Fêtes & Célébrations

Rythmes et rituels au festival Vodou de Lakou Soukri

Bain rituel au festival Vodou de Lakou Soukri
Photo : Jean Oscar Augustin

Rythmes et rituels au festival Vodou de Lakou Soukri

Copy LinkEmailFacebookShare

Situé au cœur du département de l’Artibonite en Haïti, Lakou Soukri se transforme chaque année en épicentre d’un festival profondément ancré dans la culture vaudou, célèbre pour sa signification spirituelle et son sens de la communauté.

Malgré ses riches traditions, le vodou fait souvent face à des malentendus et à des stéréotypes qui voilent son authenticité.

Quelles vérités essentielles le festival de Lakou Soukri révèle-t-il sur le vodou ?

Notre visite au Lakou visait à découvrir le cœur du festival, nous entraînant dans une célébration marquée par la danse, les offrandes et l’esprit communautaire. Ce voyage à travers le festival met en lumière un vodou imprégné de tradition, de dévotion et d’un profond lien avec les royaumes naturel et spirituel, transcendant les idées reçues répandues.

Rassemblement au Festival Vodou de Lakou Soukri
Photo : Jean Oscar Augustin

Qu’est-ce qu’un lakou ?

Au cœur des traditions culturelles haïtiennes se trouve le lakou, plus qu’un simple espace, c’est une pierre angulaire de la communauté et de la spiritualité. Bien avant les villes, les quartiers et les municipalités, il y avait des lakou. Cette organisation sociale ressemble à l’essence communautaire des villages africains, servant de terreau pour l’éducation, la dévotion et la préservation des traditions vodou. Au centre de chaque lakou se trouve le poto mitan, un pilier symbolique reliant la communauté à ses ancêtres et au monde spirituel.

Le leadership au sein d’un lakou est assuré par le Houngan (prêtre vodou) ou la Mambo (prêtresse vodou), qui ne sont pas seulement des guides spirituels mais aussi des guérisseurs et des organisateurs communautaires. Leur rôle est essentiel pour maintenir le tissu social et la santé spirituelle de leur communauté, qu’il s’agisse de membres natifs ou de nouveaux initiés.

Un lakou notable, Soukri Danach, se distingue par son importance historique et son festival annuel qui attire une foule diversifiée. Cet événement incarne la vitalité communautaire et spirituelle du lakou, mettant en lumière son rôle dans la société haïtienne.

Les Échos Anciens de Lakou Soukri Danache

Lakou Soukri Danache est un phare parmi les paysages spirituels d’Haïti, salué comme l’un des trois sites spirituels majeurs. Ses racines seraient ancrées avant l’émergence même d’Haïti en tant que nation, s’entrelacent avec les histoires de Lakou Souvenance et Badjo pour former une trinité sacrée, chacun gardien d’un rite vodou unique. Soukri, en particulier, vibre avec le rite congolais, un hommage vivant aux traditions ancestrales des esclaves congolais, en contraste avec l’alignement de Souvenance avec les rites du royaume du Dahomey au Bénin.

La légende de sa création remonte à Zinzin Figaro, vénéré comme le premier à diriger le lakou. L’histoire de Soukri est riche en récits de refuge pour les esclaves marrons du Congo, cherchant réconfort et liberté au cœur de la lutte d’Haïti pour son indépendance.

S’étendant sur deux hectares et demi, Soukri Danache est une tapisserie de logements, de plantations et de familles, prospérant grâce à l’agriculture et à l’élevage tout en étant lié par un profond héritage spirituel. Chaque année, ce lakou rappelle ses enfants, ceux nés sous son ombre et ceux initiés, lors d’un pèlerinage qui réaffirme le lien inébranlable avec leur héritage spirituel et culturel.

Bain rituel au Lakou Soukri
Photo : Jean Oscar Augustin

Rituels sacrés et rassemblements

Embrassés par l’appel du retour, les enfants de Lakou Soukri se rassemblent pour célébrer leur riche héritage lors d’un festival qui s’étend sur plus de deux semaines. Pendant cette période, le lakou est rempli d’activités qui touchent à l’essence du Vodou : de la danse rythmée à la solennité des cérémonies, des offrandes et des bains rituels.

Alors que le crépuscule s’installe le 14 août, les terres sacrées du temple, connues sous le nom de Soba, s’animent d’anticipation. Cette nuit est réservée à Met Kafou, le loa Vodou (c’est-à-dire l’esprit Vodou) considéré comme le gardien des carrefours, symbole de choix, de chemins et des intersections entre la vie et le royaume spirituel. Les assemblés, qu’ils soient initiés ou intrigués, sont conduits par des figures d’autorité spirituelle à travers les portes du temple, participant à des prières visant à demander des bénédictions aux loas, renforçant ainsi les liens d’unité et d’existence partagée.

Le crescendo arrive le lendemain, le 15 août, avec une grande cérémonie Vodou. Vêtus de blanc, symbole de pureté et d’ouverture, les participants se rassemblent dans des sanctuaires désignés au sein du lakou. Les cérémonies de la journée commencent par des prières, des percussions et des sacrifices rituels — des coqs près de la porte, des chèvres à l’intérieur du Soba, et un taureau près d’un ancien arbre connu sous le nom de Palan Ganga, chaque acte renforçant l’ambiance spirituelle.

Si l’idée des offrandes animales vous semble perturbante, sachez que pour les croyants, il s’agit d’un rituel ancré dans la réciprocité et le maintien de l’équilibre cosmique.

Préparatifs au festival Vodou de Lakou Soukri
Photo : Jean Oscar Augustin

Après ces moments poignants, l’attention se tourne vers le Bassin Inan pour un bain rituel en l’honneur de la loa Manbo Inan. Entourée d’arbres majestueux, cette piscine naturelle est le témoin d’une cérémonie fascinante de tambours, de danse et de chant, culminant lorsque la loa, censée résider dans ces eaux, se manifeste. Les initiés, désormais dans un état de possession, sautent frénétiquement dans le bassin en un affichage de foi et d’extase.

Cette scène extraordinaire offre non seulement un aperçu de la profonde spiritualité du Vodou, mais permet également aux pèlerins de demander des bénédictions en collectant de l’eau de ce site sacré.

Les jours qui suivent sont remplis de danses et de cérémonies à divers lieux de repos des esprits, chaque moment renforçant les liens communautaires et spirituels. Le festival se termine par une salutation universelle aux points cardinaux, un dernier acte d’unité et de respect, encapsulant le profond voyage de retour et de célébration qui caractérise le festival de Lakou Soukri.

Une pause entre les cérémonies au Festival Vodou
Photo : Jean Oscar Augustin

Quand vivre la magie de Soukri

Le festival enchanteur de Soukri se déroule chaque année du 14 août aux premiers jours de septembre. Cette période, qui relie l’été chaud au début de l’automne, crée un cadre idéal pour les danses nocturnes et les somptueux repas caractéristiques des célébrations vaudou, tout en évitant les fortes pluies de la saison.

Comment s’y rendre

Le lakou est situé à quelques kilomètres au nord des Gonaïves. Le chemin le plus simple consiste à prendre un tap-tap ou un taxi-moto depuis la ville, en direction de la localité de Mapou, puis de continuer vers Soukri. En vous approchant, n’oubliez pas le profond respect que ce lakou inspire à ses gardiens ; il est donc essentiel de l’aborder avec une attention et un respect pour sa signification spirituelle.

Vous souhaitez faire une offrande ?

Pour vous immerger dans l’esprit du festival, envisagez d’apporter une offrande. Pour des conseils précis, un initié pourra vous orienter sur ce qui est le plus approprié pour chaque cérémonie. Habituellement, une bouteille de rhum haïtien est un cadeau apprécié. Lorsque vous la présentez au serviteur du Lakou pour la table des Loas, cela symbolise votre participation à une tradition de générosité. En assistant à cela, vous pourriez également ressentir, tout comme les initiés et les pèlerins, la profonde générosité des loas en retour.


Écrit par Costaguinov Baptiste.

Publié en avril 2024.


Votre guide ultime du Carnaval en Haïti

Costumes de carnaval, Jacmel
Photo: Franck Fontain

Votre guide ultime du Carnaval en Haïti

Copy LinkEmailFacebookShare

Le Carnaval en Haïti n’est pas seulement un festival, c’est une véritable institution culturelle qui coule dans les veines de son peuple. Pour les Haïtiens, la musique est un mode de vie, et pendant le Carnaval, c’est comme si tout le pays s’animait dans un arc-en-ciel de couleurs, de sons et de rythmes.

Mais ce n’est pas seulement une fête — le Carnaval est une expérience transformative qui bouscule les choses et inspire le changement.

Alors, continuez à lire pour découvrir ce qui rend le Carnaval en Haïti si unique et, qui sait, peut-être planifier votre propre voyage pour vous joindre à la fête !

Costumes de carnaval à Jacmel
Photo: Franck Fontain

Une brève histoire du Carnaval en Haïti

Commençons par le début : la tradition du Carnaval (ou kanaval en créole haïtien) en Haïti a débuté pendant la période coloniale dans les grandes villes comme Port-au-Prince, Cap-Haïtien et Jacmel. À cette époque, les esclaves n’étaient pas autorisés à participer. Les propriétaires d’esclaves cherchaient à priver le peuple de tout ce qui était possible, notamment des éléments associés au mode de vie de l’élite blanche propriétaire d’esclaves en Haïti.

Mais les esclaves organisaient leurs propres mini-carnavals dans leurs arrière-cours et leurs quartiers. Avec des costumes faits de haillons et leur peau couverte de cendres et de graisse, ils imitaient et ridiculisaient les maîtres esclavagistes. Cette pratique a donné naissance à l’une des plus anciennes traditions du pays, celle des Lansèt Kòd. Découvrez-en plus sur cette figure emblématique de l’imaginaire collectif haïtien.

Au fil des décennies, le Carnaval a évolué pour devenir une fête nationale et l’événement culturel le plus important d’Haïti. Aujourd’hui, l’ambiance peut être décrite comme celle de gigantesques fêtes de rue, mais c’est aussi une vitrine à ciel ouvert pour les créations artistiques et l’artisanat.

Au-delà des célébrations, de la nourriture, de l’alcool et de la musique, le Carnaval haïtien revêt également un aspect politique. Le festival offre aux Haïtiens l’opportunité d’exprimer leurs doléances populaires, à travers les costumes, les paroles des meringues et les chansons diffusées. Les paroles contiennent souvent des revendications et des allégories de la vie sociale, délivrées au rythme de la musique et à plein volume. De nombreux costumes et personnages du carnaval sont également conçus comme des satires et des commentaires sur l’actualité.

Personnages du carnaval, Jacmel
Photo: Jean Oscar Augustin

Costumes colorés et personnages surprenants

Si vous assistez un jour au Carnaval en Haïti (et croyez-nous, vous devriez), la première chose qui attirera votre attention sera les costumes époustouflants portés par les troupes du carnaval. Fabriqués en papier mâché, ces tenues donnent vie à la flore et à la faune du pays avec des couleurs vives et des motifs complexes. Vous verrez tout, des oiseaux exotiques comme les perroquets et les toucans aux costumes inspirés par le passé colonial de l’île.

Mais les costumes ne sont pas la seule chose qui rend le Carnaval haïtien si unique. Le festival est également le lieu d’une large gamme de personnages colorés, à la fois réels et fictifs. Vous pourriez croiser une représentation géante de Barack Obama ou de Vladimir Poutine, ou encore une interprétation fantaisiste du choléra ou du COVID-19. Et n’oubliez pas les figures historiques, comme les héros de l’indépendance haïtienne et les Taïnos, les premiers habitants de l’île.

Chaque costume et personnage du Carnaval haïtien a une histoire unique à raconter, représentant différents aspects de la culture, de l’histoire et du folklore du pays. Vous souhaitez plonger plus profondément dans le monde fascinant du Carnaval haïtien ? Consultez ce guide visuel, où nous dévoilons l’histoire et les significations riches derrière les costumes colorés du Carnaval de Jacmel.

Participants du carnaval dansant, Jacmel
Photo: Franck Fontain

Musique, rythmes et battements du Carnaval

La musique du Carnaval haïtien est un mélange unique d’influences européennes et africaines, créant un son à la fois vivant et expressif, composé de percussions, d’instruments en bambou, de trompettes et d’accordéons. Au cœur du carnaval se trouve le Rara, une bann a pye (littéralement « bandes à pied » ou fanfare) étroitement liée à la pratique du vodou.

En plus du Rara, le carnaval est également influencé par d’autres genres musicaux plus modernes comme le compas bien connu, le rap créole, la musique racine, et le raboday, un genre musical populaire qui a émergé au milieu des années 2000. Ce genre est basé sur un style musical traditionnel appelé Rasin, qui mélange les rythmes vodou avec la musique pop-rock moderne. Le raboday se caractérise souvent par ses rythmes énergiques et son utilisation prononcée des percussions, et c’est un favori pendant la saison du carnaval et lors des soirées dansantes à travers Haïti. Et enfin, n’oublions pas la meringue, l’un des styles de musique haïtienne les plus populaires que vous entendrez pendant le carnaval.

Vendeur de kleren à JérémiePhoto: Franck Fontain

Les saveurs du Carnaval à ne pas manquer

Beignets
Un incontournable de la tradition du kanaval haïtien, les beignets sont une délicatesse à ne pas manquer pendant la saison du carnaval en Haïti. Contrairement aux beignets traditionnels, qui sont généralement une pâte frite gonflée, les beignets haïtiens sont plats et faits à base de bananes.

Ces petites gourmandises délicieuses ressemblent à de mini-crêpes, mais avec une texture croquante, et sont généreusement saupoudrées de sucre. Ne manquez pas l’occasion de goûter à ces douceurs sucrées, car elles sont rarement disponibles en dehors de la saison du carnaval.

Kleren
Une autre saveur locale à essayer pendant le carnaval est le trampe – une variété du moonshine local connu sous le nom de kleren (ou clairin pour les francophones et anglophones). Ce type de rhum artisanal a une tradition séculaire en Haïti et fait partie intégrante de la culture du pays. Le trampe désigne le kleren qui a macéré pendant des semaines, voire des mois, avec des fruits et des épices locaux, créant ainsi des mélanges uniques et savoureux.

Pendant le carnaval, vous trouverez des marchands ambulants proposant de grandes jarres de kleren avec différentes saveurs, ainsi que des promesses de bienfaits pour la santé et de propriétés aphrodisiaques. Il existe de nombreux parfums populaires de trampe locaux parmi lesquels choisir, comme le Kenep, qui offre une douceur subtile grâce au fruit haïtien également connu sous le nom de quenepe ou limoncello.

Bwa kochon est une autre saveur populaire, infusée avec de l’écorce, du bois et des feuilles, offrant un goût extra fort et terreux. Grenadya est une saveur acidulée et sucrée, préparée avec des fruits de la passion, tandis que Lanni est un trampe doux infusé à la cannelle, à l’anis étoilé ou au fenouil.

Carnavaliers à Jacmel
Photo: Franck Fontain

Quand a lieu le Carnaval en Haïti

Le Carnaval en Haïti n’est pas un événement d’un jour, comme vous pourriez le connaître dans d’autres pays. En fait, il s’étend de janvier jusqu’à la grande parade des Trois Jours Gras en février ou mars. Tout au long de la saison, des festivités et des célébrations ont lieu chaque dimanche dans plusieurs grandes villes d’Haïti.

Que vous soyez un amateur d’art ou que vous souhaitiez simplement faire la fête, plusieurs destinations s’offrent à vous pour vivre pleinement l’expérience.

Où vivre l’expérience du Kanaval haïtien

Jacmel
Le carnaval de Jacmel est un incontournable pour les amateurs d’art, avec ses masques en papier mâché extraordinaires et ses costumes splendides confectionnés par des artisans et artistes locaux. Le carnaval de cette paisible ville côtière est considéré comme l’un des plus beaux des Caraïbes, en raison de la créativité et de la magnificence de ses expositions artistiques. Pendant la saison du carnaval, Jacmel accueille plusieurs événements et activités, qui culminent avec les trois jours de célébration des Trois Jours Gras.

Vous voulez faire la fête comme un Haïtien au Carnaval de Jacmel ? Lisez ceci d’abord !

Port-au-Prince

Le Carnaval de Port-au-Prince est le plus populaire en Haïti, attirant une grande foule de festivaliers venus profiter de l’ambiance explosive de musique et de danse. La parade met en vedette des créations artistiques, des fanfares et de grands chars, mais le véritable point fort réside dans les groupes musicaux qui défilent au Champ de Mars, la plus grande place publique de la ville. Ici, les groupes et artistes haïtiens les plus célèbres rivalisent pour déterminer qui aura le meilleur slogan, char ou chanson du carnaval.

Cap-Haïtien
Si vous recherchez une expérience de carnaval plus paisible, Cap-Haïtien est un excellent choix. La parade a lieu chaque année sur le Boulevard du Cap-Haïtien, en bord de mer, où se trouvent également certains des meilleurs restaurants de la ville. Le Carnaval de Cap-Haïtien est réputé pour son ambiance ordonnée et calme, ce qui en fait une excellente option pour les familles et ceux qui préfèrent une célébration plus détendue.


Rédigé par Costaguinov Baptiste.

Publié en avril 2023.


Rencontrez les personnages colorés du carnaval de Jacmel

Figures de carnaval en papier mâché
Photo: Jean Oscar Augustin

Rencontrez les personnages colorés du carnaval de Jacmel

Copy LinkEmailFacebookShare

Êtes-vous prêt pour un carnaval comme nul autre ? Un carnaval où des créatures mythiques, une riche histoire et des costumes vibrants se rencontrent dans un spectacle festif ? Alors faites vos valises et dirigez-vous vers Jacmel, sur la côte sud d’Haïti, où le célèbre carnaval de la ville vous attend.

Pour de nombreux Haïtiens, la phrase « Lage m pou m al nan kanaval » (Je suis prêt à aller au carnaval) résonne comme une mélodie familière, car elle est tirée d’une célèbre chanson de carnaval en méringue. Mais le carnaval de Jacmel n’est pas un Mardi Gras ordinaire. C’est une célébration de la culture et de la société haïtiennes, exprimée à travers un défilé de tenues colorées et de masques en papier mâché fascinants.

Peinture corporelle au carnaval de Jacmel
Photo: Jean Oscar Augustin

La ville de Jacmel, connue comme la capitale culturelle d’Haïti, possède une riche tradition artistique, notamment dans le domaine du papier mâché. Le carnaval en est un témoignage, mettant en avant des figures mythiques de l’imaginaire collectif haïtien, comme le Chaloska, le Lanset Kod et le Yawe. Cependant, le casting de personnages et les costumes de carnaval évoluent constamment, intégrant des figures inspirées du panthéon vaudou, d’événements actuels et de personnalités notables, ce qui fait de chaque édition une critique unique et vivante de l’histoire d’Haïti.

Rejoignez-nous pour plonger dans le monde fascinant du carnaval de Jacmel, où les personnages et les traditions qui définissent la riche histoire d’Haïti sont célébrés de la manière la plus originale et joyeuse qui soit.

Êtes-vous prêt? Allons-y !

Costume de carnaval Chaloska
Photo: Jean Oscar Augustin

Le seul et l’unique Chaloska

Le défilé du carnaval de Jacmel présente certains des personnages les plus intrigants, dont des groupes de jeunes hommes vêtus de frac et de haut-de-forme. Ces personnages représentent le général Charles Oscar Etienne, qui était infâme pour sa cruauté à Port-au-Prince et à Jacmel. Le général a acquis une notoriété pour ses actes de violence contre les prisonniers politiques qui s’opposaient au gouvernement du président Vilbrun Guillaume Sam.

Après l’assassinat du président et de son général dévoué par une foule en colère en 1915, le carnaval de Jacmel a créé le personnage de Chaloska pour se moquer des traits frappants de l’ancien général, tels que sa taille et ses dents proéminentes. Le costume, complété par des épaulettes, une casquette et un ensemble de dents exagérées, sert de satire colorée de l’infâme général.

Figures de carnaval en papier mâché
Photo: Jean Oscar Augustin

Flore et faune du carnaval

Imaginez que vous êtes assis à l’une des nombreuses échoppes du carnaval haïtien, et soudain, vous apercevez une énorme tête de crocodile dépassant de la foule dans le défilé. Un peu plus loin, une fleur d’hibiscus fait son apparition, vous voyez un coq de votre taille et des dragons, plein de dragons.

Le défilé du carnaval peut vous transporter dans des univers surréalistes lorsque vous vous y attendez le moins. Avec de grands masques et des costumes représentant des arbres, des fruits tropicaux, des fleurs colorées et des animaux, le carnaval de Jacmel célèbre la flore et la faune tropicales d’Haïti. C’est aussi un moyen de préserver une tradition chère à cette ville côtière, la technique du papier mâché – lisez-en plus ici !

Lanset Kod au carnaval de Jacmel
Photo: Jean Oscar Augustin

Les Lansèt Kòd et leurs farces

Chaque dimanche précédant le défilé du carnaval, vous pourriez croiser des groupes d’hommes et de femmes complètement couverts d’un mélange brillant et collant, noir comme du charbon, composé de sirop de canne à sucre et de charbon. Ce sont les Lansèt Kòd (lanceurs de cordes en français).

Parfois, ils paradent avec des fouets à la main et portent des accessoires surprenants tels que des perruques multicolores, des mini-jupes et des strings, ou des porte-voix fixés à leurs têtes et à leurs bras. Pour le novice du carnaval, ils peuvent sembler étranges, effrayants, voire grotesques. Ne vous inquiétez pas, c’est le but. L’origine de cette tradition remonte à l’époque coloniale, comme beaucoup d’autres pratiques de la culture haïtienne.

Ces lanceurs de cordes sont connus pour leurs plaisanteries et leurs espiègleries. Si vous avez l’idée originale de porter du blanc pour le défilé, vous risquez de vous retrouver avec une empreinte de main noire dans le dos !

Suivez les pas d’un groupe de lansèt kòd alors qu’ils courent à travers Jacmel !

Le Yawe au carnaval de Jacmel
Photo: Franck Fontain

Yawe: Une tradition unique du carnaval !

Le carnaval de Jacmel est spécial par sa capacité à vous transporter d’un monde à un autre en un clin d’œil. Les personnages du défilé peuvent soudainement laisser place à une atmosphère inquiétante remplie de crânes et de squelettes. Ce sont les Zombies (zonbi en créole), l’un des mystères du folklore haïtien et du Vodou qui a captivé l’imagination des gens du monde entier et alimenté des fantasmes incroyables et improbables.

Le concept de zombies est profondément enraciné dans la culture haïtienne et précède son appropriation par Hollywood et le reste du monde. Bien avant de devenir un thème grand public dans les films d’horreur et les jeux vidéo, les zombies en Haïti symbolisaient les morts revenus d’entre les morts et éternellement asservis.

Alors, qu’attendez-vous ? Visitez Jacmel pendant le kanaval pour vous rapprocher de ces personnages !

Fèy Bannann
Photo: Jean Oscar Augustin

Fèy Bannann

Le Fèy Bannan est un groupe masqué qui capture l’essence à la fois étrange et intrigante : habillés de la tête aux pieds avec des feuilles de bananier sèches, ne laissant qu’un petit trou pour les yeux. Certains disent que leur costume rend hommage au personnage folklorique allemand Knecht Ruprecht, qui punissait les enfants désobéissants. Peut-être que cette tradition a été apportée à Jacmel par la jeune bourgeoisie allemande, avec les cheveux du personnage transformés en feuilles de bananier sèches.

Cependant, le Fèy Bannan pourrait avoir un message plus profond au cœur de son existence. Une autre histoire suggère que ce costume de carnaval a été créé par un agriculteur sage, en tant que critique satirique de la bourgeoisie jacmelienne à une époque où leurs bananes étaient exportées, enrichissant uniquement les riches. Le masque sert de message aux exploiteurs, un rappel qu’ils ont tout pris, et que la seule chose qui reste est les feuilles de bananier qu’ils utilisent pour se couvrir.

Personnage de carnaval Ti Brino
Photo: Jean Oscar Augustin

Ti Brino: L’Âne Masqué

Même les animaux participent aux festivités du carnaval de Jacmel ! Alors ne soyez pas surpris si vous voyez un âne habillé de baskets Converse et d’un chapeau en paille. Et la folie ne s’arrête pas là.

Le personnage connu dans la ville sous le nom de Ti Brino est suivi par une foule de jeunes garçons entièrement peints de couleurs néon vives – rappelant quelque chose tout droit sorti d’Alice au pays des merveilles. L’histoire raconte que le nom curieux de ce costume de carnaval appartient à la première personne qui a eu l’idée originale de faire défiler un âne lors du carnaval.

Costumes de carnaval de zombies
Photo: Jean Oscar Augustin

Entrez dans l’univers des zombies

Le carnaval de Jacmel est spécial par sa capacité à vous transporter d’un monde à un autre en un clin d’œil. Les personnages du défilé peuvent soudainement donner place à une ambiance lugubre remplie de crânes et de squelettes. Ce sont les zombies (zonbi en créole haïtien), l’un des mystères du folklore haïtien et du Vodou qui a captivé l’imagination des gens à travers le monde et alimenté des fantasmes incroyables et improbables.

Le concept de zombies est profondément enraciné dans la culture haïtienne et précède son appropriation par Hollywood et le reste du monde. Bien avant de devenir un thème grand public dans les films d’horreur et les jeux vidéo, les zombies en Haïti symbolisaient les morts revenus d’entre les morts et éternellement asservis.

Lisez-en plus sur les mythiques zombies haïtiens ici !

Papa Juif
Photo: Jean Oscar Augustin

L’Énigmatique Juif Errant

Préparez-vous à être émerveillé alors que le Carnaval de Jacmel dévoile l’une de ses figures les plus intrigantes : le Juif Errant. Surnommé « Papa Juif », cet homme âgé, avec sa longue barbe blanche et son habillement rappelant les patriarches bibliques tels qu’Abraham et Moïse, défile majestueusement dans le cortège avec un bâton à la main.

Le personnage du Juif Errant est un mystère en soi. Comment a-t-il trouvé son chemin vers le Carnaval de Jacmel ? Sa légende le dépeint comme une figure mondaine, appartenant partout et nulle part à la fois. Ce personnage sert de rappel de l’héritage chrétien des carnavals, comme en témoigne la présence d’autres personnages, tels que des anges et des démons issus de la tradition chrétienne.

Costume de carnaval des autochtones des Caraïbes
Photo: Jean Oscar Augustin

La Figure Historique de l’Endyen

Ils portent des jupes courtes, des couronnes de plumes et du roucou sur le visage. Le personnage endyen évoque une partie de l’histoire d’Haïti, à savoir l’époque où l’île était habitée par les Tainos, les Arawaks et d’autres tribus indigènes des Caraïbes. Bien que ces peuples soient aujourd’hui disparus, de nombreux éléments de leur culture pacifique subsistent, comme leurs œuvres d’art et leur cuisine. Le carnaval haïtien rend hommage à ces peuples chaque année à travers le personnage endyen.

Parmi les natifs représentés, vous pouvez observer la belle reine Anacaona, reconnue pour sa beauté et son grand talent de poétesse, ou le roi Caonabo, célèbre pour son courage face à l’invasion espagnole de l’île. Ce couple est souvent présenté en première ligne de la section indienne du défilé.

Un groupe de Zel Mathurin au carnaval de Jacmel
Photo: Franck Fontain

Le redoutable Zel Mathurin

Dernier personnage de notre liste, nous avons de redoutables petits diables en costumes de satin aux couleurs vives, arborant des ailes en bois et des masques en papier mâché menaçants.

Ce sont les Zel Mathurins. Ils défilent en formation et créent une atmosphère étrange en frappant leurs ailes pour produire un son inquiétant, incarnant Lucifer et ses démons. Ces figures s’inspirent de la tradition biblique de l’enfer et suivent généralement les anges dans le défilé du carnaval.

Alors, qu’attendez-vous ? Visitez Jacmel pendant le kanaval pour vous rapprocher de ces personnages !


Rédigé par Costaguinov Baptiste.

Publié en février 2023.


Lansèt Kòd – la tradition haïtienne dont vous n’avez probablement jamais entendu parler

Le rituel final des Lansèt Kòd
Photo: Jean Oscar Augustin

Lansèt Kòd – la tradition haïtienne dont vous n’avez probablement jamais entendu parler

Copy LinkEmailFacebookShare

Embarquez pour un voyage de découverte culturelle avec le Carnaval haïtien – où musique, danse et expression artistique prennent vie. Au milieu des parades animées et des costumes colorés, une tradition se distingue par son originalité et son charme captivant : le Lansèt Kòd.

Ce spectacle vieux de plusieurs siècles, où des participants intrépides se couvrent de peinture noire et courent dans les rues, est une scène que vous n’oublierez pas de sitôt. Mais attention, le Lansèt Kòd peut paraître étrange, voire intimidant pour le spectateur non averti. Pourtant, pour ceux qui osent l’expérimenter, c’est une véritable immersion dans la culture haïtienne.

Pour plonger plus profondément dans la tradition haïtienne du Lansèt Kòd, nous avons voyagé jusqu’à Jacmel, le centre du patrimoine culturel dans le département du sud-est d’Haïti, pour assister à la préparation des déguisements, à l’énergie palpitante et au spectacle de la procession qui culmine à

Un garçon se faisant peindre le visage pour le Lansèt Kòd
Photo: Jean Oscar Augustin

Adopter l’excentricité : dans les coulisses

Un dimanche matin pendant la saison du carnaval à Jacmel, la paisible ville côtière s’éveille peu à peu avec le lever du soleil. L’air, salé par la proximité de l’océan, se mêle à un ciel d’un bleu éclatant. Dans un lakou de quartier, un groupe de jeunes hommes se rassemble, prêts à se déguiser pour leur sortie hebdomadaire. Ils bougent au rythme de la musique méringue qui résonne depuis un téléphone portable, tout en ajustant leurs costumes faits de pantalons découpés et de shorts en lambeaux.

Costume de carnaval du Lansèt Kòd en cours de création
Photo: Jean Oscar Augustin

Des cornes en papier mâché, fraîchement peintes, sèchent au soleil tandis que des motos passent en vrombissant, ajoutant au bruit de la rue. Pour parfaire leur apparence, certains participants tiennent de longs fouets, prêts à claquer alors qu’ils défilent dans la ville. L’excentricité est encouragée et pleinement assumée dans ces groupes, certains arborant des minijupes et des perruques aux teintes variées de brun, blond et multicolore.

Charbon de bois mélangé avec du sirop de canne à sucre
Photo: Jean Oscar Augustin

Dans un coin de la cour, le chef prépare l’élément central de leur déguisement – un mélange de poudre de charbon et de sirop de canne. Le résultat est une substance noire, épaisse et luisante. L’air est imprégné d’un doux parfum sucré alors que les jeunes hommes s’enduisent de ce mélange de la tête aux pieds, ne laissant visibles que leurs chemises en lambeaux, perruques, cornes et fouets comme seuls autres éléments de leur tenue.

Application de la peinture noire
Photo: Jean Oscar Augustin

Les amis s’entraident pour appliquer la peinture noire, laissant leur peau collante et huileuse. Enfin, avec leurs déguisements achevés, les Lansèt Kòd sont prêts à envahir les rues de Jacmel.

Un père Lansèt Kòd et son fils
Photo: Jean Oscar Augustin

L’origine du Lansèt Kòd : Un regard sur son histoire

La tradition haïtienne du Lansèt Kòd (qui signifie rope throwers en anglais ou lanceurs de cordes en français) plonge ses racines dans l’histoire de la colonie française de Saint-Domingue (l’actuelle Haïti). Pendant la période coloniale, des carnavals inspirés des styles européens étaient organisés à Saint-Domingue, mettant en scène des costumes somptueux et des festivités grandioses.

Les personnes réduites en esclavage, interdites de participer à ces carnavals, organisaient leurs propres mini-carnavals dans leurs arrière-cours. Elles s’habillaient de vêtements en lambeaux et portaient des fouets, la peau enduite d’un mélange de graisse et de cendres. Elles imitaient et se moquaient ainsi du comportement de leurs maîtres.

Cette tradition a été initialement créée pour tourner en dérision les maîtres esclavagistes, qui assistaient aux carnavals vêtus de leurs habits d’apparat. Cependant, après l’indépendance d’Haïti, les nouveaux libres adoptèrent la tradition du carnaval européen et y insufflèrent leur propre musique et culture.

Aujourd’hui, la tradition du Lansèt Kòd est une célébration de la culture et de l’indépendance haïtiennes. Dans l’imaginaire collectif haïtien, les Lansèt Kòd sont également devenus un symbole de bonne conduite pour les enfants, une sorte de croque-mitaine utilisé pour inciter les plus jeunes à bien se comporter.

Les Lansèt Kòd dans les rues de Jacmel
Photo: Jean Oscar Augustin

La Marque de la Main Noire

Alors que le groupe de Lansèt Kòd quitte le lakou pour s’aventurer dans les rues, ils apportent avec eux un sentiment de dezod (signifiant chaos et désordre en créole haïtien). Leurs corps peints en noir contrastent fortement avec les maisons aux couleurs vives de Jacmel. Avec des pas martelés de manière synchronisée et des chants, ils attirent l’attention de tous autour d’eux. Au centre du groupe, un membre brandit un mât avec leur bannière flottant fièrement.

Et soudain, ils se mettent tous à courir.

Le groupe de Lansèt Kòd courant à travers Jacmel
Photo: Jean Oscar Augustin

D’une manière apparemment chorégraphiée, ils se dispersent en petits groupes, courant dans les ruelles étroites de la ville tout en essayant, de façon ludique, de toucher les autres avec leurs mains peintes en noir. La chasse est lancée.

Alors que les Lansèt Kòd se mettent à poursuivre des passants sans méfiance, ils laissent leur marque sous forme d’une empreinte de main noire. Cela peut sembler étrange ou même effrayant, mais tout cela est bon enfant et fait partie de la tradition. En fait, la majorité des personnes qui reçoivent cette « bénédiction » de peinture noire sont des amis de l’entourage des Lansèt Kòd.

La chasse des Lansèt Kòd
Photo: Jean Oscar Augustin

Cependant, il y a une chose à garder en tête : les Lansèt Kòd ont une affection particulière pour les vêtements blancs. Si vous portez votre plus belle robe ou votre chemise blanche préférée, préparez-vous à finir avec une empreinte de main noire dans le dos.

La marque noire
Photo: Jean Oscar Augustin

Les marques noires laissées par les Lansèt Kòd ont une signification plus profonde, évoquant le proverbe haïtien « Pito nou lèd, nou la », qui signifie « Nous sommes peut-être laids, mais nous sommes là ». Cette déclaration puissante est liée au système brutal de l’esclavage et symbolise l’idée que la liberté et la survie, même si cela implique d’être « laid », sont préférables à la soumission sous la domination française.

Un passager de moto marqué
Photo: Jean Oscar Augustin

Une tradition caribéenne partagée

La tradition culturelle haïtienne du Lansèt Kòd se retrouve sous différentes formes à travers les Caraïbes. Lors du carnaval de Trinidad, les participants du Jouvert (signifiant « lever du jour » en français) se couvrent le corps de diverses substances, y compris de l’huile et de la peinture corporelle, pour faire la fête dans les rues. Jouvert célèbre un esprit rebelle, contrastant avec l’attrait des paillettes, des couleurs et des plumes qui dominent le carnaval traditionnel.

À la Grenade, des groupes appelés Jab-Jab participent au carnaval annuel. Le nom vient du mot français « diable », et le Jab-Jab est essentiellement une immense fête de rue où les participants se couvrent d’huile, de boue ou de graisse et portent des cornes de bétail pour incarner le Jab-Molassie ou « diable mélasse ».

Ces traditions trouvent leurs racines dans les festivités d’avant-Carême des anciennes colonies françaises, où la classe aisée se parait de costumes élaborés et dansait au son de la musique orchestrale. Pendant ce temps, les anciens esclaves, disposant de ressources limitées, se couvraient de cendres de canne brûlée, de graisse et d’autres matériaux, en un clin d’œil satirique aux jours de l’esclavage. La musique de l’époque était créée en frappant des boîtes de biscuits, des barils d’huile et en soufflant dans des conques. Aujourd’hui, ces traditions ont été préservées et continuent de donner à la région des Caraïbes son caractère vibrant et distinctif.

Les Lansèt Kòd passant devant l’Alliance Française
Photo: Jean Oscar Augustin

Le rituel final

Le groupe Lansèt Kòd maintient une énergie intense en traversant les rues de Jacmel en ce dimanche ensoleillé de janvier. Ils courent à travers les routes sinueuses, y compris la Rue Seymour Pradel et la pittoresque Rue du Commerce, bordées de maisons historiques en pain d’épices. Le groupe arrête la circulation aux intersections, provoquant des klaxons de voitures et incitant les passants soit à fuir, soit à se rapprocher pour une vue de plus près.

Une course finale
Photo: Franck Fontain

Au fil de la journée et au fur et à mesure que les rues escarpées de la ville sont arpentées, la fatigue semble peu probable. Le groupe est revigoré par leur excitation commune et une dose de clairin, la liqueur haïtienne traditionnelle.

Alors que le soleil descend sous l’horizon dans la baie de Jacmel, les groupes qui s’étaient dispersés se rejoignent sur la promenade de Lakou New York, au bord de l’océan. Rires et conversations emplissent l’air tandis que les membres échangent des histoires de leur journée. L’ambiance est empreinte de joie et de camaraderie.

Les membres du groupe courent dans l’océan
Photo: Jean Oscar Augustin

Enfin, au signal du chef, un membre agite le drapeau du groupe, symbole de leur lien et de leur fierté. Le reste du groupe se dirige alors vers l’océan pour le dernier rituel de la journée. Les vagues s’écrasent contre leurs corps, emportant les derniers vestiges de la peinture noire et toute trace des festivités du jour. Une purification rituelle avant la performance du dimanche suivant.

Le rituel final des Lansèt Kòd
Photo: Jean Oscar Augustin

Plongez dans l’action

Envie de vous joindre aux festivités et de découvrir la tradition unique du Lansèt Kòd en Haïti ? Vous pouvez le faire en visitant Jacmel, Jérémie, Cap-Haïtien, Les Cayes ou d’autres grandes villes d’Haïti pendant la saison du carnaval. Jacmel est considérée comme la meilleure destination pour son histoire riche et ses activités animées de pré-carnaval. Les groupes de Lansèt Kòd y commencent leurs performances hebdomadaires dès le premier dimanche de janvier, et continuent chaque dimanche jusqu’aux Trois Jours Gras, où a lieu le grand défilé du carnaval.

Pendant les Trois Jours Gras, les lanceurs de corde jouent un rôle unique dans le défilé principal du carnaval. Non seulement ils représentent les personnes asservies de la colonie de Saint-Domingue, mais ils contribuent également à maintenir l’ordre durant la parade. En contraste frappant avec leur image habituelle de fauteurs de chaos, ils poursuivent joyeusement quiconque tente de perturber le défilé.

Alors, si vous envisagez de perturber le défilé, préparez-vous à être poursuivi par les lanceurs de corde. Et qui sait, vous finirez peut-être bien noirci.

Pour une expérience encore plus unique, envisagez de rejoindre un Lansèt Kòd pour leur performance du dimanche. Ils accueillent volontiers de nouveaux participants et vous intégreront avec plaisir dans cette tradition excentrique et symbolique. Pour en savoir plus, parlez-en à vos amis locaux, à votre hôte, à votre guide ou à votre opérateur touristique.


Rédiger par Costaguinov Baptiste.

Publié en janvier 2023.


Journal photo: Fèt Gede – Une célébration de la vie lors du Jour des Morts

Foule rassemblée dans un cimetière haïtien avec une grande croix pour le rituel de Fèt Gede
Foule rassemblée pour la Fèt Gede aux Gonaïves
Photo: Jean Oscar Augustin

Fèt Gede : Une célébration de la Vie le Jour des Morts

Copy LinkEmailFacebookShare

Tous les ans, se déroulent en Haïti, tout au long du mois de Novembre, des festivités qui, pour un outsider, peuvent sembler, eh bien, assez étranges ! En particulier, la Fête Gédé (Jour des Morts) et la Toussaint, qui impliquent des processions troublantes vers le cimetière de chaque ville à travers le pays.

La foule qui se rassemble est un groupe varié, composé de personnes simplement curieuses ainsi que de personnes de toutes les différentes confessions, y compris le vodou haïtien. Ils se réunissent pour marcher vers le cimetière principal de chaque ville, tout en suivant le spectacle unique que propose la procession. Et quel est ce spectacle, exactement ? Des pratiquants du vodou pris en possession par les Gede, les esprits pour lesquels ces célébrations éblouissantes en Haïti sont organisées.

Vodouisant tenant une machette et des mouchoirs colorés
Un vodouisant célébrant la Fête Gédé, cimetière des Gonaïves
Photo: Jean Oscar Augustin

Dans la spiritualité vodou, les Gede sont les esprits des morts. Ils sont responsables d’accompagner les défunts sur le chemin vers l’autre monde, mais aussi de veiller sur les vivants. Ils constituent ainsi le pont entre le monde des vivants et celui des morts. Deux grandes divinités Gede du panthéon vodou haïtien sont Baron Samedi et Grann Brigitte.

pierre tombale dans un cimetière haïtien pendant le rituel de la Fête Gédé
Rituels de la Fête Gédé au cimetière des Gonaïves
Photo: Jean Oscar Augustin

Ceux qui sont possédés par les esprits gédé donnent le ton à la fête, qui est véritablement carnavalesque. Vous pourriez entendre des mots crus, voir des danses osées et assister à d’autres performances extravagantes. Tout cela offre un grand divertissement pour la foule plus docile qui suit le mouvement.

vodouisant haïtien vêtus de blanc remplissant une bouteille transparente avec un liquide
Un temple vaudou à l’intérieur du cimetière des Gonaïves
Photo: Jean Oscar Augustin

Enjayée par de l’alcool, ainsi que par des infusions à base de piments forts qu’ils aspergent sur leur corps, la procession se dirige vers le cimetière principal. Saisis par les esprits des morts, les possédés jurent et réalisent une performance tout à fait remarquable.

pierre tombale dans un cimetière haïtien avec deux bouteilles de soda et des fleurs
Offrandes sur une pierre tombale pendant la Fèt Gede, Gonaïves
Photo: Jean Oscar Augustin

Le spectacle de la procession attire une foule considérable, et les possédés se distinguent facilement grâce aux couleurs rituelles de Baron Samedi qu’ils portent (blanc, noir et violet). Certains se couvrent même entièrement de poudre blanche ou dessinent des scènes lugubres sur leur corps. D’autres choisissent de revêtir l’habit préféré de Baron Samedi, qui comprend un chapeau noir, un monocle et une canne. Ensemble, cela crée un véritable Carnaval des Morts qui a lieu chaque année dans les cimetières haïtiens.

vodouisant haïtien vêtus de blanc remplissant une bouteille transparente avec un liquide
Préparation pendant la Fèt Gede aux Gonaïves
Photo: Jean Oscar Augustin

Ce Festival des Morts, qui comprend des rituels et des danses tout au long du mois de novembre, témoigne du lien intime qui existe entre le monde des vivants et le monde des morts dans la spiritualité vodou. Pour les pratiquants du vodou, la Fête Gédé est en réalité plus une célébration de la vie. Les esprits gede qui reviennent par l’intermédiaire de leurs hôtes lors de la possession peuvent attester de cette façon de penser. Ils sont animés par la joie et sont des esprits qui aiment rire, danser et s’amuser.

pratiquant du vodou haïtien dansant lors du rituel de Fête Gédé, avec une foule qui observe
Pratiquants du vodou pendant la Fête Gédé aux Gonaïves
Photo: Jean Oscar Augustin

Toutes ces performances extravagantes ont un seul objectif : divertir. Le festival n’est pas un moment de larmes ou de regrets, mais plutôt un temps pour honorer la mémoire des défunts. Cela implique notamment de préparer le festival en nettoyant les cimetières et en rénovant les tombes.

Ceux qui ont navigué vers « le pays sans chapeau » — une expression haïtienne qui signifie « l’au-delà », car personne n’est enterré avec son chapeau — demeurent présents dans la vie quotidienne et sont néanmoins célébrés comme il se doit lors de ce festival qui leur est dédié. Dans la spiritualité vodou, ceux qui ont pris le large pour le monde des morts jouent un rôle important dans la vie de tous les jours. Les esprits de ceux qui ont disparu, portant le nom de Gede, sont respectés comme des gardiens, des conseillers ou des esprits vengeurs par ceux qui restent.

La Fête Gede en Haïti est quelque peu similaire au Jour des Morts tel qu’il est pratiqué dans d’autres régions du monde (par exemple, le Dia de los Muertos). La différence réside toutefois dans la place que les morts occupent dans la croyance vodou et dans le syncrétisme qui sous-tend les différentes croyances des Haïtiens.

cimetière haïtien avec sculpture et ciel bleu parsemé de nuages
Monument pour l’esprit Gede Brav, cimetière des Gonaïves
Photo: Jean Oscar Augustin

En tant qu’héritage des traditions africaines ancestrales, le Vodou réserve une place importante à ceux qui ont quitté ce monde pour le suivant. Dans la procession des Gede, différentes personnes incarnent différentes divinités, notamment Baron Samedi, Baron Lacroix, Baron Criminel, Grann Brigitte et tous les autres esprits Gede. Bien plus que de simples gardiens de la mort et des cimetières, les Gede sont aussi des gardiens de la vie.

Ainsi, la célébration de la Fête Gédé n’est pas seulement une commémoration des morts, mais une célébration où les défunts peuvent participer par le biais de la possession sous la forme des esprits Gédé.

haïtiens rassemblés au cimetière pour le rituel vaudou de la Fête Gédé
Une prêtresse vaudou dirigeant une cérémonie pour l’esprit Brav Gédé, au cimetière des Gonaïves
Photo: Jean Oscar Augustin

Au cimetière principal de Port-au-Prince, où se tient chaque année la plus grande itération de ce festival, les catholiques viennent prier pour les âmes de leurs défunts à la petite chapelle de Notre-Dame des Douleurs, les protestants se rassemblent sur les tombes de leurs proches disparus, et les pratiquants du vaudou viennent pour la plus grande célébration de la Fête Gédé dans tout Haïti.

pratiquants vaudous haïtiens allumant une bougie pendant la Fèt Gédé
Un rituel vaudou lors d’une cérémonie durant la Fèt Gédé aux Gonaïves
Photo: Jean Oscar Augustin

Le festival se situe à la croisée des syncrétismes religieux en Haïti, avec des catholiques et des protestants rejoignant la procession vers les cimetières, chacun adorant à sa manière mais partageant tous les mêmes pensées pour les défunts, pensées teintées des croyances sur lesquelles reposent ces célébrations extraordinaires.

pratiquante vaudou haïtienne au cimetière portant une robe noire et violette
Une cérémonie vaudou pour l’esprit Brav Gede lors de la Fèt Gede, Gonaïves
Photo: Jean Oscar Augustin

Même si la Fête Gédé se déroule autour de la Toussaint et du Jour des Morts, c’est une célébration très différente de celles que l’on peut voir ailleurs. C’est un véritable moment de communion entre les morts et les vivants, ces derniers apportant du café, du maïs grillé, du manioc, du clairin (rhum) ou le plat préféré de l’être cher disparu.

homme haïtien tenant une partie de crâne humain pour la Fête gede
Fête Gédé aux Gonaïves
Photo: Jean Oscar Augustin

On pourrait même être tenté de dire que la Fête Gede est bien plus qu’un simple ensemble de pratiques fondées sur certaines croyances au sujet de la mort : elle constitue plutôt une véritable philosophie de la vie, une vie qui doit être vécue comme un carnaval. Si nous profitons de chaque instant, ce ne sont pas les Gede qui nous contrediront !


Rédigé par Costaguinov Baptiste.

Publié en octobre 2022.


Fèt Gede – la Journée Haïtienne des Morts

homme haïtien vêtu d'une chemise violette avec des os humains célébrant le Fèt Gede
Fèt Gede à Port-au-Prince
Photo : Franck Fontain

Fèt Gede – la Journée haïtienne des Morts

Copy LinkEmailFacebookShare

Chaque année, les 1er et 2 novembre, Haïti devient la scène d’une célébration unique : Fèt Gede, le « Festival des Morts ». Tout comme le Jour des Morts pratiqué au Mexique et par les communautés latino-américaines aux États-Unis, Fèt Gede est une façon de rendre hommage aux êtres chers disparus.

En Haïti, chaque religion célèbre cela différemment : les catholiques se réunissent à l’église pour une messe dédiée aux défunts, et les protestants se rassemblent également — mais les adeptes de l’une des religions d’État du pays — le vodou — célèbrent leurs défunts d’une manière beaucoup plus festive. Bien qu’il chevauche le concept et l’espace calendaire de la fête chrétienne des âmes, la Fête Gede tire ses origines des traditions ancestrales africaines, préservées à travers les océans et les siècles dans l’Haïti moderne.

Les spectacles de Gede sont bruyants et extravagants. Ils peuvent être vus presque partout en Haïti, avec des vodouisants habillés de manière élaborée pour représenter le sous-ensemble de lwa ou loa — « esprits » — appelés gede — « les morts ». Les gede peuvent être invisibles pendant le reste de l’année, mais pendant la Fête Gede, les morts ne passent définitivement pas inaperçus !

Découvrez plus de photos d’une célébration de Fèt Gede aux Gonaïves ici !

Vodou, lwa et gede

Le vodou est un élément prédominant de la culture haïtienne, et en tant que religion, il compte de nombreux pratiquants — appelés vodouwizan — répartis à travers le pays. Le syncrétisme religieux entre le vodou et le christianisme a historiquement rendu difficile l’estimation officielle du nombre de pratiquants, puisque la plupart des personnes qui pratiquent le vodou haïtien s’identifient également comme chrétiens. Cependant, des estimations non officielles suggèrent qu’environ 50 % des Haïtiens pratiquent le vodou. Pour ces vodouwizan, la Fèt Gede est une occasion importante d’honorer les morts.

Mais que sont exactement les gede ?

Chaque vodouwizan a son propre gede. Il s’agit soit d’un ami proche, soit d’un parent – le gede est la réincarnation d’un être cher qui est venu de l’au-delà pour vivre dans le corps du vodouwizan qui l’a appelé. Mais tous les ancêtres ne sont pas vénérés en tant que gede. Pour que les morts deviennent un gede, le vodouwizan doit, à travers une cérémonie de Vodou, entrer en contact avec le défunt et le transformer en gede, qu’il peut ensuite invoquer à sa guise.

Dans le vodou, en devenant un gede, les défunts sont transformés d’une simple âme humaine en un lwa, et ce lwa a généralement un nom qui commence par gede, par exemple, gede loray, où loray signifie « tonnerre ». Parfois, un parent qui a servi un gede meurt, et un autre vodouwizan décide de prendre le service de ce même gede.

Fête dans le cimetière

Lors des célébrations Gédé, les rues de chaque ville sont pleines de vodouwizan. Les 1er et 2 novembre, ils se rassemblent autour des cimetières pour faire des dévotions, effectuer des rituels précis et honorer les défunts.

Chaque cimetière de l’île est envahi par des vodouwizan, certains possédés par les gédé, d’autres non. Ceux qui sont possédés sont facilement reconnaissables par leur tenue : habillés de blanc, de noir et de violet, leurs visages recouverts de poudre blanche et de lunettes de soleil noires, une canne à la main et la bouteille indispensable remplie d’alcool et de piments forts (en particulier le kleren et un type d’habanero appelé piment chèvre). Les gédé adorent les piments forts, et de temps en temps, au milieu de la rue, ils versent l’alcool infusé au piment sur leurs corps, et particulièrement sur leurs organes génitaux, se tortillant et imitant des postures et des scènes érotiques, au grand plaisir des spectateurs.

Possédés par les lwa gédé, ces hommes et femmes parcourent plusieurs km à pied en dansant, leurs hanches guidant chacun de leurs mouvements. Suivant une instruction tacite, ils partagent tous une seule destination finale : le cimetière. Une fois au cimetière, le spectacle bruyant se poursuit avec des chants forts, des danses érotiques et des corps trempés de substances épicées. D’autres vodouwizan venus rendre visite à leurs proches décédés prennent le temps de verser du café et du maïs grillé sur leurs tombes, et de parler avec le parent ou l’ami proche.

Mais d’abord, les participants au défilé doivent obtenir la permission d’entrer dans le cimetière auprès de la tombe cérémonielle du « premier homme », Bawon Samdi, et de la première femme, Manman Brijit. Les gédé forment une très grande famille ; Bawon Samdi représente le père, Grann Brijit la mère, et ils sont suivis par Bawon Kriminèl, Gede Nibo, Gede Loray, Brav Gede et Gede Zanrenyen, qui forment ensemble une escorte pour tous les gédé.

Bawon Samdi (/Samedi), également connu sous le nom de Papa Gede, préside les festivités. Les couleurs de Papa Gede sont le noir, le blanc et le violet, et il est souvent représenté en train de fumer des cigares, portant un chapeau haut de forme et des lunettes de soleil – souvent avec un seul verre. Certains disent que cela est dû au fait que Bawon Samdi voit les deux mondes, ce qui lui confère une étrange ressemblance avec le dieu à un œil Odin de la mythologie nordique, qui arpente également le chemin entre les morts et les vivants.

Filles haïtiennes en robes violettes et blanches avec des visages peints qui célèbrent la Fèt Gede
Célébration Fèt Gede
Photo : Kolektif 2 Dimansyon

Comment s’engager

Chaque novembre annonce la célébration sacrée et spectaculaire de la Fèt Gede – un festival bruyant, osé et flamboyant qui incarne de nombreux éléments essentiels de la culture haïtienne, le tout agrémenté de couleurs vives, de plats épicés, de boissons fortes et du rythme des pieds des gens sur le pavé.

Les rituels de la Fèt Gede ont lieu tout au long du mois de novembre, mais sont concentrés les 1er et 2 novembre. Le plus grand et le plus bruyant des défilés a lieu à Port-au-Prince, au Grand Cimetière. Si vous voyagez en voiture, préparez-vous à des foules énormes qui rendent impossible l’accès au cimetière – vous ne trouverez pas de place pour vous garer, mais un chauffeur devrait pouvoir s’approcher suffisamment pour vous laisser descendre. L’entrée se fait par les portes principales, où est inscrit : « Souviens-Toi Que Tu Es Poussière ».


Rédigé par Jean Fils et traduit par Kelly Paulemon.

Publié en octobre 2019