littérature

Krik-krak ! – La tradition haïtienne de la narration

groupe d'Haïtiens assis sur des chaises et sur un porche dans une cour
Krik-krak à Cayes Jacmel
Photo: Anton Lau

Krik-krak ! (et tim-tim !)

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« Dans ma famille, nous sommes quatre, mais quand un de mes frères et sœurs n’est pas là, nous ne pouvons rien faire… » Connaissez-vous la réponse ?

Ce que vous venez de lire est un exemple d’une captivante tradition culturelle haïtienne connue sous le nom de kont, ou « contes ». La scène dans laquelle vous entendrez ces récits commence généralement au crépuscule, lorsque les enfants quittent la chaleur de leurs foyers familiaux pour se réunir dehors et faire ce que les Haïtiens appellent tire kont — « raconter des contes ». Ces contes ne sont pas vraiment des histoires, mais plutôt de petites charades, chacune plus amusante que la précédente, basées sur les détails et les petits objets de la vie quotidienne, et racontées dans un langage très coloré. La pratique du tire kont est souvent désignée sous les termes krik-krak! ou tim-tim! en raison de la formule d’appel et de réponse propre aux charades.

des garçons haïtiens assis à Port-au-Prince
Des garçons réunis pour la narration Krik-krak à Bois Moquette
Photo: Franck Fontain

Comment fonctionne le krik-krak

Le conteur, celui qui connaît généralement la réponse à la charade, signale le début de celle-ci en criant « Krik ! » À cela, tout le monde répond : « Krak ! »

Lorsque le conteur dit « Krik« , il annonce : « Préparez-vous, j’ai quelque chose à vous faire deviner. » Après que les gens aient répondu « Krak ! », le conteur poursuit : « Tim tim ? » et l’assemblée répond : « Bwa chèch. »

« Je suis peut-être petit, mais j’ai honoré les plus grands hommes. »

À ce moment-là, c’est à la personne la plus rapide de répondre. Les suggestions fusent de tous les coins : bougie ? Stylo ? Carnet ? Et si personne ne connaît la réponse, tout le monde avoue sa défaite en disant : « Mwen bwè pwa. » Alors, et seulement alors, le conteur révèle la réponse à l’énigme. Le krik-krak est une pratique communautaire qui en dit long sur le mode de vie des Haïtiens. Le conte, tout comme la musique et la littérature, contribue à maintenir la langue créole vivante et dynamique.

La pratique du krik-krak / tim-tim est héritée des ancêtres des Haïtiens en Afrique. Dans So Spoke the Uncle, Jean Price-Mars explique que des pratiques similaires apparaissent dans d’autres pays où la majorité de la population descend d’Afrique, comme la Guadeloupe, et que la même formule krik-krak est encore en usage dans certaines régions d’Afrique.

Aux côtés des devinettes, il existe également des histoires racontées aux enfants et aux adultes qui suivent la même formule, et qui participent à la transmission des valeurs collectives et morales de la communauté haïtienne. Certaines histoires, comme Tezin et Ti Soufri, sont largement répandues à travers Haïti. Tout comme les fables et les contes de fées, ces récits portent des leçons morales et reflètent les mœurs sociales.

groupe d'Haïtiens assis sur des chaises et sur un porche dans une cour
Krik-krak à Cayes Jacmel
Photo: Anton Lau

La narration haïtienne : en pleine croissance ou en train de disparaître ?

L’oralité occupe une place extrêmement importante en Haïti, au point que même le Vodou, la religion la plus populaire, se préserve principalement à travers des traditions orales, y compris une forme strictement orale de littérature appelée odyans. Le conte haïtien met en perspective les modes de vie de la classe inférieure et des habitants des campagnes, où des thèmes tels que la propriété, la mort, l’héritage et la famille refont souvent surface — des thèmes familiers dans les contes de fées européens, qui eux aussi se centrent souvent sur la classe ouvrière rurale. Bien que le rite social de raconter des histoires autour des feux de camp soit plus vieux que l’histoire elle-même, et que le jeu de devinettes haïtien en appel et réponse soit ancré dans les modes anciens de narration africaine, le krik-krak! se distingue comme un trésor unique de la culture haïtienne, et l’un qui reflète et co-crée la société haïtienne.

Cependant, puisque les kont se transmettent de génération en génération oralement, certaines histoires racontées rarement risquent de disparaître…

des garçons haïtiens assis ensemble en train de rire
Des garçons réunis pour la narration krik-krak à Bois Moquette
Photo: Franck Fontain

Il y a un festival Krik-krak! en mars, et vous êtes invité(e) !

Depuis 2009, un festival annuel de narration appelé Kont Anba Tonèl – le Festival Interculturel des Contes – est organisé à Port-au-Prince ainsi qu’à Jérémie et dans d’autres villes provinciales. Tenu chaque mois de mars, à partir de la Journée mondiale du conte (le 20 mars), ce festival vise principalement à mettre en valeur les modes de narration haïtiens, en maintenant la pratique du krik-krak! vivante. Et cela semble porter ses fruits – de plus en plus de comédiens se tournent vers une carrière de conteur professionnel, et certaines stations de radio récupèrent des fichiers audio de contes, les archivant pour les conserver et les transmettre aux générations futures que nous espérons voir continuer cette pratique.

Si vous visitez Haïti pendant les deux dernières semaines du mois de mars, vous pourrez assister au festival Kont Anba Tonèl et vous immerger dans une pratique ancestrale. Attendez-vous à entendre une multitude de contes, à assister à des conférences de collecteurs de contes professionnels, et à participer à des ateliers enseignant de nombreux modes de narration, y compris le krik-krak!. Sur ce sujet…

« Krik ? S’habille de pied en cap pour rester à la maison ? » « Krak ! Le lit, bien sûr… »


Rédigé par Melissa Beralus et traduit par Kelly Paulemon.

Publié en mai 2020.


Explorez Jérémie

homme et femme haïtiens posant derrière un fauteuil à bascule
Nansky & Gina dans leur maison d’hôtes à Jérémie
Photo: Franck Fontain

Explorez Jérémie

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Au terme d’un voyage de 180 miles vers l’ouest le long de la péninsule sud d’Haïti, Jérémie se dévoile comme une ville côtière animée, adossée à des montagnes majestueuses. Riche en histoire et en caractère, elle mérite que vous lui consacriez quelques jours pour l’explorer pleinement.

Si vous avez déjà voyagé dans le nord d’Haïti (notamment en voiture de Port-au-Prince à Cap-Haïtien en passant par Mirebalais), la route vers Jérémie vous rappellera ces moments où le lac de Péligre apparaît entre les courbes de la route. La rivière Grand’Anse, qui donne son nom à cette région d’Haïti, prend sa source dans le Parc national Pic Macaya et descend à travers les montagnes avant de se jeter dans la mer, juste au sud de la ville de Jérémie.

La Grand’Anse est la raison même de la fondation de Jérémie et joue un rôle essentiel en tant que source directe d’irrigation pour les champs et le bétail. Les communautés qui vivent et travaillent le long de la rivière sont diverses, mais elles sont toutes reliées par ce cours d’eau, formant un long et étroit voisinage soudé.

Tout à l’ouest, Jérémie affiche un charme rural assumé, une certaine indépendance vis-à-vis du reste de l’île et une forme de défiance face au temps. Ici, des traditions séculaires perdurent encore aujourd’hui, coexistant avec la modernité d’un Haïti du XXIe siècle.

intérieur d’une église pendant un service
À l’intérieur de la cathédrale Saint-Louis Roi de France, Jérémie
Photo: Franck Fontain

Incontournables à Jérémie

Anse d’Azur – Une baie spectaculaire de sable fin abritant un sous-marin allemand coulé et un magnifique réseau de grottes. Anse d’Azur rivalise avec les plus belles plages des Caraïbes – sans la foule.

Cathédrale Saint-Louis-Roi-de-France – Le même romantisme qui imprègne la littérature de Jérémie se retrouve dans son architecture. Si la lecture des écrivains de Jérémie vous a inspiré, ou si vous êtes passionné d’architecture et de design, la cathédrale Saint-Louis-Roi-de-France est un incontournable. Construite sur le site d’un ancien temple incendié en 1874, cette imposante cathédrale arbore un rouge profond rehaussé de détails blancs. Son architecture rappelle des éléments familiers du patrimoine haïtien, évoquant les maisons Gingerbread de Port-au-Prince, le Marché de Fer ou encore la cathédrale de Hinche.

Fête du saint patron Saint-Louis – La cathédrale brille de tout son éclat au mois d’août, lorsque Jérémie se prépare à célébrer la fête de Saint-Louis-Roi-de-France le 25. La ville et les paroisses environnantes s’animent alors de prières, de festivités et d’une ambiance chaleureuse.

Kay Gina & Nansky – Être à Jérémie en été est une excellente occasion de découvrir Kay Gina & Nansky ! Amoureux d’art, Gina et Nansky ont réussi à créer un espace à la fois autel et galerie, où sont exposées des œuvres d’artistes haïtiens venus de Jérémie, Jacmel, Port-au-Prince et d’autres villes du pays. Ils proposent également un hébergement dans leur maison d’hôtes pour 30 $ la nuit. Les chambres, propres et confortables, sont situées à seulement dix minutes du cœur vibrant de la ville, offrant une immersion locale inoubliable. Le petit-déjeuner peut être ajouté pour un petit supplément. Kay Gina & Nansky est aussi une excellente adresse pour goûter aux spécialités traditionnelles du carnaval, comme les beignets haïtiens, de savoureuses fritures de banane sucrée. Un incontournable si vous êtes en ville lors d’une fête patronale ou du kanaval !

homme haïtien âgé en chemise blanche et pantalon noir
Vieil homme à Jérémie
Photo: Mikkel Ulriksen

Ville des Poètes

Jérémie a vu naître certaines des figures les plus marquantes de la littérature haïtienne, lui valant le surnom de « Ville des Poètes ». Des poètes comme Émile Roumer et Jean-Fernand Brierre, ainsi que le père d’Alexandre Dumas, sont originaires de cette ville et ont porté la littérature haïtienne bien au-delà de ses frontières, à travers leurs œuvres et leurs voyages. Jérémie est ainsi devenue un véritable foyer intellectuel, dépassant même la capitale à une époque et inspirant les écrivains de la jeune nation haïtienne. En vous promenant dans la ville, vous croiserez de nombreux monuments rendant hommage aux poètes et à la poésie.

maison haïtienne avec piscine et balcon
Makay Villa à Jérémie
Photo: Mikkel Ulriksen

Où dormir

Aussi loin au sud-ouest, vous ne trouverez pas de resorts tout inclus, mais Jérémie regorge d’options sur Airbnb. Parmi elles, Place Charmant est de loin la meilleure. Située à quelques minutes en voiture du centre-ville, cette maison d’hôtes perchée sur une colline offre une vue imprenable sur la baie. Vous pourrez vous détendre dans sa grande piscine tout en profitant de la connexion WiFi la plus fiable de la ville. Les chambres de Place Charmant sont proposées à partir de 80 $ par nuit, avec petit-déjeuner et dîner inclus.

Si vous voyagez en groupe, Makay Villa est l’option idéale. Dotée d’une piscine surplombant une petite baie et offrant un accès à une plage semi-privée, cette villa est un excellent pied-à-terre pour votre séjour à Jérémie.

gâteaux konparèt haïtiens en train de cuire au four
Boulangerie de konparèt à Jérémie
Photo: Mikkel Ulriksen

Saveurs à découvrir absolument

Impossible de faire six heures de route jusqu’à Jérémie sans goûter à sa spécialité locale : le konparèt. Ce biscuit sucré riche et dense, proche d’un gâteau de type quatre-quarts, marie à la perfection les saveurs classiques des Caraïbes : noix de coco, bananes mûres et une touche chaleureuse d’épices antillaises comme la cannelle et la vanille. Le konparèt est omniprésent à Jérémie, mais lorsqu’il voyage jusqu’à Port-au-Prince avec les visiteurs, il devient une denrée précieuse – aucune boulangerie ailleurs sur l’île d’Hispaniola ne parvient à reproduire le goût authentique de Jérémie.

Rencontrez les habitants

Accompagnez-nous aux côtés de Wilmar Belizaire, originaire de Jérémie, alors qu’elle nous fait découvrir ses endroits préférés pour voir, dormir et savourer dans la ville.

À savoir

Jérémie est une ville située à l’extrémité ouest de la péninsule sud d’Haïti, célèbre pour avoir vu naître de nombreux poètes et pour sa remarquable cathédrale datant du début du XXe siècle.

Anse d’Azur – Cette baie spectaculaire de sable fin rivalise avec les plus belles plages des Caraïbes – sans la foule.

Le mois d’août est le meilleur moment pour visiter Jérémie, alors que la ville se prépare à célébrer la fête de son saint patron, Saint-Louis-Roi-de-France.

Kay Gina & Nansky est un excellent endroit pour découvrir de l’art et déguster rapidement des spécialités traditionnelles du carnaval.

Makay Villa est le meilleur endroit où séjourner lors de votre passage en ville.

Konparèt – L’essence même des Caraïbes, concentrée dans un biscuit façon gâteau. Gagnez des amis et des faveurs en rapportant cette délicatesse très convoitée à Port-au-Prince.


Rédigé par Kelly Paulemon.

Publié en février 2020