Maxan Jean Louis dans son atelier, Port-au-Prince
Photo: Franck Fontain

Plongez dans l’atelier de l’artiste haïtien Maxan Jean Louis

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Découvrez l’intérieur de l’atelier de Maxan

Destiné à devenir maçon, Maxan Jean-Louis a pris un pinceau sur les conseils de son cousin, bouleversant ainsi le cours de sa vie. Né en 1966 dans la province de Jérémie, à l’ouest d’Haïti, il a voyagé jusqu’à Port-au-Prince dans sa jeunesse pour y tracer son chemin en tant qu’artiste. Depuis, ses œuvres ont trouvé leur place dans des musées européens, des collections privées internationales et les foyers de ses amis, qu’ils soient enseignants ou ambassadeurs.

Véritable artiste au cœur bohème, Maxan aborde ses amis de tous horizons avec le même respect et un humour bienveillant. Chaque semaine, il ouvre les portes de son atelier personnel, situé à l’est de la Route de Frères, sur une route de terre à environ un mile après le commissariat de police.

Les visiteurs passent le portail pour entrer dans un garage vide pouvant accueillir deux voitures, puis traversent jusqu’à une galerie d’art en plein air. Les murs extérieurs d’une maison à deux étages, jamais achevée, sont recouverts de plusieurs décennies de son art. Des œuvres politiques des années 1990 sont accrochées aux murs en ciment brut tout autour de la maison. Ces scènes engagées côtoient son style plus figuratif, inspiré du Vodou, qui lui a valu une reconnaissance aussi bien à l’international que dans son Haïti natal.

En montant l’escalier qui serpente jusqu’à l’arrière de la maison, vous entrez dans le domaine créatif de Maxan Jean Louis. Un vaste atelier s’étend sous vos yeux, couvert de toiles du sol au plafond, chacune à un stade différent de création. Sur la gauche, vous découvrirez un autre élément permanent : une pièce inachevée, sans toit, qui semble elle aussi faire partie de son univers artistique.

Appuyées contre les murs en parpaings, des monticules de bouteilles vides de bière Prestige s’élèvent jusqu’à la poitrine, avec çà et là quelques flacons de rhum Barbancourt égarés. Le spectacle est saisissant et a nécessité des années d’accumulation. Rayonnant de fierté, Maxan contemple cette montagne de verre avec un geste presque paternel, la transformant ainsi en une installation artistique pleinement assumée.

Près de la maison se trouve une cascade, et si vous êtes d’humeur pour une courte randonnée, Maxan se fera un plaisir de vous faire découvrir cette merveille naturelle toute proche. Il pourrait même vous proposer une baignade dans le bassin en contrebas.

Atelier de Maxan Jean Louis, Port-au-Prince
Photo: Franck Fontain

Inspiré par des visions

Bien que Maxan soit considéré comme un artiste de l’école Saint-Soleil, il affirme peindre dans deux styles distincts. Le premier se caractérise par des formes fantastiques, colorées et allongées, s’élevant sur un fond vibrant. C’est un univers pictural ancré dans le monde du rêve, inspiré par ses propres visions.

Ces toiles influencées par le Vodou vont des miniatures aux fresques murales, mais elles ont toutes en commun un mouvement vibrant et une énergie dansante. Ce sont les œuvres d’un talent naturel, né d’expérimentations et de moments de vision. Un thème prédominant traverse son travail : la libération du poids écrasant du quotidien. Visuellement, ses peintures traduisent cette quête d’évasion que tant de personnes recherchent – et trouvent – lors des cérémonies religieuses, des danses ou des festivals de musique.

Le second style de Maxan marque un changement radical d’ambiance, de forme et de couleur. La palette est plus pâle et le thème résolument politique. Selon le livre Artistes Haïtiens publié par l’APAM, Maxan a été profondément marqué par le coup d’État de 1991, qui a renversé Jean-Bertrand Aristide et déclenché une vague de violence contre les civils.

Maxan s’est tourné vers le surréalisme pour documenter les atrocités et les assassinats politiques à travers des couleurs vives. Ces événements, il les a vécus, et c’est par l’art qu’il a choisi d’exprimer ses réactions. Mais avant tout, Maxan est un esprit jovial et généreux. Ses mains rugueuses laissent couler des élans de générosité sans retenue. Il offre à ses nouveaux amis des peintures magistrales comme s’il s’agissait de simples tablettes de chocolat et échange volontiers avec les artistes dont il admire le travail.

Atelier de Maxan Jean Louis, Port-au-Prince
Photo: Franck Fontain

« Il n’y a pas assez de place »

Maxan a constitué une impressionnante collection d’art au cours des 30 dernières années. Les quatre pièces principales de sa maison sont recouvertes du sol au plafond de tableaux, réalisés aussi bien par des artistes haïtiens que par des créateurs internationaux.

Il y a un avantage à avoir été maçon et à rester proche de la communauté du bâtiment. Maxan fait régulièrement tendre des toiles de 3 à 6 mètres de haut et travaille sur trois d’entre elles en même temps. Il adore les formats sauvages et non conventionnels : plus les dimensions sont « dezod » – désordonnées ou atypiques – mieux c’est. Les murs gris de son imposante maison sont souvent recouverts de ses peintures éclatantes, où dominent l’orange, le vert et un rouge intense.

Avec un rythme de création aussi prolifique, Maxan doit concevoir ses fresques pour être mobiles. Pour libérer de l’espace et accueillir de nouvelles œuvres monumentales, il a vendu ses toiles à des expatriés, des ambassades et des collectionneurs privés. Il se souvient qu’en 2017, un collectionneur a visité son atelier et est reparti avec 27 peintures.

Atelier de Maxan Jean Louis, Port-au-Prince
Photo: Franck Fontain

Où trouver l’art de Maxan

En Haïti, les œuvres de Maxan se retrouvent dans les galeries les plus prestigieuses et les foyers d’amateurs d’art. Au-delà des Caraïbes, son travail s’exporte jusqu’en France, en Roumanie et aux Pays-Bas. Pour les passionnés d’art, il peut être difficile de concilier cette réputation internationale avec son atelier improvisé et son sourire malicieux. Maxan est le plus souvent aperçu filant à travers Port-au-Prince à l’arrière d’une moto, une casquette de baseball vissée sur la tête, vêtu d’un T-shirt ample et d’un pantalon cargo.

De nombreuses semaines, il prend cette direction pour se rendre au Lycée Français, où il enseigne les arts plastiques aux enfants de diplomates et aux jeunes Haïtiens inscrits dans le système français. Le soutien français à la promotion de la culture haïtienne, et à Maxan en particulier, est de longue date.

Sa première grande exposition a eu lieu à l’Ambassade de France en 2005. Chaque été, il se rend en France avec le groupe haïtien PROM-ART HAITI pour participer à des échanges culturels et exposer ses œuvres récentes lors d’une exposition collective. À l’été 2018, il a également voyagé en Roumanie et au Maroc.

Envie d’en savoir plus ? Appelez le +509 3637 7042 pour organiser une visite de l’atelier de Maxan.


Rédigé par Emily Bauman.

Publié en mai 2019