

Jacmel
Le carnaval de Jacmel est un incontournable pour les amateurs d’art, avec ses masques en papier mâché extraordinaires et ses costumes splendides confectionnés par des artisans et artistes locaux. Le carnaval de cette paisible ville côtière est considéré comme l’un des plus beaux des Caraïbes, en raison de la créativité et de la magnificence de ses expositions artistiques. Pendant la saison du carnaval, Jacmel accueille plusieurs événements et activités, qui culminent avec les trois jours de célébration des Trois Jours Gras.

Vous voulez faire la fête comme un Haïtien au Carnaval de Jacmel ? Lisez ceci d’abord !

Port-au-Prince

Le Carnaval de Port-au-Prince est le plus populaire en Haïti, attirant une grande foule de festivaliers venus profiter de l’ambiance explosive de musique et de danse. La parade met en vedette des créations artistiques, des fanfares et de grands chars, mais le véritable point fort réside dans les groupes musicaux qui défilent au Champ de Mars, la plus grande place publique de la ville. Ici, les groupes et artistes haïtiens les plus célèbres rivalisent pour déterminer qui aura le meilleur slogan, char ou chanson du carnaval.

Cap-Haïtien
Si vous recherchez une expérience de carnaval plus paisible, Cap-Haïtien est un excellent choix. La parade a lieu chaque année sur le Boulevard du Cap-Haïtien, en bord de mer, où se trouvent également certains des meilleurs restaurants de la ville. Le Carnaval de Cap-Haïtien est réputé pour son ambiance ordonnée et calme, ce qui en fait une excellente option pour les familles et ceux qui préfèrent une célébration plus détendue.


Rédigé par Costaguinov Baptiste.

Publié en avril 2023.


La Maison Dufort: Définir l’architecture haïtienne à Port-au-Prince

Une Maison Dufort à Bois-Verna, Port-au-Prince
Photo: Franck Fontain

La Maison Dufort: Définir l’architecture haïtienne à Port-au-Prince

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Dans le quartier résidentiel calme de Bois-Verna à Port-au-Prince, vous trouverez la Maison Dufort, l’un des joyaux du style architectural emblématique des maisons en pain d’épice en Haïti. Elle est un vestige de ce style architectural qui était particulièrement populaire autour du tournant du siècle en Haïti, dans des villes comme Port-au-Prince, Jacmel, Cap-Haïtien ou Jérémie.

Avec leur charme particulier, ces maisons ont su résister remarquablement au climat tropical chaud et humide d’Haïti, sans compter les nombreux désastres naturels au fil des années. De nos jours, elles constituent une part intégrante du patrimoine architectural d’Haïti, et la Maison Dufort est sans aucun doute l’un des exemples les plus curieux de cette architecture classique et raffinée.

La Maison Dufort: Plus d’un siècle d’histoire

La maison se trouve également dans un quartier calme de Port-au-Prince, où les amateurs d’art de tous horizons peuvent se retrouver pour exposer leurs œuvres, discuter d’art lors d’une inauguration de galerie et admirer les expositions qui couvrent les murs de cette charmante maison. Ou vous pouvez simplement savourer une bière bien fraîche pendant un spectacle ou un concert.

Si vous prenez un détour entre la 2ᵉ et la 3ᵉ Avenue du Travail, il est peu probable que vous résistiez à la façade fleurie, aux anciennes portes en bois, aux toits pointus et aux magnifiques balcons de la Maison Dufort. L’agencement de ces éléments architecturaux donne à la structure un aspect éclectique qui contraste avec le quartier paisible de Bois-Verna. La Maison Dufort est un véritable chef-d’œuvre architectural et l’un des exemples les plus remarquables de ce style haïtien typiquement du XXᵉ siècle.

L’architecte haïtien Léon Mathon, l’un des trois principaux architectes qui popularisera ce style architectural en Haïti, a conçu la maison en 1910. Comme la plupart des autres maisons en pain d’épice construites pendant cette période, elle a d’abord été utilisée comme résidence familiale, appartenant à – nul autre que – la puissante famille Dufort. La structure a ensuite été utilisée comme bureau jusqu’en 2010, lorsque le tremblement de terre du 12 janvier l’a gravement endommagée.

Véranda de la Maison Dufort
Photo: Franck Fontain

Une promenade à travers la Maison Dufort

La Maison Dufort offre à ses visiteurs un agréable mélange d’opulence, d’élégance, de classe et de confort. Le bâtiment est niché dans un cadre rustique, composé d’une cour pavée de 1 200 mètres carrés, d’un jardin de bougainvilliers et de parterres de fleurs tout autour de la maison. L’ensemble forme un cadre serein où l’on peut rapidement oublier la sensation quelque peu chaotique du centre-ville de Port-au-Prince.

L’entrée principale mène à un vestibule qui donne accès à trois autres pièces. En face du vestibule se trouve un magnifique escalier en bois en colimaçon qui mène au deuxième étage. Le toit élevé du deuxième étage, ses belles fenêtres à guillotine, son sol en bois et son balcon sont tous typiques de l’architecture Gingerbread. Ces éléments permettent aux pièces du niveau supérieur de maintenir une température ambiante agréable, grâce à la brise constante.

La Maison Dufort présente un intérêt architectural particulier, car elle combine les deux caractéristiques les plus distinctives de l’architecture Gingerbread haïtienne. Alors que certains bâtiments de ce type sont entièrement en briques ou entièrement en bois, la Maison Dufort combine élégamment ces deux matériaux. Le premier niveau est constitué d’un cadre en béton et en briques, tandis que le deuxième niveau est entièrement en bois, sans oublier son balcon en bois, qui est une caractéristique incontournable de ces maisons historiques.

Exposition d’art à la Maison Dufort
Photo: Franck Fontain

Le Musée Dufort

Le musée de la Maison Dufort est actuellement géré par la Fondasyon Konesans ak Libète (la Fondation FOKAL), qui l’utilise comme musée pour les diverses expositions qu’elle organise avec d’autres partenaires, tels que le Centre d’Art. La Maison Dufort accueille de grands événements artistiques et culturels, notamment l’exposition Vives en janvier et février 2022, et continue de présenter d’autres expositions saisonnières ou activités culturelles.

En 2016, la maison et le musée ont été rénovés avec le soutien de FOKAL et du WMF dans le cadre d’un chantier dédié à la préservation du patrimoine architectural des maisons en pain d’épice en Haïti. Depuis lors, ils sont opérationnels et ouverts au public.

Aujourd’hui, la Maison et le Musée sont le véritable refuge des passionnés d’art à Port-au-Prince. Rien que le fait de se retrouver à l’intérieur de son cadre intemporel rend le voyage totalement digne d’intérêt. La structure elle-même est une œuvre d’art, et les expositions vous donneront envie de revenir encore et encore.

Une Maison Dufort à Bois-Verna, Port-au-Prince
Photo: Franck Fontain

Comment visiter

La Maison Dufort et le musée sont situés au numéro 9 de la 2ᵉ Rue du Travail, à Port-au-Prince, juste en bas de la rue de l’Institut médical Saint Adres, entre la 1ʳᵉ Rue du Travail et la Rue Vilmenay. L’itinéraire le plus rapide part de Champs-de-Mars via l’Avenue Charles Sumner, qui se divise ensuite en la 2ᵉ Avenue du Travail. Louer un taxi serait l’option idéale.


Rédigé par Costaguinov Baptiste.

Publié en novembre 2020


La maison Cordasco (Villa Miramar)

vue extérieure d'un vieux manoir gothique gingerbread avec un balcon et des arbres verts
La Maison Cordasco (Villa Miramar) à Pacot
Photo: Lëa-Kim Châteauneuf / Wikimedia Commons

La maison Cordasco (Villa Miramar)

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Premières impressions

Si vous arrivez à Port-au-Prince depuis le sud-est (peut-être après un week-end à Jacmel), vous ne pouvez pas manquer la charismatique Maison Cordasco. À une bifurcation où il faut tourner à droite pour entrer dans le cœur de Port-au-Prince, s’élèvent devant vous les hauteurs jaune, orange et brun crème de l’une des plus photogéniques demeures en pain d’épice d’Haïti. Il s’agit de la Maison Cordasco, également connue sous les noms de Villa Miramar et « Le Petit Trianon », en hommage au palais du même nom à Versailles. En créole haïtien, la Maison Cordasco est affectueusement surnommée Ti Trianon.

Enfant, je me souviens d’être assis à l’arrière d’un pick-up en revenant de Jacmel, levant les yeux avec émerveillement vers les dentelles de bois, les tourelles et les hautes tours arrondies. Les jardins aux murs élevés débordaient des cimes des frangipaniers, leurs fleurs parfumées et cireuses lourdes de beauté. La maison était aussi imposante que n’importe quel château de conte de fées que je pouvais imaginer, et mon moi d’enfant se demandait si la Raiponce d’Haïti habitait là-haut dans ces tours.

Les maisons Gingerbread sont des bâtiments ornés de style tournant du siècle, uniques à Haïti. À l’image de leur homonyme comestible, elles sont célèbres pour leurs toits pentus et leurs détails décoratifs, rehaussés de couleurs vives et contrastantes. Elles sont fascinantes sur le plan architectural pour plusieurs raisons, notamment parce qu’elles se sont révélées étonnamment résistantes aux tremblements de terre.

En 2020, un collègue du milieu artistique m’a invité à une visite privée de la Maison Cordasco, et j’ai enfin pu franchir les hautes grilles que j’admirais avec émerveillement depuis mon enfance.

escalier menant à la grande porte d’entrée de la maison, ornée de détails décoratifs en métal
Panneau Villa Miramar au-dessus de l’entrée principale de la Maison Cordasco (Villa Miramar) Photo: Lëa-Kim Châteauneuf / Wikimedia Commons

Jetez un coup d’œil à l’intérieur de la Maison Cordasco

Aux grilles, un gardien à l’air impassible me salue d’un regard pétillant – mi-artisan, mi-soldat, comme je le découvre rapidement – et ouvre grand la porte. Une longue et large allée, bordée d’arbres en fleurs, serpente jusqu’à la demeure à tourelles de quatre étages. De grands et lourds vases en pierre sont intégrés à la maçonnerie de l’entrée, encadrant le double escalier qui mène à la porte principale.

La Maison Cordasco et de nombreuses autres comme elle ont été construites rapidement à Port-au-Prince à partir des années 1860, lorsque la croissance économique et industrielle de la ville a connu un essor fulgurant. À cette époque, en tant que seul port d’Haïti ouvert au commerce extérieur, Port-au-Prince était l’épicentre du commerce de l’île. Une nouvelle classe bourgeoise composée de commerçants aisés, d’entrepreneurs et de professionnels instruits a prospéré. Les opportunités abondaient, et alors que la population de la ville augmentait en parallèle avec son économie, cette classe nouvellement enrichie a quitté le centre-ville chaotique pour s’installer sur les collines verdoyantes de Turgeau, Bois Verna et Pacot, offrant de magnifiques vues sur la baie. C’est dans ce quartier que vous trouverez de nombreuses attractions de notre visite autoguidée des maisons en pain d’épice.

Villa Miramar, le nom donné à la maison par ses propriétaires d’origine, est encore visible en filigrane de fer forgé au-dessus de l’entrée principale qui surplombe le grand escalier. À mesure que l’appréciation pour le style gingerbread s’est accrue, la maison est de plus en plus devenue connue sous le nom de Maison Cordasco, en hommage à l’un des architectes les plus célèbres de ce style.

Deux théories s’affrontent quant à l’identité de l’architecte ayant conçu et construit la Maison Cordasco. Selon la première, la maison aurait été bâtie par Fioravante Cordasco, un architecte d’origine italienne actif en Haïti jusqu’au milieu du XXᵉ siècle et figure clé du mouvement gingerbread. Bien que le surnom de « Maison Cordasco » semble appuyer cette hypothèse, un projet conjoint du collectif artistique haïtien FOKAL et de l’Université Columbia affirme que la maison aurait en réalité été construite par l’architecte haïtien Joseph-Eugène Maximilien, formé à Paris. D’après FOKAL, Maximilien aurait édifié la maison en 1914 pour Madame Ewald Clara Gauthier.

façade d'une ancienne demeure néogothique en style gingerbread, ornée de frises décoratives et de dentelles de bois
Façade de la Maison Cordasco (Villa Miramar) à Pacot
Photo: Lëa-Kim Châteauneuf / Wikimedia Commons

Le gardien me fait signe de conduire ma voiture au-delà de la maison principale, jusqu’à un second bâtiment indépendant. Une série de petites maisons s’étire derrière le manoir, beaucoup d’entre elles arborant des balcons ornés et des décorations gingerbread. De grands arbres majestueux, des jardins soigneusement entretenus et des bassins complètent le tableau.

Le style architectural gingerbread dans lequel la Maison Cordasco est construite est véritablement créole, mêlant des influences étrangères à des matériaux locaux de manière ornementale. Par exemple, les maisons gingerbread haïtiennes adoptent des caractéristiques « pittoresques » victoriennes des années 1830, comme des frises complexes rappelant de la dentelle, mais les réalisent avec des matériaux locaux et abordables, tels que des bardages en bois à claire-voie. Les couleurs flamboyantes classiques des maisons victoriennes y sont intensifiées jusqu’à devenir néon.

Ici en Haïti, les plafonds voûtés parfois observés dans l’architecture victorienne sont un élément essentiel, améliorant la circulation de l’air dans l’éternel été étouffant des Caraïbes. Pour offrir de l’ombre contre le soleil haïtien et répondre au besoin d’un espace de rencontre quotidien, où une grande partie de la vie haïtienne se déroule, les maisons gingerbread sont dotées de larges galeries et vérandas, intégrées dans l’esthétique pseudo-victorienne avec des dentelles de bois richement décorées.

En gravissant les marches principales, j’entre dans une antichambre aux hauts plafonds qui s’ouvre sur un escalier en bois en colimaçon de trois étages, s’élevant, s’élevant, s’élevant jusqu’à la charpente. De chaque côté se trouvent les pièces principales du rez-de-chaussée, encadrées par des encadrements de porte finement sculptés.

Intérieur d'une demeure gingerbread avec un vieil escalier en bois
Escalier en bois de la Maison Cordasco (Villa Miramar)
Photo: Lëa-Kim Châteauneuf / Wikimedia Commons

Dans les années 1970 et 1980, la Maison Cordasco accède à une nouvelle renommée dans la ville en tant que salon de thé et boutique à la mode sous le nom de Le Petit Trianon, et de nombreuses dames de la haute société haïtienne se remémorent des anecdotes de déjeuners dans ces pièces aérées.

Au début des années 1990, la maison gingerbread redevient un foyer, servant de résidence privée à des membres de la famille Hudicourt. Une ancienne résidente, Lorraine Hudicourt, aujourd’hui propriétaire et gestionnaire de La Lorraine Boutique Hôtel, se souvient avec tendresse de son enfance passée à grimper aux frangipaniers dans le jardin de devant et à jouer à cache-cache dans le grenier du quatrième étage avec ses nombreuses sœurs et sa tribu de cousins. À cette époque, les grilles restaient souvent ouvertes toute la journée, permettant aux enfants et aux cousins d’aller et venir, apportant vie, rires et espiègleries dans tous les recoins de cette vaste propriété. Les domestiques dormaient dans les vastes quartiers réservés au personnel situés en haut de la propriété, équivalents à eux seuls à trois maisons de la classe moyenne haïtienne.

M’indiquant où poser mes pas à cause des dommages causés par les tremblements de terre, le gardien me guide dans l’escalier jusqu’aux deuxième et troisième étages. Chaque encadrement de porte, chaque moulure, est finement sculpté. Des plans de travail en granit vert et des carreaux portugais ornent les salles de bains. Les sols inclinés trahissent l’âge de cette grande dame, mais n’enlèvent rien à sa dignité ni à sa grandeur.

Intérieur d'une ancienne demeure néogothique en style gingerbread avec un sol en carreaux et des dégâts structurels visibles
Rez-de-chaussée de la Maison Cordasco (Villa Miramar) à Pacot
Photo: Lëa-Kim Châteauneuf / Wikimedia Commons

La Maison Cordasco a survécu au tremblement de terre de 2010, mais non sans quelques dommages. Les murs ont subi de larges fissures, et l’escalier en colimaçon de trois étages, qui s’élève au centre de la maison, a été déstabilisé. Heureusement, bien qu’une grande partie de la capitale haïtienne ait été rasée par le désastre, les fondations de la Maison Cordasco sont restées intactes.

La résilience de la Maison Cordasco s’inscrit dans une tendance surprenante. Des experts en conservation des États-Unis ont découvert que seulement cinq pour cent des quelque 300 000 maisons gingerbread d’Haïti avaient partiellement ou totalement été détruites par le tremblement de terre, contre quarante pour cent des autres structures, dont la plupart étaient pourtant considérées en meilleur état. Le Wall Street Journal suggère que l’architecture gingerbread d’Haïti pourrait servir de modèle pour des constructions résistantes aux séismes à l’avenir.

Dans l’immédiat après-séisme, les propriétaires ont ouvert le « Ti Trianon » en tant qu’hôpital improvisé pour les victimes du tremblement de terre, géré par Médecins Sans Frontières. Une partie de la maison a continué à être louée à des ONG pendant plusieurs années, avec l’installation de murs de fortune pour délimiter bureaux et cloisons. Cependant, d’ici 2018, de nombreuses organisations caritatives internationales s’étaient en grande partie retirées de Port-au-Prince, emportant leurs budgets, et les locations de bureaux dans la Maison Cordasco ont cessé. Pendant deux ans, seul le fidèle gardien occupait les dizaines de pièces, veillant sur cette propriété historique.

Début 2020, les propriétaires ont rouvert les volets à la lumière du jour, investissant dans des rénovations. Le quartier de Pacot s’est animé d’une agitation fébrile tandis que des gallons de peinture blanche fraîche recouvraient l’intérieur de la Maison Cordasco et qu’un nouvel échafaudage était érigé contre la célèbre façade, prêt à inaugurer une nouvelle ère dans la riche histoire de la maison.

Au moment où je mets le pied sur le balcon le plus haut, un coucher de soleil orange et rose se déploie au-dessus de la baie de Port-au-Prince.

balcon avec des détails décoratifs en dentelle de bois et frises sculptées
Balcon avec vue sur Port-au-Prince depuis la Maison Cordasco (Villa Miramar)
Photo: Lëa-Kim Châteauneuf / Wikimedia Commons

La Maison Cordasco n’est actuellement pas ouverte au public, mais vous pouvez la voir depuis l’angle de la Rue Pacot et de l’Avenue N dans le quartier de Pacot, à Port-au-Prince.

Si vous souhaitez découvrir l’intérieur d’une maison gingerbread, voici deux de mes recommandations à proximité:

Gingerbread Restaurant : Pour ceux qui recherchent une magnifique maison gingerbread comme décor pour des photos ou un tournage vidéo, nous vous invitons à découvrir cette demeure gingerbread voisine d’une grandeur équivalente. Réputé pour ses excellents cocktails au bord de la piscine, le Gingerbread Restaurant propose également de délicieuses pizzas et salades, et les croquettes de hareng et de morue sont absolument exceptionnelles.

Ouvert au public, le Gingerbread Restaurant est situé au 22 Rue 3, Pacot. Cherchez le portail bleu clair. Ouvert de 11h à 22h du lundi au samedi. Fermé le dimanche.

Hôtel Villa Thérèse : Cette demeure gingerbread de trois étages se distingue nettement de la plupart des maisons gingerbread, mais ses tourelles roses et sa maçonnerie ornée, peintes dans des tons doux de jaune et de bleu vif, s’inspirent clairement de la même tradition. La Villa Thérèse fonctionne comme un hôtel-boutique, mais vous n’avez pas besoin de réserver un séjour pour en découvrir l’intérieur – tout le monde peut visiter le restaurant, ouvert de 6h30 à 21h30.

L’Hôtel Villa Thérèse est situé au 13 Rue Léon Nau Nerette, Pétion-Ville.

Pour une liste des maisons gingerbread ouvertes au public, consultez notre guide des maisons gingerbread en Haïti.

vue extérieure d'une ancienne demeure néogothique en style gingerbread
La Maison Cordasco (Villa Miramar) à Pacot
Photo: Lëa-Kim Châteauneuf / Wikimedia Commons

Rédigé par Emily Bauman.

Publié en décembre 2021


Visitez l’Hôtel Oloffson

façade de l'hôtel de style gingerbread gothique avec des palmiers
Hôtel Oloffson, Port-au-Prince
Photo: Jean Oscar Augustin

Visitez l’Hôtel Oloffson

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L’emblématique Hôtel Oloffson, un manoir gothique de style Gingerbread entouré d’un jardin tropical luxuriant, est décrit comme le plus emblématique, non seulement d’Haïti, mais de toute la Caraïbe. Ce manoir branlant du XIXᵉ siècle est étonnamment intact, malgré son emplacement au centre d’une ville qui a connu tant de destructions.

Pendant que j’attends que les grilles en fer noir s’ouvrent, des passants serpentent autour de ma voiture. Je klaxonne à nouveau, et les grilles grincent en s’ouvrant juste assez pour me laisser passer. Un portier en casquette noire et T-shirt délavé me fait un signe de tête, puis referme aussitôt la grille dans un grincement.

Un chemin sinueux en pavés, bordé de feuillage vert, disparaît dans des jardins profonds. Aucun hôtel en vue. À la place, des sculptures en fer forgé aux visages diaboliques me regardent depuis les feuillages. De plus en plus de sculptures étranges apparaissent, certaines créées à partir de pièces de voiture, dans un style que je reconnais comme appartenant au mouvement Atis Resistance.

Alors que l’allée continue de serpenter vers le sommet de la colline, le treillis blanc du toit du manoir apparaît au-dessus des palmiers et des feuilles de manguier. Sur le côté gauche de l’allée, un mur en mosaïque étincelante de blanc et de miroirs se révèle. Au centre, la fresque représente un bateau rouge et bleu. Les yeux avertis savent que, plus qu’un simple voilier, il s’agit en réalité d’une dédicace à l’esprit vodou de la mer, Agwe. Près de l’ancre qui plonge dans les vagues blanches, des inscriptions sacrées suggèrent la magie et le folklore qui imprègnent l’Hôtel Oloffson.

Sculpture de Baron Samedi, Hôtel Oloffson
Photo: Jean Oscar Augustin

Je me gare sur une esplanade pavée, coupe le moteur et m’approche de la célèbre entrée principale de l’Hôtel Oloffson. Levant la tête, j’admire le nid-de-pie en hauteur et les nombreux balcons à tourelles des étages supérieurs. Cet exemple particulier d’architecture gingerbread a été décrit comme « une illustration tirée d’un livre de contes de fées » par l’écrivain américain Graham Greene, qui y a vécu et écrit. En tant qu’admirateur des films de Wes Anderson, j’imagine l’Hôtel Oloffson comme un cousin caribéen du Grand Budapest Hotel.

Un air de somnolence et de rêverie enveloppe les marches d’entrée qui bifurquent à gauche et à droite. Tout est peint en blanc – les briques, les étages supérieurs en bois, les panneaux finement sculptés qui délimitent les balcons. Dans une alcôve encastrée dans la base en pierre blanche d’un escalier, plusieurs sculptures montent la garde, dont un homme de près d’un mètre de haut qui représente la famille Gede des lwa vodou. Les Gede sont les dieux des carrefours entre la vie et la mort, célébrés chaque année lors du Jour des Morts haïtien.

véranda du restaurant de l'hôtel avec un sol en carreaux et des portes vertes
Véranda du restaurant à l’Hôtel Oloffson
Photo: Jean Oscar Augustin

Le restaurant de l’Hôtel Oloffson

En haut des escaliers, un majordome à l’apparence ancienne monte la garde à l’entrée du restaurant. Derrière lui, une vaste véranda mène à travers une série de salons jusqu’à une scène de concert. Je salue le majordome d’un signe de tête et choisis une table dans le coin le plus éloigné, avec vue sur la ville de Port-au-Prince et la bande de mer azur au-delà. Un siècle de politiciens, musiciens, artistes locaux et prêtres vodou se sont assis dans cette même chaise.

Le majordome prend ma commande – le célèbre cocktail punch au rhum de l’Oloffson et une portion d’accra – et se faufile sur les carreaux de mosaïque du XIXᵉ siècle pour disparaître derrière des portes de saloon peintes avec une scène vive de campagne haïtienne. L’art haïtien est éparpillé dans tout l’établissement. La table dans le coin de la véranda de l’Oloffson est un excellent point de vue pour admirer la collection d’art qui commence dans le jardin de sculptures en contrebas et grimpe jusqu’au manoir, couvrant presque tous les murs du hall de l’hôtel, du restaurant et des innombrables chambres.

Au-dessus de la table, un drapeau orné de sequins rose nacré et blanc attire mon regard. Il porte un cosmogramme lwa – un motif sacré qui agit comme un appel, invoquant l’esprit correspondant. La forme de cœur incurvée indique qu’il s’agit d’un drapeau créé pour Erzulie Freda, esprit de l’amour et protectrice des enfants.

intérieur du bar de l'hôtel avec des bouteilles d'alcool et un vieux miroir encadré
Bar de l’Hôtel Oloffson
Photo: Jean Oscar Augustin

Que commander

Pour commencer, essayez le célèbre cocktail punch au rhum de l’Oloffson, ou un rum sour si vous préférez quelque chose de plus simple. Le meilleur accompagnement est l’accra : cette pâte épicée et frite, faite à partir de racine de malanga, est préparée avec un soin particulier dans la cuisine de l’hôtel en dessous, et est servie avec une généreuse portion de piklizépicé – à déguster avec les doigts de préférence.

ancien hôtel de style gothique gingerbread entouré de luxuriants arbres verts
Hôtel Oloffson, Port-au-Prince
Photo: Jean Oscar Augustin

Histoire

Le manoir fut construit comme résidence principale pour la famille Sam, un clan influent qui compte deux anciens présidents haïtiens dans ses rangs. En 1915, après la mort tragique de son propriétaire aux mains de manifestants politiques, le manoir Sam fut réquisitionné par les forces militaires américaines. Le manoir servit alors d’hôpital militaire américain jusqu’à la fin de l’occupation en 1934.

Peu de visiteurs en Haïti savent comment le célèbre Hôtel Oloffson a obtenu son nom actuel, mais je vais vous révéler le secret. En 1935, à la fin de l’occupation américaine, le manoir fut loué à un capitaine suédois nommé Werner Gustav Oloffson, qui souhaitait quitter la vie en mer pour profiter du climat estival d’Haïti. Avec sa femme Margot et leurs deux enfants, le capitaine Oloffson entreprit de transformer les vastes jardins luxuriants, le manoir gingerbread et l’aile de l’hôpital en ce qui allait devenir le plus bel hôtel d’Haïti.

Dans les années 1950, 60 et 70, l’hôtel prit des airs d’Hollywood. Poste avancé pour les riches et célèbres, l’Oloffson accueillait l’élite politique et culturelle américaine – Jackie Onassis Kennedy était souvent aperçue en train de s’éventer sur le balcon en nid d’aigle de la grande suite nuptiale. La piscine vert émeraude dans le jardin servait de cadre à un flot incessant de fêtes pour musiciens, mannequins et écrivains, alors qu’un propriétaire expatrié après l’autre prenait les rênes de l’hôtel.

Beaucoup de chambres arborent aujourd’hui des plaques peintes à la main portant le nom d’un ancien invité célèbre. Les visiteurs peuvent dormir dans la chambre Mick Jagger, la chambre Jackie O, la chambre Graham Greene, et bien d’autres. Tout comme leurs illustres invités, les couloirs de l’hôtel sont tout sauf droits et simples : certaines suites sont situées au-dessus de la piscine et reliées par des corridors cachés. D’autres sont accessibles par un escalier étroit et sinueux près du hall principal. L’escalier menant au deuxième étage est une ancienne construction en bois qui s’affaisse par endroits sous les pas et mène plus haut vers des galeries aériennes, puis à travers un passage en bois. D’autres passages en bois conduisent les visiteurs vers l’aile qui abritait autrefois l’hôpital militaire américain. Les chambres les plus prisées se trouvent dans le manoir principal, juste au-dessus du hall.

plaque peinte à la main « Susan Sarandon » ornée de fleurs
Plaque Susan Sarandon, Hôtel Oloffson
Photo: Jean Oscar Augustin

Musique live

Chaque samedi soir à l’Oloffson, le groupe RAM – un véritable trésor national – offre une performance inoubliable de rock imprégné de vodou. Si vous n’êtes pas client de l’hôtel ou que vous ne dînez pas sur place, un droit d’entrée de 500 HTG (environ 5 dollars américains) est requis. Le spectacle commence vers 22h30. Attendez-vous à des chants avec une foule enthousiaste et à danser toute la nuit. (À noter que jusqu’à récemment, RAM jouait tous les jeudis, mais le groupe est passé aux samedis en 2020.)

Les performances hebdomadaires de RAM sont devenues un rituel quasi cérémoniel, apprécié par toutes les couches de la société. Remarquablement, dans un pays où la constance est rare, le groupe se produit régulièrement à l’Oloffson depuis 1990, lorsque le leader du groupe a repris la gestion de l’hôtel.

Groupe de « vodou rock and roots », RAM intègre des paroles et des instruments traditionnels vodou, tels que les cornes rara et les tambours Petwo, dans le rock. Leurs paroles sont chantées dans un mélange macaronique de créole haïtien, de français et d’anglais.

En savoir plus sur les concerts de RAM à l’Hôtel Oloffson ici.

bus jouet peint à la main avec le logo de l'Hôtel Oloffson
Hôtel Oloffson, Port-au-Prince
Photo: Jean Oscar Augustin

Le tremblement de terre de 2010

Après le tremblement de terre de 2010, l’Oloffson était l’un des rares hôtels encore debout à Port-au-Prince. Certains plaisantaient en disant que cette vieille structure tenait grâce aux termites dans le bois et à la magie dans les poutres, mais des recherches ont depuis montré que les maisons traditionnelles gingerbread d’Haïti sont étonnamment résistantes aux séismes.

L’Oloffson est devenu un centre majeur pour l’afflux de travailleurs humanitaires et de médias internationaux qui ont afflué dans la capitale. Les vastes vérandas et jardins servaient de quartier général informel pour les étrangers et les émissaires des quelque cent mille associations caritatives actives dans la « République des ONG » de Port-au-Prince. Quiconque cherchait un lieu de rencontre ou un point de rendez-vous choisissait par défaut l’Oloffson.

De génération en génération, cet espace a fidèlement servi ses invités. L’Oloffson a été une maison familiale, un hôtel, un hôpital, une salle de concert, un lieu de rencontre, un quartier général humanitaire, une galerie d’art et un refuge pour célébrités.

L’Hôtel Oloffson veille sur le centre de Port-au-Prince, indifférent aux rébellions, aux tremblements de terre, ou aux visages célèbres qui arpentent ses couloirs. La beauté du conte de fées continue de se déployer, et, confortablement installé dans mon fauteuil avec cette vue, je me sens reconnaissant d’avoir encore une chance d’inscrire mon histoire dans celles de ceux qui m’ont précédé. En sirotant mon punch au rhum, je me demande ce que deviendra cet endroit dans cinquante ans. Qui empruntera l’allée du jardin, et quelle incarnation de l’Oloffson trouvera-t-il ?

 intérieur de chambre d'hôtel avec un bureau en bois et la lumière du soleil
Chambre avec balcon à l’Hôtel Oloffson
Photo: Jean Oscar Augustin

Séjournez à l’Oloffson

Presque un siècle après que le capitaine Oloffson ait pris en charge le vaste manoir gingerbread, l’Oloffson fonctionne toujours comme un boutique-hôtel.

Les clients peuvent séjourner dans l’une des 22 chambres, dîner au restaurant de l’hôtel et se détendre à la piscine extérieure. Toutes les suites incluent un petit-déjeuner continental gratuit, le Wi-Fi gratuit et un parking gratuit. L’un des attraits de l’Oloffson est son caractère isolé, et pour éviter aux clients de devoir se rendre en ville pour les articles essentiels, une supérette est même disponible sur place.

RAM joue le samedi soir. Le spectacle est gratuit pour les clients de l’hôtel et ceux qui dînent sur place.

L’Oloffson est caché au 60 Avenue Christophe, Port-au-Prince, dans le quartier de Saint Gérard, juste à côté du quartier branché de Pacot.

À quelques pas, vous trouverez le Musée d’Art Haïtien, la place du Champs de Mars et le Musée du Panthéon National. L’aéroport principal d’Haïti est à seulement 10 minutes en voiture.

Réservez votre séjour dès maintenant !

façade de l'hôtel de style gothique gingerbread avec des palmiers et un chien
Hôtel Oloffson, Port-au-Prince
Photo: Jean Oscar Augustin

Rédigé par Emily Bauman.

Publié en octobre 2020.


Essayez le rhum Barbancourt

un cocktail de Rum Sour mélangé avec ses ingrédients
Cocktail Rum Sour préparé avec du rhum Barbancourt à l’Hôtel Florita, Jacmel
Photo: Mikkel Ulriksen

Essayez le rhum Barbancourt

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Bien que la culture haïtienne puisse être résumée par l’expression créole pa gen pwoblem – traduite par « pas de problème » –, il y a beaucoup de choses que la culture haïtienne possède en abondance : des plages, des carnavals, des groupes de rara, des échanges animés dans les transports en commun et, bien sûr, du rhum !

La production de rhum remonte à plusieurs siècles en Haïti, et l’une des marques les plus anciennes est également la plus grande : vous verrez la marque « Barbancourt » partout où vous irez.

Mais comment ce rhum est-il devenu un élément incontournable de la culture haïtienne ?

Distillé en Haïti depuis 1862

La distillerie de rhum la plus populaire d’Haïti a vu le jour en 1862, lorsque le Français Dupré Barbancourt a posé le pied en Haïti. Fort de son expérience dans la production de cognac dans le sud-ouest de la France, le fondateur Barbancourt s’est installé en Haïti pour tirer parti de la renommée de l’île dans la production de sucre.

Cette même année, après avoir appris les bases de la fabrication du rhum plutôt que du cognac, Barbancourt a lancé son entreprise. En intégrant son expertise en production de cognac, il a distillé son rhum deux fois, augmentant ainsi la teneur en alcool du produit final.

À ses débuts, un gallon de rhum Barbancourt se vendait pour seulement trente cents !

Après le décès de Barbancourt, son épouse Nathalie Gardère a pris les rênes de l’entreprise. Depuis, l’affaire est restée dans la famille et en est aujourd’hui à sa cinquième génération.

une bouteille de rhum haïtien
Rhum Barbancourt Estate Reserve avec une œuvre du célèbre peintre haïtien Félix Jean
Photo: Franck Fontain

Une icône culturelle

L’entreprise est devenue le rhum le plus connu et le plus célébré en Haïti. En s’invitant à tous les grands événements culturels – carnaval, saison du rara, fêtes patronales –, Barbancourt a solidifié son statut d’icône dans la culture haïtienne.

Aujourd’hui, Barbancourt se targue d’être une entreprise haïtienne, employant des Haïtiens pour produire un rhum destiné aux Haïtiens. Depuis sa fondation, la marque s’est imposée comme l’un des plus fervents soutiens de la scène artistique et culturelle haïtienne (regardez de près l’emballage du rhum Estate Reserve, et vous y trouverez une œuvre du célèbre peintre haïtien Félix Jean).

Un article sur le rhum en Haïti ne serait pas complet sans mentionner l’importance du rhum dans le folklore et le Vodou haïtiens. Lors de la plupart des cérémonies vodou, carnavals et fêtes patronales, le rhum est l’élément clé : il lance les festivités, unit les participants et permet de célébrer ensemble l’identité et la cohésion haïtiennes.

un barman haïtien dans un intérieur de bar, présentant un Rum Sour
Barman préparant un Rum Sour avec du rhum Barbancourt à l’Hôtel Florita, Jacmel
Photo: Mikkel Ulriksen

Quel Barbancourt devriez-vous essayer ?

Le plus jeune des rhums proposés par Barbancourt est un rhum blanc puissamment doux mais robuste. Grâce à sa pureté et à sa force, il est très prisé dans les cocktails, mais se déguste également pur.

Il y a le rhum trois étoiles, âgé de quatre ans, qui est plus corsé et plus doux. Un cran au-dessus, le rhum cinq étoiles de huit ans est un incontournable dans tous les bars d’Haïti. Ici, les notes de saveur sont plus prononcées et invitent à une pause pour les savourer pleinement.

Vient ensuite le rhum Estate Reserve de quinze ans, souvent réservé comme digestif en raison de la complexité de ses arômes, du nez à la finale.

Où le déguster

Passez par votre supermarché local ou une boutique de quartier – les supermarchés proposent généralement les deux formats de bouteilles (750 mL et 175 mL), tandis que les boutiques de quartier ont plus souvent le format plus petit (175 mL).

Sur glace, sec avec une touche de citron ou mélangé dans un cocktail, Barbancourt est une expérience incontournable pour quiconque souhaite vraiment pouvoir dire qu’il a découvert Haïti !

Un entrepôt rempli de fûts de rhum en bois
Distillerie de rhum Barbancourt, Port-au-Prince
Photo: Franck Fontain

Visitez la distillerie Barbancourt

À seulement quelques kilomètres au nord de l’aéroport de Port-au-Prince, la distillerie Barbancourt propose des visites guidées tous les vendredis, de novembre à mai. Ces visites, d’une durée d’environ deux heures, sont menées en français ou en anglais. Les visiteurs découvrent tout le processus, depuis le déchargement des cannes à sucre jusqu’à la mise en bouteille et le vieillissement, avec à la clé une dégustation de tous les rhums, jusqu’au 15 ans d’âge.

Vous pouvez acheter du rhum directement à la distillerie, à partir de 17 USD pour le rhum 8 ans d’âge et 45 USD pour le 15 ans d’âge. Assurez-vous d’apporter des dollars américains si possible – la distillerie préfère cette devise au gourde haïtien (HTG). Quoi que vous fassiez, nous vous recommandons de réserver votre place à l’avance.


Écrit par Kelly Paulemon.

Publié en novembre 2020


Visitez le Katherine Dunham Cultural Center

bâtiment avec un toit au design futuriste dans un parc public
Katherine Dunham Centre Culturel, Port-au-Prince
Photo: FOKAL

Visitez le Katherine Dunham Cultural Center

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Situé sur la côte en croissant de la baie de Port-au-Prince, le quartier de Martissant était autrefois bordé de boulevards et de villas où la haute société haïtienne vivait et prospérait. Aujourd’hui, Martissant est un quartier à forte densité, loin d’être une destination touristique. Cependant, quelques lieux méritent le détour, et le Katherine Dunham Cultural Center en fait partie.

Niché au cœur du Parc de Martissant, le Katherine Dunham Cultural Center est un havre de paix, de sérénité et de vie communautaire. Il porte le nom de Katherine Dunham, danseuse et chorégraphe afro-américaine qui s’est installée en Haïti dans les années 1930 pour étudier l’héritage africain des formes de danse caribéennes. Aujourd’hui connue comme la « matriarche de la danse noire », Dunham est reconnue pour avoir introduit le rythme et la technique africains et caribéens dans le répertoire de la danse professionnelle.

La maison privée et le studio de Katherine Dunham

Lors de son séjour en Haïti, Katherine Dunham s’est liée d’amitié avec plusieurs officiels haïtiens et est devenue une importante ambassadrice culturelle du pays. Au cœur de Martissant, elle a acquis une propriété verdoyante de sept acres, qu’elle a utilisée à la fois pour elle-même et pour sa compagnie de danse basée aux États-Unis. Un hôtel y fut construit, et pendant plusieurs années, Dunham y a accueilli et diverti l’élite haïtienne ainsi que quelques invités privilégiés.

Le faste à l’intérieur de ces murs et le luxe de pouvoir se consacrer entièrement à l’art offraient un contraste saisissant avec la pauvreté qui frappait le quartier de Martissant. Aujourd’hui, ce lieu rend quelque chose en retour.

Désormais ouvert au public

Après le décès de Katherine Dunham en 2006, sa propriété a été transformée en centre culturel. Elle abrite aujourd’hui une bibliothèque emblématique, composée de cinq bâtiments conçus pour évoquer les mouvements de la danse. Cette œuvre architecturale a été réalisée par les architectes mexicains Raúl Galvan Yañez et Winifred Jean Galvan.

C’est pourquoi, vue de loin, la silhouette géométrique et fluide du centre se distingue aisément. Sur le côté droit du centre actuel se trouve la relique d’un imposant péristyle, autrefois propriété de Katherine Dunham. Elle l’utilisait durant son séjour en Haïti comme un espace dédié aux cérémonies vaudou, inspirées de ses recherches sur les cultures africaines et caribéennes.

La plupart du temps, le Katherine Dunham Cultural Center est ouvert au public. Il abrite une bibliothèque soigneusement conçue, adaptée aux jeunes enfants, aux adolescents et aux adultes. Il est possible d’y emprunter des livres moyennant une modeste cotisation. Son intérieur lumineux, accueillant et conçu de manière intuitive invite naturellement à s’installer à une table ou à parcourir les étagères. Tout y est pensé avec soin pour favoriser l’échange, la communauté et la communication.

Événements

Comme le Parc de Martissant est placé sous le parrainage de la Fondasyon Konesans Ak Libète (Foundation for Knowledge and Liberty), le Katherine Dunham Cultural Center accueille de nombreuses tables rondes, forums et panels. Tout au long de la semaine, des activités variées sont proposées aux enfants, allant des ateliers de contes aux lectures animées par des auteurs haïtiens renommés. Le centre organise également des séances de dédicaces et des conférences avec de jeunes auteurs émergents, contribuant ainsi à dynamiser la scène littéraire haïtienne.

Il y a toujours une effervescence d’activités au Katherine Dunham Cultural Center. Ce lieu d’exception, rendu possible par une femme tout aussi exceptionnelle, rend hommage à sa vie de militante passionnée, profondément immergée dans la culture haïtienne.


Rédigé par Kelly Paulemon.

Publié en octobre 2020