Gonaïves

Rythmes et rituels au festival Vodou de Lakou Soukri

Bain rituel au festival Vodou de Lakou Soukri
Photo : Jean Oscar Augustin

Rythmes et rituels au festival Vodou de Lakou Soukri

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Situé au cœur du département de l’Artibonite en Haïti, Lakou Soukri se transforme chaque année en épicentre d’un festival profondément ancré dans la culture vaudou, célèbre pour sa signification spirituelle et son sens de la communauté.

Malgré ses riches traditions, le vodou fait souvent face à des malentendus et à des stéréotypes qui voilent son authenticité.

Quelles vérités essentielles le festival de Lakou Soukri révèle-t-il sur le vodou ?

Notre visite au Lakou visait à découvrir le cœur du festival, nous entraînant dans une célébration marquée par la danse, les offrandes et l’esprit communautaire. Ce voyage à travers le festival met en lumière un vodou imprégné de tradition, de dévotion et d’un profond lien avec les royaumes naturel et spirituel, transcendant les idées reçues répandues.

Rassemblement au Festival Vodou de Lakou Soukri
Photo : Jean Oscar Augustin

Qu’est-ce qu’un lakou ?

Au cœur des traditions culturelles haïtiennes se trouve le lakou, plus qu’un simple espace, c’est une pierre angulaire de la communauté et de la spiritualité. Bien avant les villes, les quartiers et les municipalités, il y avait des lakou. Cette organisation sociale ressemble à l’essence communautaire des villages africains, servant de terreau pour l’éducation, la dévotion et la préservation des traditions vodou. Au centre de chaque lakou se trouve le poto mitan, un pilier symbolique reliant la communauté à ses ancêtres et au monde spirituel.

Le leadership au sein d’un lakou est assuré par le Houngan (prêtre vodou) ou la Mambo (prêtresse vodou), qui ne sont pas seulement des guides spirituels mais aussi des guérisseurs et des organisateurs communautaires. Leur rôle est essentiel pour maintenir le tissu social et la santé spirituelle de leur communauté, qu’il s’agisse de membres natifs ou de nouveaux initiés.

Un lakou notable, Soukri Danach, se distingue par son importance historique et son festival annuel qui attire une foule diversifiée. Cet événement incarne la vitalité communautaire et spirituelle du lakou, mettant en lumière son rôle dans la société haïtienne.

Les Échos Anciens de Lakou Soukri Danache

Lakou Soukri Danache est un phare parmi les paysages spirituels d’Haïti, salué comme l’un des trois sites spirituels majeurs. Ses racines seraient ancrées avant l’émergence même d’Haïti en tant que nation, s’entrelacent avec les histoires de Lakou Souvenance et Badjo pour former une trinité sacrée, chacun gardien d’un rite vodou unique. Soukri, en particulier, vibre avec le rite congolais, un hommage vivant aux traditions ancestrales des esclaves congolais, en contraste avec l’alignement de Souvenance avec les rites du royaume du Dahomey au Bénin.

La légende de sa création remonte à Zinzin Figaro, vénéré comme le premier à diriger le lakou. L’histoire de Soukri est riche en récits de refuge pour les esclaves marrons du Congo, cherchant réconfort et liberté au cœur de la lutte d’Haïti pour son indépendance.

S’étendant sur deux hectares et demi, Soukri Danache est une tapisserie de logements, de plantations et de familles, prospérant grâce à l’agriculture et à l’élevage tout en étant lié par un profond héritage spirituel. Chaque année, ce lakou rappelle ses enfants, ceux nés sous son ombre et ceux initiés, lors d’un pèlerinage qui réaffirme le lien inébranlable avec leur héritage spirituel et culturel.

Bain rituel au Lakou Soukri
Photo : Jean Oscar Augustin

Rituels sacrés et rassemblements

Embrassés par l’appel du retour, les enfants de Lakou Soukri se rassemblent pour célébrer leur riche héritage lors d’un festival qui s’étend sur plus de deux semaines. Pendant cette période, le lakou est rempli d’activités qui touchent à l’essence du Vodou : de la danse rythmée à la solennité des cérémonies, des offrandes et des bains rituels.

Alors que le crépuscule s’installe le 14 août, les terres sacrées du temple, connues sous le nom de Soba, s’animent d’anticipation. Cette nuit est réservée à Met Kafou, le loa Vodou (c’est-à-dire l’esprit Vodou) considéré comme le gardien des carrefours, symbole de choix, de chemins et des intersections entre la vie et le royaume spirituel. Les assemblés, qu’ils soient initiés ou intrigués, sont conduits par des figures d’autorité spirituelle à travers les portes du temple, participant à des prières visant à demander des bénédictions aux loas, renforçant ainsi les liens d’unité et d’existence partagée.

Le crescendo arrive le lendemain, le 15 août, avec une grande cérémonie Vodou. Vêtus de blanc, symbole de pureté et d’ouverture, les participants se rassemblent dans des sanctuaires désignés au sein du lakou. Les cérémonies de la journée commencent par des prières, des percussions et des sacrifices rituels — des coqs près de la porte, des chèvres à l’intérieur du Soba, et un taureau près d’un ancien arbre connu sous le nom de Palan Ganga, chaque acte renforçant l’ambiance spirituelle.

Si l’idée des offrandes animales vous semble perturbante, sachez que pour les croyants, il s’agit d’un rituel ancré dans la réciprocité et le maintien de l’équilibre cosmique.

Préparatifs au festival Vodou de Lakou Soukri
Photo : Jean Oscar Augustin

Après ces moments poignants, l’attention se tourne vers le Bassin Inan pour un bain rituel en l’honneur de la loa Manbo Inan. Entourée d’arbres majestueux, cette piscine naturelle est le témoin d’une cérémonie fascinante de tambours, de danse et de chant, culminant lorsque la loa, censée résider dans ces eaux, se manifeste. Les initiés, désormais dans un état de possession, sautent frénétiquement dans le bassin en un affichage de foi et d’extase.

Cette scène extraordinaire offre non seulement un aperçu de la profonde spiritualité du Vodou, mais permet également aux pèlerins de demander des bénédictions en collectant de l’eau de ce site sacré.

Les jours qui suivent sont remplis de danses et de cérémonies à divers lieux de repos des esprits, chaque moment renforçant les liens communautaires et spirituels. Le festival se termine par une salutation universelle aux points cardinaux, un dernier acte d’unité et de respect, encapsulant le profond voyage de retour et de célébration qui caractérise le festival de Lakou Soukri.

Une pause entre les cérémonies au Festival Vodou
Photo : Jean Oscar Augustin

Quand vivre la magie de Soukri

Le festival enchanteur de Soukri se déroule chaque année du 14 août aux premiers jours de septembre. Cette période, qui relie l’été chaud au début de l’automne, crée un cadre idéal pour les danses nocturnes et les somptueux repas caractéristiques des célébrations vaudou, tout en évitant les fortes pluies de la saison.

Comment s’y rendre

Le lakou est situé à quelques kilomètres au nord des Gonaïves. Le chemin le plus simple consiste à prendre un tap-tap ou un taxi-moto depuis la ville, en direction de la localité de Mapou, puis de continuer vers Soukri. En vous approchant, n’oubliez pas le profond respect que ce lakou inspire à ses gardiens ; il est donc essentiel de l’aborder avec une attention et un respect pour sa signification spirituelle.

Vous souhaitez faire une offrande ?

Pour vous immerger dans l’esprit du festival, envisagez d’apporter une offrande. Pour des conseils précis, un initié pourra vous orienter sur ce qui est le plus approprié pour chaque cérémonie. Habituellement, une bouteille de rhum haïtien est un cadeau apprécié. Lorsque vous la présentez au serviteur du Lakou pour la table des Loas, cela symbolise votre participation à une tradition de générosité. En assistant à cela, vous pourriez également ressentir, tout comme les initiés et les pèlerins, la profonde générosité des loas en retour.


Écrit par Costaguinov Baptiste.

Publié en avril 2024.


Journal photo: Gonaïves – La Ville de l’Indépendance

place publique avec de l'herbe et une statue
Place d’Armes, place centrale des Gonaïves
Photo: Jean Oscar Augustin

Gonaïves – La Ville de l’Indépendance

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Un excellent point de départ pour explorer Gonaïves est la Place d’Armes, une grande place publique située au centre de la ville, où l’indépendance d’Haïti a été proclamée le 1er janvier 1804.

Ici, vous trouverez deux monuments emblématiques étroitement liés à la ville : la Cathédrale Du Souvenir et l’Obélisque. Ces structures sont un témoignage de la riche histoire de Gonaïves, y compris de son rôle important dans la lutte d’Haïti pour l’indépendance.

rue animée d'une ville haïtienne avec beaucoup de circulation
Trafic sur l’Avenue des Dattes
Photo: Jean Oscar Augustin

En plus de ses sites historiques, Gonaïves est une ville vibrante et animée. Ses rues, comme l’Avenue des Dattes, fourmillent d’activité et offrent un aperçu de la vie quotidienne et de la culture de la ville.

rue de ville avec un bus et un vendeur de glace
Vie urbaine devant la mairie
Photo: Jean Oscar Augustin

Vous remarquerez une grande variété de quartiers et de paysages urbains en explorant les rues. Des zones chaotiques remplies de taxis-motos, de bus taptap colorés et de vendeurs ambulants négociant à la criée, aux quartiers paisibles et tranquilles, cette ville offre quelque chose pour tout le monde.

monument historique avec la statue de Jean-Jacques Dessalines
Statue de Jean-Jacques Dessalines sur la Place d’Armes
Photo: Jean Oscar Augustin

L’une des choses qui rend Gonaïves si unique est sa riche histoire. Ses places publiques et ses monuments sont un rappel du passé de la ville, et des histoires qui sont inscrites dans chaque brique et pavé.

place publique avec un garçon sur un vélo BMX et un autre garçon avec un ballon de football
Des enfants jouant au football sur la place publique de Raboteau
Photo: Jean Oscar Augustin

Mais Gonaïves n’est pas seulement une ville du passé – c’est aussi une ville de l’avenir. Ses jeunes, jouant et riant dans les parcs et terrains de jeux de la ville, sont un rappel de l’espoir et des promesses qui se dessinent pour l’avenir.

bord d'un lac avec deux maisons en bois vernaculaires et des montagnes en arrière-plan
Les marais salants de Morne Lapierre
Photo: Jean Oscar Augustin

Pour vraiment découvrir la beauté de Gonaïves, il vaut la peine de s’aventurer en dehors de la ville. L’un des points forts est une excursion vers les magnifiques marais salants du Morne Lapierre, à proximité. Là, les eaux salées scintillent sous le soleil, créant un paysage à couper le souffle. La forte salinité de l’eau de mer et l’exposition constante au soleil font de cette région l’un des meilleurs endroits du pays pour la production de sel marin.

rue animée de la ville avec des activités de marché et des motos
La place du marché animée de Gonaïves
Photo: Jean Oscar Augustin

La place du marché est un autre incontournable pour tout visiteur de la ville. C’est un centre vibrant d’activités, où les divers aspects de la vie quotidienne se croisent et se rassemblent. La place elle-même est une mosaïque chaotique et colorée, remplie des sons, des odeurs et des vues de la ville.

Le pavé est bondé de vendeurs ambulants, de taptaps et de taxis-motos, tous en compétition pour attirer l’attention et trouver de l’espace. Et pourtant, malgré l’agitation, il y a ici un sentiment de chaleur et de communauté. Les visages joyeux des gens, discutant et riant ensemble, donnent à la place du marché son âme et son caractère.

bâtiment peint de couleurs vives dans une communauté vaudou
Lakou Soukri à Gonaïves
Photo: Jean Oscar Augustin

Gonaïves est également un centre majeur de pèlerinage vaudou, abritant deux des plus grands lakous du pays : Lakou Soukri et Lakou Souvenance. Chaque année, ces lakous attirent des milliers de pèlerins, de touristes et de visiteurs curieux qui viennent vivre les festivals annuels ainsi que les rituels et traditions uniques du vaudou.

cour intérieure dans un lakou vaudou avec des bâtiments, des arbres et une fille
Maisons dans le Lakou Soukri
Photo: Jean Oscar Augustin

Le concept de lakou est l’une des plus anciennes traditions culturelles d’Haïti. C’est un lieu où les fidèles vivent en communauté, et bien que la vie quotidienne dans le lakou ne soit pas très différente d’ailleurs, il existe certaines règles et coutumes qui doivent être suivies afin de préserver les pratiques ancestrales du vaudou.

sculpture vaudou en métal avec des symboles et des offrandes aux esprits
Un panneau à l’entrée du Lakou Souvenance
Photo: Jean Oscar Augustin

Le Lakou Souvenance est situé à environ onze kilomètres au nord des Gonaïves. Ce vieux lakou, âgé de plus de deux cents ans, revêt une grande importance spirituelle pour la communauté vaudou. Ses murs et portes anciens, usés et patinés par le temps, témoignent des siècles de traditions et de rituels qui ont eu lieu à l’intérieur de ses frontières.

vieux arbres courbés poussant dans une cour, offrant de l'ombre
Arbres majestueux entourant un étang au Lakou Souvenance
Photo: Jean Oscar Augustin

Pour le visiteur, un voyage au Lakou Souvenance offre un aperçu d’un monde de spiritualité et de tradition qui est unique en son genre. C’est un lieu de grande beauté et de mystère, où le passé et le présent se rejoignent d’une manière à la fois unique et puissante.

rue de ville bordée d'arbres tropicaux, avec de la circulation et une station-service
Lever du soleil sur l’Avenue des Dattes
Photo: Jean Oscar Augustin

Journal photo: Fèt Gede – Une célébration de la vie lors du Jour des Morts

Foule rassemblée dans un cimetière haïtien avec une grande croix pour le rituel de Fèt Gede
Foule rassemblée pour la Fèt Gede aux Gonaïves
Photo: Jean Oscar Augustin

Fèt Gede : Une célébration de la Vie le Jour des Morts

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Tous les ans, se déroulent en Haïti, tout au long du mois de Novembre, des festivités qui, pour un outsider, peuvent sembler, eh bien, assez étranges ! En particulier, la Fête Gédé (Jour des Morts) et la Toussaint, qui impliquent des processions troublantes vers le cimetière de chaque ville à travers le pays.

La foule qui se rassemble est un groupe varié, composé de personnes simplement curieuses ainsi que de personnes de toutes les différentes confessions, y compris le vodou haïtien. Ils se réunissent pour marcher vers le cimetière principal de chaque ville, tout en suivant le spectacle unique que propose la procession. Et quel est ce spectacle, exactement ? Des pratiquants du vodou pris en possession par les Gede, les esprits pour lesquels ces célébrations éblouissantes en Haïti sont organisées.

Vodouisant tenant une machette et des mouchoirs colorés
Un vodouisant célébrant la Fête Gédé, cimetière des Gonaïves
Photo: Jean Oscar Augustin

Dans la spiritualité vodou, les Gede sont les esprits des morts. Ils sont responsables d’accompagner les défunts sur le chemin vers l’autre monde, mais aussi de veiller sur les vivants. Ils constituent ainsi le pont entre le monde des vivants et celui des morts. Deux grandes divinités Gede du panthéon vodou haïtien sont Baron Samedi et Grann Brigitte.

pierre tombale dans un cimetière haïtien pendant le rituel de la Fête Gédé
Rituels de la Fête Gédé au cimetière des Gonaïves
Photo: Jean Oscar Augustin

Ceux qui sont possédés par les esprits gédé donnent le ton à la fête, qui est véritablement carnavalesque. Vous pourriez entendre des mots crus, voir des danses osées et assister à d’autres performances extravagantes. Tout cela offre un grand divertissement pour la foule plus docile qui suit le mouvement.

vodouisant haïtien vêtus de blanc remplissant une bouteille transparente avec un liquide
Un temple vaudou à l’intérieur du cimetière des Gonaïves
Photo: Jean Oscar Augustin

Enjayée par de l’alcool, ainsi que par des infusions à base de piments forts qu’ils aspergent sur leur corps, la procession se dirige vers le cimetière principal. Saisis par les esprits des morts, les possédés jurent et réalisent une performance tout à fait remarquable.

pierre tombale dans un cimetière haïtien avec deux bouteilles de soda et des fleurs
Offrandes sur une pierre tombale pendant la Fèt Gede, Gonaïves
Photo: Jean Oscar Augustin

Le spectacle de la procession attire une foule considérable, et les possédés se distinguent facilement grâce aux couleurs rituelles de Baron Samedi qu’ils portent (blanc, noir et violet). Certains se couvrent même entièrement de poudre blanche ou dessinent des scènes lugubres sur leur corps. D’autres choisissent de revêtir l’habit préféré de Baron Samedi, qui comprend un chapeau noir, un monocle et une canne. Ensemble, cela crée un véritable Carnaval des Morts qui a lieu chaque année dans les cimetières haïtiens.

vodouisant haïtien vêtus de blanc remplissant une bouteille transparente avec un liquide
Préparation pendant la Fèt Gede aux Gonaïves
Photo: Jean Oscar Augustin

Ce Festival des Morts, qui comprend des rituels et des danses tout au long du mois de novembre, témoigne du lien intime qui existe entre le monde des vivants et le monde des morts dans la spiritualité vodou. Pour les pratiquants du vodou, la Fête Gédé est en réalité plus une célébration de la vie. Les esprits gede qui reviennent par l’intermédiaire de leurs hôtes lors de la possession peuvent attester de cette façon de penser. Ils sont animés par la joie et sont des esprits qui aiment rire, danser et s’amuser.

pratiquant du vodou haïtien dansant lors du rituel de Fête Gédé, avec une foule qui observe
Pratiquants du vodou pendant la Fête Gédé aux Gonaïves
Photo: Jean Oscar Augustin

Toutes ces performances extravagantes ont un seul objectif : divertir. Le festival n’est pas un moment de larmes ou de regrets, mais plutôt un temps pour honorer la mémoire des défunts. Cela implique notamment de préparer le festival en nettoyant les cimetières et en rénovant les tombes.

Ceux qui ont navigué vers « le pays sans chapeau » — une expression haïtienne qui signifie « l’au-delà », car personne n’est enterré avec son chapeau — demeurent présents dans la vie quotidienne et sont néanmoins célébrés comme il se doit lors de ce festival qui leur est dédié. Dans la spiritualité vodou, ceux qui ont pris le large pour le monde des morts jouent un rôle important dans la vie de tous les jours. Les esprits de ceux qui ont disparu, portant le nom de Gede, sont respectés comme des gardiens, des conseillers ou des esprits vengeurs par ceux qui restent.

La Fête Gede en Haïti est quelque peu similaire au Jour des Morts tel qu’il est pratiqué dans d’autres régions du monde (par exemple, le Dia de los Muertos). La différence réside toutefois dans la place que les morts occupent dans la croyance vodou et dans le syncrétisme qui sous-tend les différentes croyances des Haïtiens.

cimetière haïtien avec sculpture et ciel bleu parsemé de nuages
Monument pour l’esprit Gede Brav, cimetière des Gonaïves
Photo: Jean Oscar Augustin

En tant qu’héritage des traditions africaines ancestrales, le Vodou réserve une place importante à ceux qui ont quitté ce monde pour le suivant. Dans la procession des Gede, différentes personnes incarnent différentes divinités, notamment Baron Samedi, Baron Lacroix, Baron Criminel, Grann Brigitte et tous les autres esprits Gede. Bien plus que de simples gardiens de la mort et des cimetières, les Gede sont aussi des gardiens de la vie.

Ainsi, la célébration de la Fête Gédé n’est pas seulement une commémoration des morts, mais une célébration où les défunts peuvent participer par le biais de la possession sous la forme des esprits Gédé.

haïtiens rassemblés au cimetière pour le rituel vaudou de la Fête Gédé
Une prêtresse vaudou dirigeant une cérémonie pour l’esprit Brav Gédé, au cimetière des Gonaïves
Photo: Jean Oscar Augustin

Au cimetière principal de Port-au-Prince, où se tient chaque année la plus grande itération de ce festival, les catholiques viennent prier pour les âmes de leurs défunts à la petite chapelle de Notre-Dame des Douleurs, les protestants se rassemblent sur les tombes de leurs proches disparus, et les pratiquants du vaudou viennent pour la plus grande célébration de la Fête Gédé dans tout Haïti.

pratiquants vaudous haïtiens allumant une bougie pendant la Fèt Gédé
Un rituel vaudou lors d’une cérémonie durant la Fèt Gédé aux Gonaïves
Photo: Jean Oscar Augustin

Le festival se situe à la croisée des syncrétismes religieux en Haïti, avec des catholiques et des protestants rejoignant la procession vers les cimetières, chacun adorant à sa manière mais partageant tous les mêmes pensées pour les défunts, pensées teintées des croyances sur lesquelles reposent ces célébrations extraordinaires.

pratiquante vaudou haïtienne au cimetière portant une robe noire et violette
Une cérémonie vaudou pour l’esprit Brav Gede lors de la Fèt Gede, Gonaïves
Photo: Jean Oscar Augustin

Même si la Fête Gédé se déroule autour de la Toussaint et du Jour des Morts, c’est une célébration très différente de celles que l’on peut voir ailleurs. C’est un véritable moment de communion entre les morts et les vivants, ces derniers apportant du café, du maïs grillé, du manioc, du clairin (rhum) ou le plat préféré de l’être cher disparu.

homme haïtien tenant une partie de crâne humain pour la Fête gede
Fête Gédé aux Gonaïves
Photo: Jean Oscar Augustin

On pourrait même être tenté de dire que la Fête Gede est bien plus qu’un simple ensemble de pratiques fondées sur certaines croyances au sujet de la mort : elle constitue plutôt une véritable philosophie de la vie, une vie qui doit être vécue comme un carnaval. Si nous profitons de chaque instant, ce ne sont pas les Gede qui nous contrediront !


Rédigé par Costaguinov Baptiste.

Publié en octobre 2022.